Imoca Thomas Ruyant

Comment le projet For People à deux bateaux s’est monté

Conçu par Antoine Koch et le cabinet Finot-Conq, l’Imoca For People de Thomas Ruyant a été mis à l’eau jeudi à Lorient. Il porte les couleurs d’Advens et de Leyton, associés dans un double projet auprès du vainqueur de la Route du Rhum 2022 et du Britannique Sam GoodchildTip & Shaft vous en dit plus.

Arrivé dans la voile auprès de Thomas Ruyant lors de la précédente campagne de Vendée Globe, terminé sur une sixième place pour le Nordiste, Advens a aussitôt décidé de basculer sur une seconde, avec des ambitions à la hausse, comme nous le confiait en mai 2021 son président et fondateur, Alexandre Fayeulle : “J’ai trouvé dans ce sponsoring un formidable outil ; maintenant, comme Thomas, j’aime la gagne, donc l’objectif est de se donner les moyens de viser le plus haut possible.” Forts de cette volonté, le skipper, son équipe et son partenaire ont décidé de se lancer dans la construction d’un nouveau bateau.

Ce que confirme aujourd’hui le même Alexandre Fayeulle : “La question s’est posée de savoir si, pour maximiser nos chances de victoire, on repartait avec le même bateau ou si on en construisait un nouveau, ; assez vite, on a choisi cette deuxième option parce que Thomas avait pas mal de points d’amélioration en tête, dont il discutait déjà depuis un bout de temps avec Antoine Koch.” Ce dernier, qui avait participé dans l’équipe au développement du premier Imoca, LinkedOut, s’est alors vu confier, avec le cabinet Finot-Conq, la conception du nouveau bateau (voir notre interview), construit chez CDK à Lorient et dévoilé jeudi, sous le nom de For People.

Que faire, dès lors, de LinkedOut à l’issue de la Route du Rhum 2022, dernière course de Thomas Ruyant à son bord ? “Après le Vendée Globe, on a pensé à toutes les hypothèses, notamment une location ou une vente, il nous a fallu quelques semaines pour nous dire ce serait idéal de le garder pour accélérer l’apprentissage du futur bateau de Thomas, explique Thomas Gaveriaux, directeur général de TR Racing, la structure de Thomas Ruyant. “En plus du fait qu’on était très attachés à LinkedOut, ce critère sportif a vraiment été en haut de la pile, ajoute le skipper. On va avoir la chance de faire naviguer côte à côte le nouveau bateau et la référence en Imoca, ça n’a pas de prix pour progresser.”

 

“Sam est vite devenu le favori”

 

Ce choix de conserver LinkedOut entériné, reste alors à l’équipe à trouver un skipper pour le prendre en main à partir de la saison 2023 et à structurer ce double projet. “Pour être tout à fait honnête, on l’avait proposé à un premier skipper en cours d’année 2021 parce qu’une opportunité se présentait, raconte Alexandre Fayeulle, sans vouloir donner le nom de la personne en question. Mais comme ça ne s’est pas fait, on est ensuite entrés dans une logique de sélection.” Dont Sam Goodchild “est assez vite devenu le favori”, poursuit le patron d’Advens. Ce que confirme Thomas Ruyant : “On a eu des échanges avec d’autres marins, mais Sam, que j’avais côtoyé en Figaro et en Class40, présentait beaucoup d’atouts : un marin super performant et un profil anglo-saxon très intéressant, un personnage carré, droit dans ses bottes, qui dit les choses, avec en plus une grosse envie de faire le Vendée Globe, partagée par son partenaire.”

En l’occurrence, Leyton qui, ça tombe bien, réfléchissait depuis un certain temps, après avoir touché à la Class40 et à l’Ocean Fifty, à franchir le pas de l’Imoca et du Vendée Globe. Caroline Villecroze, la directrice marketing et communication, explique : “Quand, en octobre 2020, on a validé avec Sam qu’il devenait notre skipper en Ocean Fifty, il nous avait dit que son rêve était de faire le Vendée Globe. On lui avait répondu que si une opportunité se présentait, on regarderait avec lui. A partir de fin 2021, on a commencé à s’y intéresser de plus près, on a notamment pensé à se faire accompagner par l’écurie d’Alex Thomson, que Sam connaît très bien, on a aussi étudié des projets de co-partenariat.”

Jusqu’à une rencontre, autour d’un café, entre Alexandre Fayeulle et Maxime Jacquier, directeur général de Leyton, à l’occasion du départ de la Transat Jacques Vabre 2021. “Initialement, c’était juste pour échanger avec lui et son équipe sur le projet LinkedOut qui nous avait interpellés, sachant que notre objectif était d’aller encore plus loin dans nos actions sociétales, poursuit Caroline Villecroze. On avait d’ailleurs aussi regardé 11th Hour Racing avec curiosité et intérêt. L’ambition qu’Alexandre nous a alors présentée pour la suite de son projet nous a énormément plu.” Les deux partenaires commencent dès lors à creuser la faisabilité d’une collaboration qui n’était pas forcément l’idée initiale d’Alexandre Fayeulle : “On aurait pu faire le projet tout seul avec les deux bateaux, mais c’était clairement une plus-value pour nous d’embarquer Leyton dans l’histoire, car on est vraiment dans une logique collective.”

 

6 millions de budget annuel

 

Cette démarche collective, définitivement validée entre toutes les parties au début de l’été 2022, fait que Leyton et Advens ne sont plus aujourd’hui partenaires d’un seul skipper, mais des deux, avec un marquage équitable et identique sur les deux bateaux, mais également le même engagement sociétal sous le nom de For People. “Comme Thomas capitalise sur son précédent bateau pour pousser le curseur plus loin sur le second, on fait pareil sur le volet sociétal, explique Alexandre Fayeulle. On capitalise sur les trois dernières années où, avec ce voilier sous les couleurs de LinkedOut, on a réussi à remettre à l’emploi 400 personnes qui avaient des chances quasi-nulles de retrouver un job. On va continuer à accompagner Entourage [association qui a lancé le dispositif LinkedOut, NDLR] dans son développement, mais l’idée est d’aller plus haut avec For People, qui permet, grâce au nom universel du bateau, d’accompagner d’autres initiatives à fort potentiel d’impact en France et à l’international.”

Un aspect qui a aussi permis de convaincre Leyton. “On a toujours voulu s’engager dans des actions concrètes, ce que nous avons fait en travaillant avec le projet Magenta pour faire naviguer un certain nombre de femmes sur l’Ocean Fifty. Ce projet For People permet d’apporter une dimension internationale et d’accélérer notre impact sociétal dans d’autres pays, notamment ceux dans lesquels nous sommes présents”, confirme Caroline Villecroze.

Co-partenaires de ce projet pour trois ans, Advens et Leyton se partagent-ils le budget à parts égales ? “Ce n’est pas un sujet sur lequel on souhaite communiquer”, répond cette dernière, consentant à ajouter que cet engagement en Imoca représente “un investissement supérieur” pour Leyton par rapport à l’Ocean Fifty. Alexandre Fayeulle, propriétaire à titre personnel des deux bateaux, s’il ne tient pas non plus à parler de la part des deux partenaires, explique de son côté : “Le budget de fonctionnement annuel avec les deux bateaux, c’est 6 millions d’euros. Ça serait plus si les deux projets étaient indépendants, on économise entre 10 et 15% avec la mutualisation des moyens. Et il y a potentiellement la place pour un autre sponsor s’il vient apporter sa valeur ajoutée, on souhaite des partenaires qui soient réellement contributeurs au projet, pas seulement consommateurs.”

Dès son retour de The Ocean Race, qu’il court actuellement sur Holcim PRBSam Goodchild deviendra donc à la fois coéquipier et concurrent de Thomas Ruyant, ce qui fait dire à ce dernier : “On me dit que je prends un risque de laisser un très bon bateau à un super marin, mais Sam va nous apporter énormément, vu l’expérience qu’il est train d’acquérir sur The Ocean Race avec une super équipe, c’est du gagnant-gagnant. Si les choses sont bien dites et anticipées, ça peut faire la différence par rapport aux autres teams. Et évidemment, quand la ligne de départ sera coupée, il redeviendra un concurrent comme un autre, je ne lui ferai pas de cadeau !”

Photo : Pierre Bouras – TR Racing

Tip & Shaft est le média
expert de la voile de compétition

Course au large

Tip & Shaft décrypte la voile de compétition chaque vendredi, par email :

  • Des articles de fond et des enquêtes exclusives
  • Des interviews en profondeur
  • La rubrique Mercato : l’actu business de la semaine
  • Les résultats complets des courses
  • Des liens vers les meilleurs articles de la presse française et étrangère
* champs obligatoires


🇬🇧 Want to join the international version? Click here 🇬🇧