Vainqueur de la deuxième étape de la Solitaire URGO Le Figaro après s’être classé quatrième de la première, Sébastien Simon a pris la tête du général, avec 26’31 d’avance sur Xavier Macaire (Groupe SNEF) et 30’51 sur Anthony Marchand (Groupe Royer-Secours Populaire). Si le skipper de Bretagne CMB Performance a marqué les esprits, nombre de ses concurrents, interrogés à l’escale espagnole, estiment avant le départ de la troisième étape donné ce samedi qu’il n’est pas intouchable.
Sébastien Simon est pour l’instant le patron. Grand animateur de la première étape qu’il a finalement terminée quatrième, le skipper de Bretagne CMB Performance a remporté dans la nuit de mardi à mercredi la deuxième entre Saint-Brieuc et la Ria de Muros-Noia. La clé de ce succès ? Elle tient en deux mots : vitesse et stratégie. Vitesse, notamment dans la descente sous spi vers l’Espagne, un de ses points forts – “J’allais plus vite sous spi, il n’y a pas photo”, commentera-t-il d’ailleurs au ponton – ; et stratégie lorsque, comme Eric Péron (troisième de l’étape), il a empanné dans le golfe de Gascogne, créant un petit décalage vers l’est qui s’est avéré décisif.
“C’est le deuxième à empanner derrière Eric, ça montre qu’il est sûr de lui, qu’il est vraiment fort mentalement”, commente le directeur de course Francis Le Goff, qui ajoute : “Comme il est sûr de sa vitesse, s’il fait un choix qui n’est pas top, il ne va pas retenter quelque chose pour réparer son erreur, mais il va utiliser sa vitesse pour revenir et après, il va remiser. C’est psychologiquement moins stressant de faire des choix quand on sait qu’on peut recoller en vitesse”. Ce qui est d’ailleurs arrivé en début d’étape, avec une navigation en Manche compliquée, mais un retour dans le paquet de tête vers Ouessant.
De son côté, Xavier Macaire, resté dans le groupe plus à l’ouest et finalement deuxième à Portosin, estime que le choix stratégique révèle “le côté fonceur” du Sablais qui ne date pas d’aujourd’hui : “Nous avons couru la Transat AG2R ensemble en 2016, il m’avait étonné, parce qu’il allait au front, sans jamais se poser de question. Un empannage dans 35 nœuds, il y allait. A un moment, j’avais même dû mettre le holà. Cette fois, dans la descente du golfe, on voulait arriver au cap Finisterre sans empannage car on n’avait pas envie d’empanner dans 40 nœuds. Je pense que Seb a complètement sorti ça de sa tête, lui n’a vu que la stratégie en mode régate. Il a choisi d’aller exploiter les bascules, sans se préoccuper de savoir si ça allait être compliqué ou pas”.
Une stratégie payante, puisque même s’il a eu de la réussite en fin d’étape, elle a permis au Sablais de créer pas mal d’écart à l’arrivée. Cette prise de pouvoir relève, pour plusieurs de ses concurrents, d’une certaine logique : “Actuellement, c’est celui qui maîtrise le mieux le support, estime ainsi Corentin Douguet. Ce qui n’est pas vraiment surprenant parce qu’il vient d’enchaîner cinq saisons complètes dans des conditions optimales“. Xavier Macaire confirme : “C’est sûr qu’il est hyper régulier dans tous les domaines, rapide et inspiré, il a maintenant l’expérience, on voit qu’il ne fait plus les erreurs d’un deuxième ou troisième année“. Quant à Eric Péron, il voit Sébastien Simon comme “un des gars les plus talentueux de sa génération”, précisant : “Il est jeune [28 ans, NDLR], mais très mature dans sa manière de naviguer. Il maîtrise vraiment son bateau, tout est toujours bien anticipé, il est serein et tellement déterminé, je suis épaté”.
Cette détermination a d’ailleurs frappé sur les pontons, à l’arrivée de la deuxième étape, lorsqu’il a martelé : “Je suis venu pour gagner et je repartirai pour essayer de gagner“. Mais aussi, au terme de la première à Saint-Quay-Portrieux, où il était apparu très déçu voire amer – “Certains ont usé leur capital chance, dont les Macif” -, au point d’affirmer le matin du départ de Saint-Brieuc : “J’ai une revanche à prendre, parce que je suis quand même assez frustré d’avoir failli clouer la Solitaire de certains de mes concurrents et de ne pas avoir été récompensé“.
Une communication un rien agressive que certains de ses rivaux, interrogés en Espagne, apprécient diversement : “Je n’ai pas envie de commenter sa manière de communiquer, chacun sa façon”, élude Charlie Dalin, tandis que, plus cash, Gildas Mahé, s’il reconnaît que “pour l’instant, il a été impérial”, ajoute : “Je n’écoute pas ce qui se dit, mais peut-être qu’il n’a pas pris assez de plombs dans sa vie“. Corentin Douguet se montre plus indulgent : “Chacun a son caractère, mais il ne faut pas se voiler la face : on fait un sport individuel de haut niveau, ce qui par définition nécessite un peu d’égo. On n’est pas là pour se faire des copains, on est là pour gagner. Seb est peut-être maladroit, comme ça nous arrive tous dans la façon de dire les choses, mais il l’a dit : il est là pour gagner. Pour l’instant, ça se passe comme il l’a prévu“. Jeanne Grégoire, coach au Pôle Finistère de Port-la-Forêt, où s’entraîne Simon, ajoute : “C’est une communication engagée qui ne lui ressemble pas forcément quand on le voit à l’entraînement, où il fait certes partie des leaders d’opinion du groupe, mais est dans le partage et l’échange. Après, c’est aussi une manière d’assumer, je trouve que c’est assez courageux“.
Si Jeanne Grégoire compare le skipper de CMB Bretagne Performance à Armel Le Cléac’h, Francis Le Goff voit en lui du Nicolas Lunven version 2017 (vainqueur de 2 étapes sur 4): “Il a déjà imprimé très sérieusement sa marque sur la course”. Reste qu’ils sont nombreux ceux qui estiment que le leader au général n’est pas infaillible, à l’instar d’Anthony Marchand, vainqueur de la première étape et troisième au général : “Il a fait pas mal de mauvais coups, je me dis qu’il peut très bien recommencer. Aujourd’hui, il a quelques points d’avance, mais nous sommes les chasseurs. La prochaine étape, qui s’annonce compliquée, va être l’étape de vérité”. Corentin Douguet conclut : “Seb est le favori, le leader, on va voir s’il arrive à assumer ça“. Verdict à Saint-Gilles-Croix de Vie, terme des troisième et quatrième étapes.