Le groupe Holcim a annoncé jeudi le choix de Nicolas Lunven pour remplacer Kevin Escoffier à la barre de l’Imoca Holcim-PRB pour le Vendée Globe 2024, tandis que la Néerlandaise Rosalin Kuiper lui succédera en vue de The Ocean Race Europe 2025. Tip & Shaft vous explique comment a été prise cette décision.
Depuis le déclenchement de « l’affaire Kevin Escoffier » début juin (voir notre article), Holcim et PRB, sponsors du Malouin, s’étaient réfugiés dans un long silence, repoussant toute demande de communication sur le sujet. Le géant suisse du ciment, propriétaire de PRB depuis mai 2022, refusait notamment de se prononcer sur la suite du projet à l’issue de The Ocean Race, dont Holcim-PRB, avec Benjamin Schwartz appelé pour prendre la barre après la mise en retrait de Kevin Escoffier, avait pris la deuxième place.
C’est finalement jeudi matin qu’un communiqué a rompu ce silence, annonçant que Nicolas Lunven et Rosalin Kuiper allaient prendre la barre du plan Verdier mis à l’eau en mai 2022, le premier étant appelé à disputer le Vendée Globe 2024, la seconde à l’accompagner puis à lui succéder en 2025. Sollicité par Tip & Shaft. Olivier Troussicot, directeur général de PRB, a accepté de répondre par mail, l’intéressé se trouvant à Washington pour une convention du groupe Holcim.
D’abord interrogé sur le mutisme du groupe suite au déclenchement de « l’affaire Escoffier », il a expliqué : “Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur des allégations divulguées dans la presse. Les instances concernées se sont positionnées et nous les laissons faire leur travail. Nous n’avons bien évidemment pas à intervenir dans ces process. Nous n’avons pas de commentaires à faire sur ce point. Nous nous sommes davantage concentrés sur notre projet Imoca Holcim-PRB.”
“Nous avons envisagé
toutes les possibilités”
Un projet que le groupe a donc pris la décision de poursuivre en remplaçant Kevin Escoffier qui, précise Olivier Troussicot, “a choisi de débarquer lors de l’escale à Aarhus sur The Ocean Race”, avant d’ajouter : “Aujourd’hui, Kevin Escoffier ne fait plus partie du team Holcim-PRB.” Holcim et sa filiale PRB ont-ils songé à mettre un terme à leur engagement en Imoca ? “Nous avons envisagé toutes les possibilités, y compris d’arrêter notre sponsoring voile, répond le directeur général de PRB. Nous avons mené les réflexions ensemble, avec les équipes d’Holcim, nous avons pris le temps nécessaire avant de décider de poursuivre notre engagement dans la course au large.”
Cette décision, prise “durant l’été”, s’est donc accompagnée de celle de faire appel à un duo mixte pour succéder à Kevin Escoffier. “Nous avions vraiment la volonté de proposer un projet sous la forme un expert/un talent, il ne s’agissait pas pour nous d’intégrer uniquement un skipper pour le Vendée Globe, mais de construire une équipe pour s’engager sur le plus long terme”, explique le directeur général de PRB.
Qui ajoute, à propos du choix du double vainqueur de la Solitaire du Figaro, par ailleurs navigateur à bord de Malizia lors de The Ocean Race aux côtés de… Rosalin Kuiper : “Nous avons tout de suite pensé à Nicolas Lunven. Nous le connaissions puisqu’il a porté nos couleurs lors de la Transat Jacques Vabre 2019 [deuxième avec Kevin Escoffier, NDLR]. Les Imoca sont des bateaux extrêmement pointus, peu de marins sont capables de les mener seuls autour du monde. Et nous connaissions l’envie de Nicolas de faire le Vendée Globe. Il est donc très vite apparu qu’il était la bonne personne pour mener à bien le projet, d’autant qu’il cumule beaucoup de milles dans le classement des skippers Imoca en lice pour le Vendée Globe [il occupe la troisième place dans le tableau des milles, critère qui servira à départager les candidats au Vendée Globe s’il y a plus de 40 inscrits, NDLR]. Nous savons qu’il a été un élément clé dans la réussite du projet Malizia sur The Ocean Race. D’ailleurs, Rosalin nous a indiqué qu’il était surnommé « The brain » à bord. Ce qui dit beaucoup de ses capacités.”
Des discussions menées séparément
Ce choix fait en interne, Nicolas Lunven ne l’a appris que tard cet été. Interrogé sur d’éventuels contacts avec Holcim-PRB début juillet par Tip & Shaft, il confiait : “C’est très simple de répondre : j’ai zéro contact avec eux et je n’ai aucune info sur ce qu’ils ont l’intention de faire.” Jeudi matin, il nous a raconté : “A la fin de The Ocean Race, tout le monde venait me voir en me disant : « Alors, Holcim t’a appelé pour récupérer le projet ? » Il y avait tellement d’insistance que je m’étais persuadé que ça n’allait pas arriver puisque je n’avais pas de contact avec eux. Et puis finalement, j’ai eu cet heureux coup de téléphone [courant juillet] de quelqu’un chez Holcim. Au début, j’ai essayé de ne pas trop m’emballer, car parfois, on est contacté pour des projets qui, finalement, n’aboutissent pas. Mais les choses se sont accélérées et concrétisées fin août-début septembre.”
La décision a alors été vite prise : “Je n’ai pas beaucoup hésité. J’avais quand même une petite partie complexe à gérer avec Initiatives Cœur, car j’étais censé participer à la Transat Jacques Vabre avec Sam Davies, mais ils ont très bien accueilli la nouvelle sur le fait que je les abandonne pour aller skipper Holcim-PRB“, explique le Breton, qui sera remplacé par Jack Bouttell à bord d’Initiatives Cœur.
Pendant que les discussions avançaient avec Nicolas Lunven, d’autres avaient par ailleurs été entamées par Holcim-PRB avec Rosalin Kuiper, “une personnalité inspirante et talentueuse”, selon Olivier Troussicot. “Le choix de Rosalin ne vient pas de moi, précise d’ailleurs Nicolas Lunven. C’est Holcim qui m’a présenté le projet d’avoir deux co-skippers, avec moi jusqu’au Vendée Globe, puis une sorte de passation avec elle.” Egalement jointe par Tip & Shaft, la Néerlandaise, âgée de 28 ans et révélée sur The Ocean Race, raconte : “L’équipe Holcim PRB m’a contactée en juillet. Au début, ce n’était pas encore très précis, mais au fur et à mesure de nos discussions, le projet est devenu de plus en plus clair et je suis devenue de plus en plus enthousiaste car c’est une opportunité fantastique pour moi.”
Objectif Retour à La Base
Ce n’est que tard cet été que Rosalin Kuiper a appris l’identité de son co-skipper : “Avec Nico, nous ne nous sommes pas parlé, nous avons été approchés séparément. Je ne savais pas qui serait choisi pour le Vendée Globe, je leur (à Holcim-PRB) avais juste dit : « Si vous n’avez pas encore de skipper, je vous en prie, parlez à Nico ! Parce qu’il est fantastique. » Ils ne me l’ont annoncé qu’à la toute fin, parce que, avant de signer le contrat, je voulais vraiment savoir. C’était évidemment une très bonne nouvelle, je ne pouvais pas rêver mieux que d’avoir Nico comme co-skipper. Nous avons passé beaucoup de temps ensemble pendant The Ocean Race, c’est plus qu’un collègue, il est presque devenu un membre de la famille, je lui fais confiance à 100%, je suis ravie parce que je vais pouvoir apprendre beaucoup à ses côtés.”
Là encore, la décision a été vite prise par celle qui confie avoir pris conseil auprès de Boris Herrmann et Holly Cova, skipper et team manager de Malizia. “Ils m’ont vraiment encouragée à accepter. Je n’ai pas hésité longtemps, j’ai toujours eu l’ambition de faire partie d’un team de course au large ou d’être skipper d’un bateau.” Elle le sera donc à l’issue du Vendée Globe avec dans le viseur The Ocean Race Europe à l’été 2025, pour lequel elle compte monter “un équipage international et mixte”. Avant de voir plus loin, notamment le Vendée Globe 2028 ? “Pour l’instant, l’objectif, c’est The Ocean Race Europe, mais l’idée est de discuter pour, peut-être, faire plus de courses, comme The Ocean Race en 2027, répond Rosalin Kuiper. Quant au Vendée Globe, il est clairement dans un coin de ma tête, ce serait une magnifique opportunité, mais c’est encore très loin !”
La priorité actuelle du nouveau tandem, une fois Holcim-PRB remis à l’eau, est de le convoyer vers la Martinique d’où s’élancera le 26 novembre Retour à La Base, transat en solitaire dont Nicolas Lunven doit absolument prendre le départ pour remplir les critères de qualification au Vendée Globe (voir notre article). “On ne va pas participer à la Transat Jacques Vabre, car niveau timing, c’est trop serré. On va essayer de mettre le bateau à l’eau début ou mi-octobre pour faire quelques navigations d’entraînement et de mise au point et tout de suite après partir en convoyage”, confie Nicolas Lunven. Avec ses partenaires, ce dernier s’attelle par ailleurs à constituer une nouvelle équipe – que vient de quitter la team manager Marine Derrien -, le 60 pieds étant pour l’instant hébergé à Port-la-Forêt dans un hangar mis à disposition par Vincent Riou – qui a longtemps porté les couleurs de PRB.
Photo : Eloi Stichelbaut / PolaRYSE / Team Holcim-PRB