Propriétaire de PRB depuis mai, le géant suisse du ciment Holcim a annoncé mercredi une évolution du projet voile de Kevin Escoffier : ce dernier participera dans la foulée de la Route du Rhum à The Ocean Race à bord d’un Imoca, qui, lundi, est sorti de son chantier d’été sous de nouvelles couleurs. Tip & Shaft vous raconte l’histoire de ce changement mené en quelques semaines.
Les visiteurs passés lundi par Lorient la Base ont eu une petite surprise : mis à l’eau le 7 mai sous les traditionnelles couleurs orange et noires de PRB, le nouvel Imoca de Kevin Escoffier (plan Verdier) est ressorti de son chantier d’été en… vert et bleu, avec sur la coque le nom d’Holcim. L’occasion pour le skipper malouin et le directeur général France d’Holcim, François Petry, d’annoncer la participation de l’équipe à The Ocean Race dans la foulée de la Route du Rhum-destination Guadeloupe !
Pour comprendre ce changement, il faut revenir quelques semaines en arrière : lorsqu’en mai, PRB est officiellement racheté par Holcim, géant suisse du ciment (ex Lafarge, 25 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 80 000 collaborateurs dans le monde), le projet voile, qui, depuis 30 ans, fait partie de l’ADN de l’entreprise vendéenne, arrive sur le bureau des nouveaux propriétaires.
“Au moment de repartir sur une campagne de Vendée Globe, Jean-Jacques Laurent [ex PDG de PRB, NDLR] avait tout de suite annoncé qu’il fallait absolument un co-partenaire, raconte Olivier Troussicot, directeur général de PRB. Quand on est entrés en négociations exclusives avec Holcim, c’est devenu une évidence. On en a alors parlé avec le grand patron monde, Jan Jenisch, qui s’est avéré être un amoureux de la voile. Je lui ai dit qu’il y avait toute une partie du bateau sur l’arrière qui était blanche et qu’elle était pour eux.”
“Je leur ai fait une présentation des courses et de l’écosystème de la voile, Ils ont tout de suite vu l’intérêt du projet dans leur communication, ajoute Kevin Escoffier. Mais en raison de leur dimension mondiale, ils ont voulu communiquer à l’international.” Le skipper soumet alors, fin juin, aux nouveaux propriétaires l’idée de participer à The Ocean Race, le choix est validé en quelques jours !
Un chantier commando
“Quand nous nous sommes demandé quel serait l’objectif d’Holcim dans un tel projet, la nécessité d’avoir une visibilité mondiale sur les sujets de recyclage et de développement durable – le groupe est le leader mondial des produits durables de la construction – s’est imposée. La solution The Ocean Race, par son côté course par étapes autour du monde, qui plus est dans des pays où Holcim est installé, rentrait totalement dans notre stratégie de communication et d’image”, confirme François Petry. Le groupe souhaite en revanche décorer le bateau à ses nouvelles couleurs depuis juillet 2021, en y ajoutant Go Circular pour porter ce message environnemental.
Des modifications qui ne sont pas sans poser des problèmes logistiques, que raconte la team manager du projet, Marine Derrien : “On s’était mis d’accord pour faire la nouvelle déco après la Route du Rhum, mais en regardant le planning de plus près, on s’est dit que ça allait être compliqué, surtout qu’il faudra aussi mettre le bateau en configuration équipage, le tout à Alicante, un endroit qu’on connaît moins bien. Donc on a décidé de repeindre le bateau à Lorient pendant le chantier d’été prévu pour durer quatre semaines. On a appelé plein de monde en France, on n’a essuyé que des refus, mais comme j’ai travaillé en Angleterre pendant des années, j’ai trouvé des peintres anglais. Normalement la peinture, c’est de six à huit semaines, on a réussi à la faire en cinq !”
Entré en chantier le 18 juillet, le bateau en est ressorti le 22 août, rebaptisé Holcim-PRB, le logo de la société vendéenne apparaissant désormais sur les voiles d’avant. “Au départ, il était prévu de changer un peu de couleur, finalement, ça a beaucoup changé, constate Olivier Troussicot. La perte de l’orange a provoqué un peu d’émoi parmi nos équipes, mais c’est normal que la maison mère prenne le lead, que ce soit au niveau des couleurs ou du budget. On est une petite entreprise à côté d’Holcim, on doit représenter 1% de leur chiffre d’affaires.”
6 ou 7 Imoca espérés
Le budget en question ? “Ce n’est pas quelque chose que je vais partager, mais vous savez très bien que ce sont des budgets importants et il est clair que le soutien financier du groupe marque son intérêt pour ce projet”, répond François Petry, là où Marine Derrien estime qu’il “faut largement doubler le budget de fonctionnement pour être au départ de The Ocean Race.” L’équipe va elle aussi s’étoffer, passant de 8 à 12 permanents dans un premier temps. “En tout, avec les marins et les boat-builders, on sera entre 20 et 25 personnes sur certaines étapes de The Ocean Race”, prévoit la team manager, qui connaît bien l’épreuve pour avoir travaillé comme cheffe de projet de Dongfeng Race Team en 2014-2015 avec, déjà, Kevin Escoffier.
Le recrutement de l’équipage, dont fera sans doute Pascal Bidégorry, présent dans l’équipe depuis la mise à l’eau du bateau, est en cours. “On part sur une configuration de quatre personnes plus un media man, j’aimerais intégrer le maximum de femmes et ce sera un équipage international“, précise Kevin Escoffier.
Combien d’équipes Imoca seront au départ d’Alicante le 15 janvier 2023 ? Cinq sont officiellement inscrites – 11th Hour Racing Team, Malizia, Guyot Environnement-Team Europe, Holcim-PRB et Biotherm – Antoine Mermod, président de l’Imoca, et Johan Salen, copropriétaire de The Ocean Race, présents lundi à Lorient à la remise à l’eau de l’ex PRB, en espèrent “six ou sept.”
Interrogé par Tip & Shaft sur l’hypothèse de voir l’actuel LinkedOut participer à la course, Thomas Gaveriaux, directeur général de TR Racing, la structure de Thomas Ruyant, nous a répondu : “Il y a une discussion en cours depuis un moment avec une équipe étrangère, un projet dans lequel on serait impliqué assez légèrement. Au niveau des délais, on arrive en butée, il faut que ça se fasse courant septembre, après, ce sera trop tard.”
Selon nos informations, une autre équipe française étudie la question, ce qui, dans le meilleur des cas, permettrait d’avoir sept partants. Du côté des VO65, la tendance est à une plus faible participation, seuls les Néerlandais de Team NextGen, étant, à date, officiellement inscrits. “Ça se passe un peu moins bien, reconnaît Johan Salen. Deux autres équipes sont financées mais pas encore annoncées, le plus réaliste serait d’avoir quatre bateaux.”
Photo : Yann Riou / polaRYSE / Team Holcim-PRB