Charal et LinkedOut ont fait la première semaine de la Vendée-Arctique en tête

Le débrief de la 1ère semaine de la Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne par Yoann Richomme

La Vendée-Arctique-Les Sables d’Olonne, partie le 4 juillet des Sables d’Olonne, est encore loin d’avoir livré son verdict, avec les 7 premiers qui se tiennent en moins de 20 milles. Abandons de Sébastien Simon et d’Armel Tripon, domination du trio Dalin-Beyou-Ruyant, bonne tenue des précédents foilers optimisés, mais également de Clarisse Crémer sur un bateau à dérives droites, Tip & Shaft fait le point à mi-course avec Yoann Richomme, qui a disputé la dernière Transat Jacques Vabre avec Damien Seguin, qu’il continue à aider dans sa préparation du Vendée Globe.

Les abandons de Sébastien Simon, d’Armel Tripon et de Damien Seguin : trois cas différents

“Pour Sébastien, le problème est hyper compliqué : il faudrait être une petite souris pour connaître le fin mot de l’histoire ! Ce que je lui souhaite c’est que ce soit un souci isolé sur son foil et que les trois exemplaires déjà fabriqués ne soient pas fragiles comme ça. Parce que le temps de trouver le problème, il ne lui reste pas le temps d’en construire de nouveaux si tant est qu’il aie le budget pour le faire. C’est dommage, parce je pense que les foils circulaires, c’est une bonne idée, Hugo Boss a les mêmes, ça permet d’avoir quelque chose d’assez évolutif et ça paraît beaucoup plus gérable.

Pour Armel, c’est un peu monnaie courante dans cette catégorie de foilers de rencontrer des problèmes de structure à ce stade de fiabilisation du bateau. Ils ont tenté le coup pour jouer la qualif, ça n’a pas marché, mais c’est quand même beaucoup moins grave qu’Arkéa PaprecL’Occitane a un design qui dénote, avec une évolution identique aux derniers Class40 au niveau de la coque et des foils complètement différents, assez évolutifs et assez « safe » parce qu’ils se relèvent entièrement, ce qui, en termes de sécurité, me plaît bien. Il n’est pas aérien comme certains l’année dernière avec des étraves 5 mètres au-dessus de l’eau. Mais aujourd’hui, personne n’essaie de faire ça, l’objectif est de lever le bateau de manière constante, pas forcément en mode fusée, et je trouve que L’Occitane a un comportement très sain.

Quant à Damien, il a cassé le support de l’alternateur, c’est clairement un manque de temps, le bateau n’avait pas beaucoup navigué avant le départ, il y avait des risques de petits problèmes. Il faut voir ça comme une opportunité, ça va lui donner plus de temps pour fiabiliser le bateau. Pour lui, l’horloge tourne moins vite car Apicil est une base très solide qui a encore gagné en poids, je l’ai vraiment trouvé impressionnant sur le convoyage vers les Sables, Damien en a vraiment fait un super bateau.”

Entre Charlie Dalin, Jérémie Beyou et Thomas Ruyant : un match à trois attendu

“Ils étaient clairement étaient considérés comme les favoris, donc il n’y a pas de surprise. Ce sont les plus gros projets, ceux qui ont travaillé le plus, les plus expérimentés au large, ils cumulent toutes les qualités. Quant à Thomas, ce serait mentir de dire que c’est une surprise, parce qu’il a déjà montré l’année dernière que son bateau avait un fort potentiel. Il est dans sa gamme de jeu : autant la Solitaire n’était peut-être pas son truc, autant là, au large, sur un gros bateau, il commence à avoir une solide expérience. Et on le sent épanoui, c’est quelqu’un qui a lutté pour gagner le droit d’être là, je pense qu’il est mort de faim. Il n’a pas très bien joué stratégiquement avant la bouée COI Unesco, parce qu’il fallait se placer dans l’ouest, mais il a fait un petit décalage payant avant le waypoint et il a eu raison d’insister.

Ce vendredi matin, j’ai trouvé que les trajectoires de Charlie et de Jérémie étaient vraiment très tendues et très propres ; on voit plus de petites erreurs sur celles de Thomas, mais, globalement, ça navigue vraiment super bien. On se rend compte, en tout cas, que les différences entre ApiviaCharal et LinkedOut sont très faibles. Déjà, à la base, on peut considérer que ce sont quasiment les mêmes bateaux dans le sens où les philosophies sont proches, avec des nouveaux foils effilés qui se ressemblent pas mal. On verra sans doute plus de différences avec des bateaux comme L’OccitaneArkéaCorum et Hugo Boss. Il y en a bien sûr quelques-unes, peut-être 100 kilos d’écart ou des surfaces de foils qui ne sont pas tout à fait les mêmes, mais je ne pense pas que c’est ça qui fera la différence sur le Vendée Globe. Tout se jouera sur le rythme : c’est celui qui arrivera à tenir les meilleures moyennes qui gagnera.”

Les anciens foilers optimisés sont au rendez-vous

“Depuis ce matin, ils sont revenus, ça donne une régate super intéressante, nous qui manquions de courses à suivre, on est gâtés. Je trouve qu’Isabelle Joschke s’est particulièrement bien débrouillée au début, toujours dans le paquet, elle a l’air d’avoir un bateau qui va vite et de bien le mener, elle a dû prendre confiance en naviguant cet hiver. Pareil pour Sam : elle a été un peu décrochée au début au près, mais elle est bien revenue dans le jeu, son bateau a l’air plus à l’aise sur les allures ouvertes. Boris s’en sort aussi très bien, il est dans son élément au large. On constate qu’il y a eu des chantiers bien menés en début d’année, le décalage de calendrier lié au confinement a peut-être laissé à tout le monde le temps de bien finir les choses, il y a finalement peu d’abandons.”

Clarisse Crémer dans le coup, sans surprise

“Clarisse mène bien sa danse, et pour moi, il n’y a aucune surprise. Peut-être qu’elle était angoissée au départ, mais je pense qu’elle a toutes les capacités pour bien mener ce bateau. Ses trajectoires sont propres, elle arrive à se battre avec des foilers de 2015 – je pensais d’ailleurs que ces derniers tiendraient un peu mieux la marée, seul Yannick Bestaven parvient à s’accrocher au groupe de tête. En tout cas, Clarisse montre que sur le Vendée Globe, elle jouera la victoire parmi les non-foilers avec Damien, Jean Le Cam et Maxime Sorel. Cette régate va la mettre en confiance.”

Confirmation du fossé entre les nouveaux foilers et les autres

“Au niveau des performances pures des bateaux, les enseignements pour le prochain Vendée Globe sont assez faibles, parce que la météo est capricieuse depuis le départ, avec pas mal de près et de petit temps, des conditions qui ne correspondent pas vraiment au programme qui les attend sur le Vendée Globe. Il nous aurait fallu des bords un peu plus longs, un peu plus ventés, avec des angles un peu plus ouverts.

Maintenant, on a la confirmation que les différences se sont creusées entre les nouveaux foilers et les autres. On disait au début qu’ils n’y arriveraient jamais au près, mais au final, ils vont mieux qu’un Imoca à dérives, ils ont énormément progressé. Même s’ils naviguent un peu plus bas, ils vont au moins 3 nœuds plus vite au près océanique. Il est devenu impossible pour les autres Imoca, à part peut-être pour PRB, d’espérer se battre avec eux.

La différence avec les foilers de 2015 devient flagrante : ces derniers décollent beaucoup moins tôt. En général, on dit qu’ils utilisent véritablement les foils à partir de 18 nœuds de vent, on a bien vu sur le départ dans 16-18 nœuds de vent, et alors qu’ils étaient tous sous-toilés, que les nouveaux bateaux étaient déjà tous en train de foiler. On l’avait déjà constaté en entraînement l’année dernière : à 14 nœuds de vent sur un bord de travers, les bateaux utilisent vraiment le foil et partent à plus de 20 nœuds. Là, on a entendu des mecs parler de pointes à 30 nœuds par 15 nœuds de vent, ça donne une idée de l’efficacité de la chose !

Maintenant, ce qu’on attend de savoir, c’est si les nouveaux bateaux se sont améliorés au portant VMG, ce qui était leur point faible l’an dernier. Avec les Imoca à dérives, on arrivait encore à s’en sortir de temps en temps, là, s’ils ont bossé ça aussi bien que le près, ce sera fini. On devrait avoir un début de réponse après la bouée Gallimard parce qu’il devrait y avoir du portant VMG avec des empannages jusqu’aux Sables. Pas très fort, environ 16 nœuds, mais sous gennaker ou sous spi, ça pourra donner une petite idée.”

“Mon pronostic ? Charlie qui gagne devant Jérémie et Thomas”

“Ce soir, ils doivent négocier une transition, qui, selon moi, a l’air plus évidente à passer dans l’ouest, du côté de Charlie, c’est pour ça qu’il accepte à mon avis que les autres allongent un peu la foulée sous le vent, il devrait être en meilleure position pour la suite. Après, il y a une double bascule de vent à prendre avant d’aller sur un bord vers la bouée Gallimard. Mon pronostic ? Charlie qui gagne devant Jérémie et Thomas. On a l’impression de retrouver le Charlie du Figaro, qui commence à maîtriser son élément. Il est dans une équipe bien rodée et bien financée, il semble en confiance, comme je sais qu’il aime l’être, ça le booste. En plus, il vit clairement son rêve de participer au Vendée Globe avec un projet gagnant, il a tout pour être au top.”

Photo : François Van Malleghem/Imoca

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