Solitaire du Figaro

Solitaire du Figaro Paprec : la deuxième étape au crible des routeurs

La deuxième étape de la Solitaire du Figaro Paprecremportée jeudi à Roscoff par Basile Bourgnon, a été le théâtre de nombreux retournements de situation et a chamboulé le classement général. Au moment où s’élance ce dimanche la troisième et dernière, Tip & Shaft revient, avec deux spécialistes du routage météo, Dominic Vittet et Christian Dumard, sur le scénario de cette étape qui a coûté très cher à beaucoup de favoris.

C’est une étape, entre Kinsale et Roscoff via le sud de l’île de Man qui restera longtemps gravée dans les mémoires des marins qui y ont participé… pour le meilleur et pour le pire ! Les 32 solitaires partis dimanche dernier d’Irlande et arrivés à partir de jeudi en fin d’après-midi en baie de Morlaix auront en effet vécu de nombreux rebondissements, avec des batailles d’options, des changements de leaders et à l’arrivée des écarts rarement vus sur la Solitaire.

Dès la première nuit, le long des côtes sud de l’Irlande, le peloton s’est scindé en deux groupes, l’un à terre et l’autre plus au large. Le groupe à terre a réalisé un énorme gain et on a longtemps pensé qu’il serait très difficilement rattrapable. Tous les scénarios étaient favorables aux marins qui naviguaient alors en tête”, raconte Dominic Vittet, vainqueur de la Solitaire du Figaro 1993 et qui travaille sur cette édition avec les coureurs de Lorient Grand Large.

La flotte est ensuite montée vers le sud de l’île de Man, en mer d’Irlande, en empruntant le canal Saint-Georges. “Les premiers [Hugo Dhallenne, Alexis Loison, Jules Delpech, Arthur Hubert et Guillaume Pirouelle, NDLR] ont pris une belle avance, notamment grâce au jeu des renverses de courant qui leur était plus favorable. Quand ils ont passé la marque au sud de l’île de Man et qu’ils sont repartis sous spi, les écarts ont augmenté en distance, car les poursuivants naviguaient encore au près”, rappelle de son côté Christian Dumard, qui collabore avec les skippers Macif, Loïs Berrehar et Charlotte Yven, et avec les coureurs du Centre Excellence Voile de La Rochelle.

 

 

Le tournant du match

 

Au passage de l’île de Man, Basile Bourgnon (Edenred) et Corentin Horeau (Banque Populaire) accusaient un retard de plus de 30 milles sur les leaders, qui étaient alors Hugo Dhallenne (YC de Saint-Lunaire), Alexis Loison (Groupe Réel) et Guillaume Pirouelle (Région Normandie). Un écart énorme en Figaro, pour ne pas dire rédhibitoire dans bien des cas, et pourtant… Comment la situation a-t-elle pu à ce point se retourner ? Tout s’est joué au large de la pointe de Saint Davids, au Pays de Galles.

“La configuration semblait idéale pour le groupe de tête qui devait passer cette pointe avec le courant, tandis que ceux de derrière devaient subir la renverse, raconte Dominic Vittet. Finalement, le vent est tombé pour les leaders qui se sont pris la renverse de courant et ont été rejetés à l’extérieur du DST (dispositif de séparation du trafic), ils ont “pataugé” dans la pétole au large. Dans le même temps, les marins plus en arrière ont profité du vent et du courant favorables à terre. Avec talent et réussite, ils ont pu reprendre en main la course petit à petit. Traditionnellement, les étapes avec peu de vent et du fort courant sont celles qui offrent le plus de suspense et les plus beaux renversements de situation. Cela s’est confirmé !”

 

Une arrivée cruelle

 

La flotte est ensuite restée relativement groupée : à 20 milles de l’arrivée, Basile Bourgnon avait par exemple seulement une dizaine de milles d’avance sur Alexis Loison et Guillaume Pirouelle, qui finiront pourtant par couper la ligne… avec une quinzaine d’heures de retard ! “Les trois premiers (Basile Bourgnon, Corentin Horeau et Loïs Berrehar) ont réussi à toucher un tout petit peu d’air jusqu’à la ligne d’arrivée à Roscoff, puis le vent s’est ensuite totalement écroulé. Cela a engendré des écarts absolument énormes, très rares à ce niveau de compétition, résume Christian Dumard.

“Cette fin de course a été particulièrement cruelle, presque injuste pour les marins qui ont longtemps mené brillamment la flotte et ont été punis par la météo, ajoute Dominic Vittet. Des coureurs qui pouvaient légitimement prétendre gagner la Solitaire voient leurs ambitions anéanties, sans avoir fait de grosses erreurs. Ils ne méritent pas ça, je suis très triste pour eux, mais cela fait partie de l’histoire et de la beauté de cette épreuve !”

Les deux routeurs saluent au passage les performances des grands gagnants de cette deuxième étape, qui ne se sont pas découragés et ont fait preuve d’opportunisme et d’audace. “Des coureurs prennent des options, attaquent, à l’instar de Basile Bourgnon qui était à la rue et qui a finalement gagné. C’est une belle évolution dans la classe Figaro. Pour gagner, il faut prendre des risques, et non pas être suiveur tout le temps, analyse Christian Dumard.

 

Un match à trois pour la victoire finale ? 

 

Au classement général, Basile Bourgnon, Corentin Horeau et Loïs Berrehar, qui se tiennent en un peu plus d’une demi-heure, disposent d’une avance considérable – le quatrième, Alexis Thomas (Charente-Maritime) est à près de 3 heures – sur les autres favoris. Avant la troisième et dernière étape qui s’élancera ce dimanche 10 septembre – un aller-retour dans le golfe de Gascogne entre Roscoff et Piriac-sur-Mer – Guillaume Pirouelle (Région Normandie) et Alexis Loison (Groupe Réel), prétendants à la succession de Tom Laperche avant le départ, sont, eux, à plus ou moins 15 heures de Basile Bourgnon, tout comme le vainqueur de la première étape, Tom Dolan.

Se dirige-t-on vers un match à trois pour la victoire finale ? Sauf renversement invraisemblable, c’est plié. Le scénario de la deuxième étape a été tellement hors-norme que je ne vois pas comment il pourrait se produire une deuxième fois, pense Dominic Vittet. Les marins qui ont terminé très loin la deuxième étape auront une nuit de repos en moins et ils sont arrivés avec le moral dans les chaussettes. Cela va être très difficile de se reconstruire physiquement et mentalement en seulement 48 heures. Or, la dernière étape se joue souvent sur le repos et l’état d’esprit.”

La configuration météo de la troisième étape pourrait cependant encore créer des écarts, selon “Mino” : “Elle s’annonce encore assez molle, avec des conditions orageuses et des masses d’air peu marquées. Il y aura de quoi jouer et faire des coups mais vu les écarts, cela semble compliqué de chambouler le classement général.” Christian Dumard estime quant à lui : “Les trois premiers ont un bon avantage, c’est certain. Le seul risque pour eux est d’entrer dans une logique de marquage, de prendre une mauvaise option et d’oublier le reste de la flotte.”

Verdict en fin de semaine prochaine à Piriac-sur-Mer !

Photo : Alexis Courcoux

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