Boris Herrmann

Boris Herrmann : “Deuxième, ce n’est pas une surprise improbable”

Déjà deuxième il y a un mois de The Transat CIC, Boris Herrmann a confirmé sur la New York Vendée, en prenant une nouvelle fois la deuxième place le dimanche 9 juin, 17 heures après le vainqueur, Charlie Dalin. A cinq mois du départ de son deuxième Vendée Globe, le skipper allemand a pris le temps de répondre aux questions de Tip & Shaft.

Tu viens de signer deux deuxièmes places consécutives en solitaire, est-ce une surprise pour toi ou un objectif que tu visais ?  
Pour moi, c’est très difficile de viser un podium aujourd’hui en Imoca, ça devient de plus en plus compliqué, une quinzaine de skippers peuvent désormais prétendre gagner, c’est à chaque fois une bonne bataille. Je suis donc très heureux de ce résultat, mais ce n’est pas pour autant une surprise improbable. Nous avons beaucoup travaillé ces dernières années, nous avons mis les moyens pour y arriver et disposons de l’une des plus grandes équipes au sein de la classe. C’est aussi celle qui, avec Biotherm, a fait le plus grand nombre de milles sur le bateau ces deux dernières années. C’est très chouette de voir que cet investissement aboutit à ces jolis résultats.

Peux-tu nous raconter comment tu as pris l’option radicale sur la New York-Vendée de passer au nord de l’anticyclone ?
Tout a été un peu étonnant sur cette course retour, avec une situation météorologique particulièrement bloquée pendant 15 jours. Il n’y avait pas de flux laissant progresser les marins vers l’est. Lorsque le talweg, d’où l’on s’est échappés en premier avec Charlie Dalin [ce dernier raconte l’épisode en détail dans Pos. Report #168], m’a rattrapé une heure après, je me suis de nouveau retrouvé bloqué. Finalement, par miracle, j’ai retouché du vent et réussi à sortir vers l’est. À ce moment-là, j’ai eu tellement peur qu’il me rattrape encore une fois que j’ai décidé de filer le plus rapidement possible, perpendiculairement au front. J’ai navigué pendant 12 heures avec un cap de 35 degrés plus abattu que Charlie, peut-être même plus. Après ça, on avait un écart latéral de plus de 100 milles et tous mes routages me faisaient alors passer par le nord, et même gagner via cette option. L’autre route consistant à descendre vers le sud-est pour m’aligner derrière Charlie était risquée car les routages m’indiquaient que la flotte était en mesure de s’échapper du front, je risquais donc de perdre beaucoup et de terminer cinquième ou dixième. Par ailleurs, si je prenais en compte empannages et virements, la route nord était plus courte que celle filant vers le sud-est. L’option la plus sûre et la plus logique pour moi était donc de continuer vers le nord. Ça n’a pas été une intuition risquée ou un choix émotionnel, mais bien un choix rationnel et scientifique.

Comment as-tu vécu cette option, seule au nord ? Tu n’as jamais douté ?
J’ai douté 48 heures après m’être mis dans cette position extrême car les modèles étaient très instables. Mon humeur changeait un peu toutes les 12 heures en fonction des modèles. Un coup, ça passait et je gagnais, un coup, je prenais quatre jours de plus parce que l’anticyclone se décalait vers l’est et bloquait la descente au portant. Pendant trois jours, c’était le suspense à chaque fois que je lançais les routages.

“C’est tout un package qui joue”

 

Quel regard portes-tu sur les performances de ton bateau aujourd’hui ? 
À certains moments, alors que je naviguais dans le paquet des favoris, j’ai moi-même été étonné de voir que mon bateau sortait en tête au bout de quelques heures. Ça a été le cas au reaching un peu abattu dans des situations très instables. Mon bateau est plus rond, les foils aussi, et il est tellement tolérant qu’il est un peu plus facile à exploiter dans des conditions difficiles et des temps rafaleux. Il n’enfourne pas, il ne part pas au lof et tient une bonne moyenne, donc c’est une bonne surprise. Ça ne se voit pas trop dans la baie de Port-la-Forêt ou sur une Jacques Vabre car c’est souvent assez stable dans les alizés, mais beaucoup plus sur la vraie vie océanique. C’était l’intention du design de ce plan VPLP et j’ai l’impression que ça fonctionne bien. La nouvelle paire de foils, l’ajustement des ballasts et des poids, le travail d’optimisation des voiles et de l’ergonomie, c’est tout ce package qui joue.

On savait que ton plan VPLP était rapide au portant, il semblait avoir jusqu’ici un petit déficit au près. Or sur ces deux transats, il s’en est très bien sorti à cette allure, comment l’expliques-tu ?
Oui, le bateau se montre maintenant très rapide au près dans la brise. On tient les vitesses des meilleurs lorsqu’il y a minimum 20 nœuds de vent. Et ce sont vraiment nos nouveaux foils qui permettent cette performance. Ceux que nous avions sur The Ocean Race avaient été achetés un peu en urgence quatre semaines avant le départ de la course après la casse des foils initiaux. C’était une solution de dépannage, ils n’étaient pas optimisés pour Malizia et n’étaient pas au maximum de la jauge, ce qui expliquait notamment un peu la faiblesse de notre bateau à certains moments. Pour cette nouvelle paire conçue par Sam Manuard, nous avons gardé les caractéristiques des précédents foils et les avons agrandis au maximum de la jauge (8 m3) pour combler le manque de performances dans les phases de vent médium.

“Un nouveau projet Imoca
dans les tuyaux”

 

Après ces deux transats, tu fais désormais partie des favoris du Vendée Globe, non ?
Je n’ai rien contre le terme de favori, mais je ne veux pas me mettre trop de pression non plus. Et j’ai aussi beaucoup de respect pour la qualité de la flotte. La cinquième place que j’ai décrochée lors du dernier Vendée Globe sera selon moi beaucoup plus difficile à atteindre cette fois-ci, compte tenu du niveau des quinze premiers bateaux. Le Vendée Globe reste une grande aventure avec beaucoup d’incertitudes, mais j’espère évidemment pouvoir régater aux avant-postes.

Quel sera ton programme à l’issue de ce tour du monde ?
Je prévois de courir The Ocean Race Europe, mais ce devrait être la dernière course sur ce bateau puisque je le mets en vente, nous souhaitons en effet trouver un acheteur avant le départ du Vendée Globe [voir le mercato, ci-dessous]. En juin 2025, Malizia descendra en Méditerranée, vers Monaco, l’occasion pour le futur acheteur de naviguer et de s’entraîner dessus. Nous souhaitons en effet trouver une équipe qui soit dans cette perspective d’anticipation sur le long terme pour que l’on puisse faire la meilleure passation possible et lui permettre de courir la Transat Jacques Vabre.

Tu partiras de ton côté sur un nouveau bateau ?
Oui, un nouveau projet est effectivement dans les tuyaux
, toujours au sein de la classe Imoca. Mais j’en garde les détails pour l’instant !

Photo : Jean-Louis Carli / Alea

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