Ils sont unanimes ! Pour les neuf spécialistes que nous avons interrogés, deux skippers se détachent nettement du lot : Xavier Macaire et Tom Laperche, quasiment tout le temps cité sur les deux premières marches du podium (Xavier Macaire une fois troisième), le premier s’imposant dans ces pronostics parce que donné cinq fois premier (contre quatre pour Tom Laperche).
Vainqueur l’an dernier de sa première étape sur une 51e édition dont il aura été l’un des principaux animateurs avant d’être victime, comme d’autres (Sam Goodchild, Yann Eliès…) du « coup de Trafalgar » de la fin de troisième étape, le skipper de Groupe Snef a enchaîné en 2021 en remportant les deux courses qu’il a disputées, la Sardinha Cup (avec Morgan Lagravière) et la Solo Guy Cotten.
Des succès qui, selon Etienne Saïz, le responsable sportif du Team Vendée Formation, où il s’entraîne, ont agi comme un déclic : “Xavier est un excellent marin, sous-estimé au regard d’autres grands noms de la course au large, mais il avait le petit déficit de ne pas gagner. Je pense qu’il est en train de trouver la bonne alchimie et il a encore passé le cap cette année de mener une course jusqu’au bout. Le fait d’avoir navigué avec Morgan cette saison l’a aussi aidé, il l’a mis en confiance sur la vitesse et sur ses capacités.”
Pour Jacques Guyader, un autre atout joue en la faveur de celui qui a été deux fois sur le podium de la Solitaire (2e en 2013, 3e en 2015 après avoir été déclassé) : “Il a eu l’intelligence d’aller faire autre chose cette année, comme de l’Ocean Fifty (avec Erwan Le Roux), ça apporte de la fraîcheur.”
Cette étiquette de favori peut-elle le faire déjouer ? Armel Le Cléac’h déplace le débat : “Il a cette pression d’aller chercher la première victoire, c’est plus compliqué à gérer quand les années passent. S’il se retrouve bien placé et à jouer la victoire sur la dernière ou avant-dernière étape, il peut commencer à cogiter, alors que quand on est jeune et qu’on n’en est qu’à ses premières éditions, on se pose moins de questions. On l’a vu avec Yann Eliès qui a mis du temps à remporter sa première Solitaire. En revanche, à partir du moment où il l’a gagnée, ça l’a débloqué et il a enchaîné derrière.”
“L’inconnu, c’est comment Tom va digérer sa saison”
Et fait dire à Philippe Eliès : “Pour moi, c’est la nouvelle pépite de la course au large française, il est calme, posé, fort dans sa tête, il ne part pas en toupie, ne s’énerve pas quand ça n’avance pas vite. François Gabart ne l’a pas recruté par hasard pour l’accompagner sur son Ultim [il courra la Transat Jacques Vabre sur SVR Lazartigue, NDLR]. Est-ce qu’il ne va pas avoir la tête ailleurs, justement ? C’est la vraie question.”
Que se pose aussi Yann Eliès : “L’inconnu, c’est comment Tom Laperche va digérer sa saison, entre le Figaro, ses premières navigations avec François Gabart, les sollicitations qu’il a eues pour être skipper d’un projet Imoca… Maintenant, il est jeune, hyper structuré, bien entouré en famille et au pôle de Port-la-Forêt : ça pourrait être la consécration du nouveau génie de la voile française.”
“Il faut vraiment savoir sortir
du paquet de temps en temps”
Tanguy Leglatin ne dit pas autre chose : “On a vu l’an dernier les deux Tom, Laperche et Dolan, faire de très bons classements (3e et 5e), Fabien Delahaye aussi (6e), sans jamais sortir de super étapes, ils ont plutôt navigué en bons figaristes, dans la meute, à gérer les placements et à faire du gagne-petit, j’ai l’impression que c’est plus compliqué de gagner comme ça avec ce bateau.“ Ce que confirme Armel Le Cléac’h : “Une des clés de la Solitaire, c’est la capacité à imposer sa façon de naviguer, encore plus avec ce bateau. Il faut vraiment savoir sortir du paquet de temps en temps. Le Figaro 2 permettait à des marins plus conservateurs d’aller chercher la victoire, c’est moins vrai avec le Figaro 3.”
Cette stratégie a effectivement souri aux deux premiers vainqueurs de la Solitaire disputée sur le nouveau monotype, mais pour Erwan Tabarly, Tom Laperche ne doit pas pour autant déjouer : “Il faut prendre les risques quand on le sent et que les opportunités se présentent, mais c’est aussi une force de savoir attendre que le jeu s’ouvre. Ce dosage est super dur à trouver, il ne faut pas être à l’envers et faire un coup de désespoir quand la situation ne le permet pas.”
Alexis Loison plus libéré ?
“Alexis a clairement le potentiel, ajoute Yoann Richomme. Comme son projet est en cours de passation, il est sans doute plus détendu et libéré, ce qui va lui permettre de lâcher les chevaux.” Pour le double vainqueur de la Solitaire (2016 et 2019), l’aspect psychologique est primordial : “La Solitaire est une course de mental, je ne serais pas surpris d’apprendre que le vainqueur sera celui qui a mis quelques billes dans la préparation mentale. Tout le monde ne le fait pas, mais je pense que ça rapporte gros. A titre personnel, c’est probablement le meilleur investissement dans ma performance [il a débuté en 2013, NDLR], ça m’a permis de passer un cran.”
Egalement cité deux fois sur la troisième marche du podium, Gildas Mahé, quatre fois dans le top 5 en dix participations (2e en 2019), peut, selon Philippe Eliès, profiter du long parcours proposé : “Ils ont quand même trois étapes de montagne avec quatre jours et quatre nuits, dans ce genre de format, quand c’est tordu, avec des transitions, Gildas arrive à toujours bien s’en tirer. Et il a changé plein de choses cette année : il s’est entraîné avec Bertrand Pacé et a travaillé en météo, domaine dans lequel il avait des points faibles, avec Marcel Van Triest. Il tourne autour de la victoire depuis longtemps, c’est sa dernière année avec Breizh Cola, ça peut être un client.”
“La Solitaire est faite pour Corentin”
Les autres marins cités une fois sur le podium sont Tanguy Le Turquais, auteur de sa meilleure saison en Figaro (4e de la Sardinha Cup et 2e de la Transat en double avec Corentin Douguet, 3e de la Solo Guy Cotten) -, Pierre Quiroga et Martin Le Pape. De ce dernier, Erwan Tabarly dit : “Sa victoire sur le Tour de Bretagne (avec Sébastien Col) peut être un déclic, car à un moment donné, quand on ne gagne pas, on ne court qu’avec ça en tête, et on oublie certaines notions, comme se faire plaisir, être plus joueur. C’est un peu comme le joueur de tennis : quand tu ne retiens pas tes coups et que tu es dans un bon jour, tu peux battre n’importe qui.”
Du côté des outsiders souvent cités, mais pas forcément sur le podium, reviennent les noms d’Elodie Bonafous – “Elle est en pleine bourre, hyper sereine, elle a beaucoup progressé, ça pourrait être la grosse surprise de cette Solitaire”, estime Francis Le Goff -, d’Achille Nebout – “Je trouve qu’il a le profil d’un très bon figariste, c’est un gros bosseur qui se donne les moyens d’y arriver”, juge Yann Richomme – de Fabien Delahaye, Pierre Leboucher, Eric Péron et Tom Dolan. Résultat des courses aux alentours du 17 septembre à Saint-Nazaire.
Le top 5 de nos experts :
1. Xavier Macaire (Groupe Snef)
2. Tom Laperche (Bretagne CMB Performance)
3. Alexis Loison (Région Normandie)
4. Gildas Mahé (Breizh Cola) et Corentin Horeau (Mutuelle Bleue pour l’Institut Curie)