Un peu plus de deux ans après avoir renoncé à s’aligner au départ du Vendée Globe 2024 suite à « l’affaire Crémer » (voir notre article), Banque Populaire a officialisé mardi soir par un communiqué, puis mercredi lors d’une soirée sur une péniche parisienne, son retour en Imoca ainsi que le choix de Loïs Berrehar pour incarner ce nouveau projet. La « banque de la voile » a par ailleurs reconduit pour quatre ans son partenariat avec les fédérations françaises de voile et de surf.
Pour ce qui est de l’Imoca, l’annonce n’a pas constitué une grande surprise, dans la mesure où elle avait été largement ébruitée depuis plusieurs semaines, ce retour ayant été validé “au cours du second semestre 2024”, selon Pierre-Laurent Berne, directeur du développement des Banques Populaires, qui, interrogé par Tip & Shaft, l’explique ainsi : “On souhaitait un programme voile qui aille jusqu’en 2029, dans ce programme s’est posée la question du Vendée Globe. Dans la mesure où cela signifiait avoir deux bateaux, une réflexion s’est imposée, à la fois sur le défi, le budget, l’envie, le skipper, nous avons ensuite soumis le projet à la validation des dirigeants et on a effectivement décidé de revenir sur cette course.”
Questionné sur les leçons tirées de « l’affaire Crémer », l’intéressé a botté en touche – “Cet épisode, c’est le passé, je ne regarde pas dans le rétroviseur” – préférant insister sur la longévité d’un investissement dans la voile qui fêtera ses 40 ans en 2029, d’où “ce programme ambitieux” à deux bateaux, le futur Imoca et l’Ultim Banque Populaire XI d’Armel Le Cléac’h.
Horeau et Pirouelle
également entendus
L’autre décision importante tenait au choix du skipper appelé à en prendre la barre, un choix auquel Armel Le Cléac’h, vainqueur du Vendée Globe 2016 sous les couleurs de Banque Populaire, a été étroitement associé, comme il nous l’a raconté : “La question m’a été posée de savoir si je voulais repartir sur le Vendée Globe, j’ai très vite répondu que j’avais envie de naviguer encore pendant de longues années sur notre Ultim et donc de retourner sur l’Arkea Ultim Challenge pour essayer de le gagner. C’était difficile, voire impossible, de mener les deux objectifs de front en ayant des objectifs de victoire, il fallait donc trouver un skipper. Avec Ronan (Lucas), on a proposé une liste de plusieurs noms qui, pour nous, étaient capables d’aller sur un projet gagnant en 2028, on a ensuite rencontré les finalistes lors d’entretiens à Paris.”
Qui ont été les skippers « short-listés » ? Selon nos informations, corroborées par les intéressés, des échanges, mais plutôt informels, ont notamment eu lieu entre Ronan Lucas, Franck Cammas et Sam Goodchild, mais aucun des deux n’a été auditionné, au contraire de Loïs Berrehar, Guillaume Pirouelle et Corentin Horeau, qui, après avoir échangé avec les membres du Team Banque Populaire et la cellule communication menée par Thierry Bouvard et Guillaume Balland, ont défendu leur dossier à Paris devant les dirigeants du groupe bancaire. C’est finalement le premier qui a été choisi, au grand dam notamment du dernier, vainqueur de la Solitaire du Figaro 2023 sous les couleurs de Banque Populaire (voir notre interview), mais qui a vite rebondi auprès de Yoann Richomme.
“Loïs a eu le petit truc en plus”
Erwan Steff abonde : “Je pense que c’est la façon dont Loïs a su défendre son dossier à Paris qui a fait pencher la balance en sa faveur, c’est aussi une question de feeling général entre le candidat, les dirigeants et l’équipe technique.” Un feeling que Pierre-Laurent Berne confirme : “Loïs est d’abord quelqu’un de très compétent, mais on dirait aussi qu’il est avec nous depuis des années, je trouve qu’il a notre ADN, j’aime beaucoup sa sincérité, qui a été pour moi un élément important.”
Le choix a été annoncé à l’heureux skipper en fin d’année dernière, forcément comblé par la nouvelle : “Je suis super content, parce que ce projet arrive à un moment où j’avais très envie de le faire, après mes années en Figaro et mon expérience de skipper remplaçant de Charlie (Dalin) sur le Vendée Globe. Ça m’a donné plus envie que jamais et permis de me dire que je m’en sentais capable, c’est vraiment l’enchaînement idéal, comme si c’était écrit.”
The Ocean Race pour le skipper
Le directeur du Team Banque Populaire n’en dira pas plus, mais selon nos informations, c’est le Team Malizia qui accueillera Loïs Berrehar, une collaboration qui a d’autant plus de sens que la carène de son Imoca sera la même que celle de Boris Herrmann. Comme il l’avait fait en 2022 pour Clarisse Crémer, le Team Banque Populaire pourrait-il par ailleurs louer un Imoca pour permettre à son skipper de courir la Route du Rhum-Destination Guadeloupe en 2026 ? “On y a pensé, mais on ne peut pas courir plusieurs lièvres à la fois, il n’y a pas aujourd’hui la volonté de le mettre absolument sur la Route du Rhum“, répond Erwan Steff. Les considérations budgétaires entrent aussi en ligne de compte, avec un double projet Ultim/Imoca tourné par la performance, dont Pierre-Laurent Berne ne souhaite pas dévoiler le montant, expliquant : “C’est un budget maîtrisé, qui n’est pas sans limite, mais on essaie de faire les choses bien.”
Pour Armel Le Cléac’h, qui compte bien accompagner Loïs Berrehar jusqu’au Vendée Globe et notamment naviguer sur son futur Imoca, ce double projet est en tout cas le signe d’une “montée en puissance” de la part de Banque Populaire, ce dernier ajoutant : “On a maintenant un très bel outil à Lorient, puisqu’on a réhabilité le Glorieux 3, un projet Ultim à maturité, ça permet d’avoir du temps et de l’énergie pour l’Imoca, on va notamment pouvoir recruter un peu de monde pour compléter l’équipe. D’autant que les années 2027 et 2028 s’annoncent très intenses avec deux tours du monde en solitaire qui vont se succéder. On est les premiers à faire ça dans l’histoire de la course au large, peut-être que ça va donner envie à d’autres équipes d’être présentes sur les deux tableaux.”
Photo : Vincent Curutchet / BPCE