Lancé en 2011, le Défi Azimut est depuis quelques années un rendez-vous des skippers Imoca et figure désormais pour la première fois au calendrier officiel du Championnat Imoca Globe Series. Avant le coup d’envoi de la 11e édition à Lorient (14-19 septembre), Tip & Shaft s’est penché sur cette épreuve mêlant compétition sportive et ouverture vers les médias et les partenaires.
C’était il y a onze ans, fin 2010 à Barcelone, quelques jours avant le départ de la Barcelona World Race. Jean-Marie Corteville, fondateur de la société Azimut, spécialisée dans le numérique, dont certaines classes de bateaux (Mini, Class40, Imoca) sont alors les clientes, est sollicité par une poignée de marins en manque de confrontation à l’automne, en amont de la grande course de la saison.
“Certains m’ont proposé d’organiser un événement pour eux, raconte Corteville. Je les ai pris au mot : « Banco, je vous fais une ligne de départ, je vous paie à manger et une bière et rendez-vous à Lorient ! » Dès cette première année, j’ai en plus organisé un tour de Groix pour qu’ils puissent inviter leurs sponsors.”
La première édition du Défi Azimut, en septembre 2011, attire ainsi cinq participants (Armel Le Cléac’h, Louis Burton, François Gabart, Vincent Riou et Jean-Pierre Dick). “Dès la deuxième année, j’ai trouvé intéressant de faire participer les professionnels et de mettre en valeur la filière nautique locale. L’année suivante, on a ajouté les runs.”
Un événement
hybride
Depuis, si la grande course a été allongée, passant de 24 à 48 heures, notamment à la demande de la classe Imoca, le format reste identique. Un évènement hybride entre une compétition sportive, intégrée cette année pour la première fois et pour quatre ans au calendrier de la classe Imoca (le Défi 48 heures est coefficient 1), un rendez-vous très propice aux relations publiques, et l’occasion de mettre en avant – via tables rondes, workshops et conférences – les savoir-faire locaux en matière de voile de compétition.
Responsable du programme Eurolarge Innovation, dont la mission est justement de valoriser les entreprises de la « Bretagne Sailing Valley », Carole Bourlon souligne l’importance du rendez-vous lorientais : “C’est un événement qui tracte de plus en plus de médias et c’est aussi une plateforme d’échanges qui nous permet de parler d’internationalisation, d’éco-conception, de transfert de technologie et de faire venir des chefs d’entreprise.”
Les teams et les skippers apprécient également le format. “Il y a plusieurs volets : le sportif, avec un entraînement en flotte, en double ou en solo, avant la grande course de l’automne, et le côté partenaires très qualitatif, parce qu’on a la possibilité de les faire venir à bord en course”, confirme Romain Attanasio, qui sera présent (avec Sébastien Marsset) cette année sur Fortinet-Best Western.
Team manager d’Initiatives Cœur, qui, avec Sam Davies et Nicolas Lunven, sera également au rendez-vous de l’édition 2021, David Sineau ajoute : “C’est une super occasion pour les partenaires de venir naviguer et d’inviter leurs clients. Ça n’existe quasiment nulle part ailleurs de pouvoir vivre comme ça un départ de course de l’intérieur au milieu de la flotte Imoca.”
D’autres classes
frappent à la porte
Pour Antoine Mermod, président de la classe Imoca, “le format est particulièrement adapté : la date est bonne, c’est la reprise, il fait encore beau, c’est plus facile de faire venir du monde.” Cette partie RP ne prend-elle pas le pas sur le sportif ? “Non, pour moi, l’intérêt principal reste la confrontation sportive, répond David Sineau. Souvent, les bateaux sont déjà dans leur configuration transat ou Vendée Globe, avec leurs nouvelles voiles ; ça permet aussi à l’équipe dans son ensemble de se mettre en mode course.”
Charlie Dalin est sur la même longueur d’ondes : “Au niveau sportif, la course de 48 heures est l’occasion de se jauger en vitesse par rapport aux autres sur des bords variés. La semaine prochaine, on va voir certains concurrents contre lesquels on n’a pas régaté cette année, comme Bureau Vallée, LinkedOut ou Corum. Je trouve que c’est un bon équilibre entre relations publiques, partage et sportif.”
Cet équilibre a permis au Défi de se développer – 18 participants en 2020, année de Vendée Globe, 14 cette année – et de susciter l’intérêt d’autres classes. “Une année [en 2014], on avait ouvert l’épreuve aux Ultims, mais ce n’était pas simple de répondre à chaque classe. Tous les ans, on a des demandes des classes pour participer, ce n’est pas impossible qu’un jour, on mette une bouée beaucoup plus loin au large, rien n’est interdit. Ce qu’il faut, c’est que chaque classe y trouve son compte”, commente Jean-Marie Corteville.
Des moyens
pour grandir
Le succès de l’épreuve aidant, les moyens deviennent plus conséquents, en témoigne l’arrivée cette année de Lorient Agglomération comme partenaire-titre du Défi Azimut pour 4 ans. Que son président – et maire de Lorient – Fabrice Loher, justifie ainsi : “Une bonne partie de ceux qui ont participé au Vendée Globe ont couru le Défi Azimut, et cette année encore, on a une bonne partie de la flotte de la Jacques Vabre. C’est devenu un rendez-vous assez incontournable, ça nous paraissait naturel d’accompagner une de nos courses phares, de conforter son existence et de la faire grandir.” Le montant de l’investissement ? “90 000 euros par an, contre 60 000 l’an dernier et 30 000 l’année d’avant, la ville de Lorient rajoute 10 000 euros.” Un tiers du budget de 300 000 euros TTC annoncé par Jean-Marie Corteville, apporté, outre l’Agglomération de Lorient, par la région Bretagne (30 000 euros, nous a-t-il été indiqué à la région), le département du Morbihan et par des partenaires privés (BPI et Bakertilly Strego principalement).
Fabrice Loher confirme, au passage, la vocation de Lorient d’accueillir de plus en plus de courses : “On l’a fait cette année avec The Ocean Race et la Solitaire du Figaro, on va encore le faire dans les prochaines années, avec le Défi Azimut mais aussi en Ultim, puisqu’on va prochainement annoncer un projet de course au départ de Lorient au printemps 2022, qui s’inscrira sur la durée.” Avec Azimut ? Jean-Marie Corteville reste prudent : “Il y a beaucoup de discussions en cours sur de nouvelles courses à Lorient, mais rien n’a encore été décidé. Ce qui est sûr, c’est qu’on a une structure qui sait organiser des courses.” Et qui a comme projet d’ouvrir une base de vitesse à Lorient grâce à un outil technologique développé par sa société.
En attendant, il entend continuer à faire grandir le Défi. quelle direction ? “On fera le bilan après cette édition, mais chaque année, on affine”, répond-il. Marins et teams lui soufflent quelques idées : “Je pense qu’il faut d’abord faire la course de 48 heures, ensuite le festif, ce serait plus simple à gérer. Et sur les runs, il y a moyen de faire un truc encore plus fou”, note Romain Attanasio. “C’est un événement qui a surtout pris de l’importance auprès des médias, mais pas encore assez auprès du grand public alors que le plateau est quand même exceptionnel, souligne David Sineau. A part sur les grandes courses, tu n’as jamais l’occasion de voir autant d’Imoca”.
Photo : Anne Beaugé