A 27 ans, Pierre Quiroga dispute sa cinquième saison sur le circuit Figaro. Quatrième de la Solo Maître CoQ fin juin, le Skipper Macif 2019, qui s’aligne dimanche au départ de la Drheam-Cup, nourrit de hautes ambitions pour la 51e Solitaire du Figaro après une année 2019 en-deçà. L’occasion pour Tip & Shaft de s’entretenir avec lui.
Quel bilan as-tu fait de la Solo Maître CoQ ?
J’avais dit avant la course que mon objectif n’était pas forcément de gagner, mais de faire partie des coureurs qui ne sont pas lâchés, parce que l’objectif ultime est la Solitaire et que c’est important de ne pas se retrouver dès le début de saison avec des problèmes de vitesse et de stratégie. J’avais annoncé un Top 7, cette 4e place est en ce sens une réussite, ça veut dire que les entraînements intensifs de l’hiver ont payé.
L’objectif sera le même sur la Drheam-Cup ?
Avec le programme Skipper Macif, nos objectifs sont concentrés autour du championnat de France de course au large, très important pour l’écurie. Comme cette course n’en fait pas partie, il y a moins de pression. Maintenant, monter sur le podium me satisferait, même si je sais à quel point c’est difficile d’annoncer des résultats sur ce circuit.
Cela veut-il dire que tu te fixes des objectifs techniques et stratégiques différents ?
Oui, exactement. En 2019, j’ai beaucoup essayé de calmer mon jeu qui était un jeu d’attaquant en Figaro 2, ça n’a pas forcément marché. Là, j’ai retrouvé un peu de confiance avec la Solo Maître CoQ, ça va me permettre de continuer à jouer des petits coups comme j’aime le faire. A côté de ça, comme je travaille spécifiquement les voiles d’avant, l’objectif sera de valider mes réglages, parce que l’objectif qui est tout en haut de la pile, c’est d’arriver sur la Solitaire avec des certitudes.
Ta première en tant que Skipper Macif en 2019 a été un peu difficile en termes de résultats (19e de la Solitaire), comment l’expliques-tu ?
Il y a eu beaucoup de changements l’année dernière : mon déménagement à Port-la-Forêt, l’arrivée du Figaro 3, sur lequel je me suis beaucoup investi au sein de la classe pour résoudre les problèmes, Je passais d’un projet un peu à l’arrache, où tu t’investis à 300% sans avoir le temps de faire autre chose, à un projet clés en main, où tout devient plus facile, avec les moyens de réaliser des choses. J’ai eu tendance à me disperser et j’ai beaucoup perdu de confiance en moi. Du coup cette année, je me suis davantage recentré sur moi, ça se traduit par des sorties de 40 minutes que je fais seul, en plus de celles du pôle (Finistère course au large) et axées à chaque fois sur un objectif. C’est un mode d’entraînement qui me convient, plus que des sorties de cinq heures : au bout de cinq ans de Figaro, je pense que je n’ai plus besoin de passer des heures et des heures sur l’eau, j’ai en revanche besoin de progresser sur des points précis. Et je m’investis beaucoup moins au sein de la classe. A l’arrivée, ça soulage et ça rend le bonhomme un peu plus performant.
Quel objectif te fixes-tu sur la Solitaire du Figaro ?
Le podium. C’est un objectif élevé, je sais que, pour cela, il faudra que je sois sur une Solitaire de grâce, où tout sera bien aligné, mais je pense que si je suis dans un bon « mood », j’en ai les capacités.
Que t’inspire le plateau ?
Il y a plein de concurrents. A chaque fois, on dit qu’il y a moins de monde, mais finalement, la Solitaire est une telle référence qu’on se retrouve toujours avec des grands noms de la voile. Cette année, on a les Armel Le Cléac’h, Vincent Riou, Yann Eliès, j’ai entendu parler d’un Fred Duthil redoutable, on a des mecs très jeunes qui marchent hyper fort comme Tom Laperche et Loïs Berrehar, il y a les références comme Alexis Loison, tous ceux-là peuvent aussi prétendre au podium et j’en oublie. Mais il faudra que je ne me fixe pas sur eux, ma seule barrière, ce sera moi, parce que je suis le genre de mec qui, dans un mauvais jour, peut tout gâcher, alors qu’à l’inverse, dans un bon jour, je peux être sur un nuage et il ne peut rien m’arriver.
Tu t’es souvent distingué en prenant des très bons départs, mais en tenant moins sur la distance, penses-tu avoir progressé dans ce domaine ?
Oui, cinq années de Figaro font que de fait, j’ai travaillé sur ce point et aujourd’hui, je vois vraiment que j’ai progressé. Sur la Maître CoQ, c’est aussi un point qui a été positif : j’ai réussi à être suffisamment frais et lucide pour remonter de la 10e à la 4e place, ça prouve que j’arrive à me gérer et à bien finir, ce qui n’était pas le cas avant.
Quand on parle de Skipper Macif, on pense à François Gabart, Paul Meilhat, Charlie Dalin, Yoann Richomme qui ont marqué le circuit Figaro Beneteau de leur empreinte, cela met-il de la pression ?
Oui, ça ajoute clairement de la pression. Elle ne vient pas forcément de notre direction, de Jean-Bernard (Le Boucher), qui nous dit plutôt que la performance viendra avec le plaisir, mais quand tu passes d’un projet où tu es tout seul à une écurie où tu parles avec des stars, François Gabart, Charlie Dalin, Seb Col, tu te dis : “OK, je fais partie de cette team, donc forcément, il faut que je sois devant, ce n’est pas normal si je suis derrière.” Ce n’est pas évident, parce que tu peux avoir tendance à changer ta nature pour entrer dans un moule.
Erwan Le Draoulec t’a rejoint en tant que Skipper Macif 2020, existe-t-il une concurrence interne ?
Non, pas du tout. C’était le cas l’année dernière avec Martin (Le Pape), il y avait une vraie concurrence, pas un partage complet, d’autant que j’avais fini juste devant lui sur la Solitaire 2018. Là, la situation est différente : Erwan est un bizuth, il lui manque l’expérience du Figaro, ça ne veut pas dire qu’il ne peut pas être aussi performant que moi, mais il y a moins de concurrence directe. Et comme on s’entend très bien, on est à 100% dans le partage : lui m’apporte son expérience du grand large acquise en Mini, moi ce que j’ai appris en dériveur et en Figaro.
Tu as intégré MerConcept l’année dernière, comment se passent les choses au sein de l’écurie ? Y a-t-il des transversalités ?
On se croise forcément un peu tous, mais le timing de chaque projet fait que chacun est à fond dans son truc avec ses impératifs de compétition. Charlie (Dalin), dans quatre mois, il part sur le Vendée Globe. Quant à François (Gabart), il a clairement d’autres problématiques que le Figaro en ce moment, avec en plus un bateau à finir de construire. C’est plus mon préparateur qui échange beaucoup avec les gens de MerConcept autour de la technique.
As-tu senti un impact au sein de l’entreprise suite à l’annonce du retrait de Macif du programme Ultim ?
Nous les skippers Figaro, on est un peu détachés de tout ça, d’abord parce qu’on est toujours à Port-la-Forêt, on n’est pas encore dans les locaux à Concarneau, on a notre propre container, on fait un peu notre vie au sein du projet global MerConcept. Donc on n’est pas affectés directement par cette annonce, même si on s’intéresse bien évidemment à ce qui se passe.
Tu travailles régulièrement avec Sébastien Col, que t’apporte-t-il ?
Il ne nous entraîne pas au quotidien, nous avons entre 10 et 15 jours à l’année avec lui, pendant lesquels on va cibler spécifiquement la performance, donc ça concerne les réglages de foils, de voiles, il nous fait explorer d’autres pistes qu’on n’a pas le temps ou pas l’idée de creuser quand on s’entraîne avec le pôle. Chez un mec comme moi, ça provoque des déclics qui font vraiment avancer. Même si parfois, pour des jeunes marins peu techniciens comme Erwan et moi, ça va très loin, ça arrive qu’il nous perde un peu (Rires) !
Un mot sur le Figaro Beneteau 3, tous les problèmes de jeunesse apparus en 2019 sont-ils derrière vous ?
Ils sont derrière mais ils ne sont pas loin, et on a d’autres problèmes qui sont en train d’apparaître dont un gros sur la structure des safrans. Et si on prend en compte le nombre de trentenaires qui se sont blessés juste sur la période d’entraînement, ça montre que le bateau n’est pas encore 100% opérationnel pour des régates aussi intenses que celles que l’on fait. Ce sont des blessures de fatigue, de position, que nous n’avions pas en Figaro 2. Le bateau est très physique, je pense qu’on peut le rendre un peu moins rude par des choses assez simples. Mais la classe Figaro est une classe de bénévoles qui avance au rythme d’une association, il faut être compréhensif là-dessus, nous ne sommes pas une classe pro comme en Imoca, les problèmes sont résolus au compte-gouttes.
Allez-vous continuer à plonger pour retirer les algues ?
Ça fait partie des sujets que nous n’avons pas mis sur la table cette année, parce que notre problématique prioritaire était d’avoir un circuit, mais c’est clair qu’il va falloir résoudre ce problème. J’ai encore pris un casier lors du convoyage, c’est une galère sans nom pour s’en dépatouiller, et ça, il faut que ça s’arrête, parce qu’on ne le résoudra pas en plongeant de plus en plus. Mais c’est toujours un subtil équilibre entre faire les choses dans le bon sens pour assurer la sécurité des marins et respecter les budgets sinon les partenaires ne peuvent plus suivre.
Parlons pour finir d’avenir : quelle est ta situation contractuelle avec la Macif ?
Je suis sous contrat jusqu’à la fin de l’année, avec une clause de renouvellement d’un an. Evidemment, j’aimerais en bénéficier, parce que je pense que je suis en pleine phase de progression, une troisième année serait bienvenue pour la performance. C’est pour ça que je me concentre sur 2020, je pense que si j’arrive à obtenir de bons résultats, la Macif me renouvellera sa confiance.
Sais-tu de quoi tu auras envie pour la suite ?
J’y réfléchis, oui, j’ai une bonne idée des deux supports idéaux pour mon avenir. Je crois d’abord beaucoup au Multi50 qui est un super bateau et un outil de communication incroyable : tu fais une sortie dans 10 nœuds, tu es sûr d’en mettre plein la vue à ton partenaire. Tout ça dans des budgets assez raisonnables et avec une classe en train de se renouveler. Dans notre petit groupe de copains avec Tom (Laperche), Loïs (Berrehar), Erwan, on en parle beaucoup, si une dynamique se crée, je m’y verrais bien. L’autre est le Class40 qui m’intéresse par son espèce de monotypie, ses budgets là aussi maîtrisés et les grandes courses du programme. Après, j’ai aussi la volonté de revenir à de l’équipage, et là, je pense à The Ocean Race qui m’intéresserait vraiment.
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