Arrivé en France en 2020, le Barcelonais Pep Costa est partout depuis quelques semaines, entre Class40 avec Erwan Le Draoulec, Ocean Fifty aux côtés de Thibaut Vauchel-Camus et Figaro sur le Tour de Bretagne, qu’il dispute à partir de ce week-end avec Elodie Bonafous sur Quéguiner-La Vie en rose. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec le marin de 24 ans.
► Peux-tu nous raconter ton parcours ?
Je navigue depuis que je suis tout petit, parce que mon père est un passionné de voile, il avait un bateau sur lequel on a disputé quelques petites courses en Méditerranée. Parallèlement, j’ai fait de l’Optimist pendant plusieurs années et à 14 ans, je suis passé en 29er, avec quatre saisons au haut niveau. Mais depuis toujours, ce qui me fait rêver, c’est la course au large – j’ai toujours voulu en faire mon métier – et particulièrement le Vendée Globe. J’ai grandi avec l’idée que je voulais faire cette course. Peut-être que ce qui a déclenché ça, c’est la première Barcelona World Race en 2007, j’avais 8 ans, je connaissais tous les skippers, je lisais tout dans les magazines. Ensuite, j’ai beaucoup suivi le Vendée Globe 2008, mon intérêt est devenu de plus en plus fort au fil des éditions. J’y ai même participé indirectement, puisque mon père s’est beaucoup impliqué sur le dernier Vendée Globe de Didac Costa (sans lien de parenté), un projet de dernière minute, une vraie course contre la montre [à voir sur Sailorz l’excellent film qui retrace cette aventure, NDLR], mais j’ai appris plein de choses.
► Comment es-tu passé de la voile légère au large ?
A 18 ans, je suis parti étudier à New York l’ingénierie physique et les mathématiques. Au milieu de mon séjour là-bas, j’ai eu l’opportunité avec mon père d’acheter un vieux Mini, le proto 431, qu’on a retapé à Barcelone pendant mes vacances universitaires, dans le but de faire la Mini Transat en 2019 dont j’ai réussi à prendre le départ. L’objectif était juste de terminer, d’abord parce que j’étais jeune, j’avais 20 ans, ensuite parce que je n’étais même pas à mi-temps sur ce projet puisque je faisais mes études en parallèle, enfin parce que j’avais le deuxième plus ancien bateau de la flotte, il datait de 2003. J’avais en plus démâté en juin précédent sur le Mini Fastnet. J’ai finalement terminé huitième (sur 22), c’était assez inespéré pour moi, ça a été une super aventure.
“Je pense avoir fait de bonnes
choses sur l’eau”
► C’est ensuite que tu es arrivé en France ?
Oui, j’ai fini mon diplôme avec une dernière année à distance à cause du Covid. J’ai pris ça comme une opportunité car j’avais hyper envie de faire la saison 2021 en Figaro, et pour ça, je savais que je devais m’installer en Bretagne. Donc j’ai profité du fait que je n’étais pas à New York pour venir m’installer à Lorient plus tôt que prévu et essayer de démarrer mon projet. Avec ma copine, on est arrivés sans rien, on ne savait pas comment on allait être accueillis et si on allait réussir à se lancer, mais j’ai été accompagné par une personne qui a une agence de marketing sportif, ce qui nous a permis de trouver un partenaire pour débuter en Figaro. J’ai loué un bateau et j’ai pu faire la Sardinha Cup (8e) puis la transat Concarneau-Saint-Barth (13e) avec Will Harris qui m’a beaucoup aidé pour prendre en main le bateau, ça m’a permis de faire la Solitaire dans la foulée (21e).
► Comment juges-tu tes débuts en Figaro ?
Je suis assez content, parce que jusqu’ici, je n’ai jamais réussi à avoir un budget qui me permette d’être performant à 100%, et malgré ça, je pense avoir fait de bonnes choses sur l’eau. Je termine troisième bizuth de la Solitaire pour ma première année et la suivante, je fais une très bonne avant-saison, la Solitaire ne s’est en revanche pas passée comme prévu (20e), j’étais un peu déçu. J’aurais bien aimé avoir plus de moyens pour bien me préparer, mais ça m’a conforté dans mon envie de faire encore plus de Figaro. Aujourd’hui, ce qui me fait le plus rêver, c’est de pouvoir avoir un projet performant dans la durée pour m’y consacrer à 100%.
► Ce qui n’a pas été possible cette année ?
Malheureusement non. J’y ai vraiment cru, d’autant que le gros point positif, c’est que j’ai intégré le pôle Finistère de Port-la-Forêt, ce qui m’a permis de faire les entraînements d’hiver. Mais début mars, j’ai vu ça n’allait pas le faire pour lancer la saison, ça a été une période compliquée. Finalement, j’ai pu me relever rapidement grâce à mon ami Erwan Le Draoulec qui m’a proposé de faire le Défi Atlantique sur son Class40 Everial. C’était génial, on a fait une très belle transat, on a même gagné la deuxième étape.
“Le Vendée Globe ?
Peut-être en 2032 !”
► Depuis, tu as disputé le Pro Sailing Tour, tu vas faire le Tour de Bretagne, tu as même navigué en Imoca avec Yoann Richomme, comment se sont ouvertes ces portes ?
Yoann est quelqu’un que j’admire, par son talent mais aussi sa personnalité, il m’inspire beaucoup. Il m’avait donné des conseils l’hiver dernier sur mon projet, et après le Défi Atlantique, il m’a envoyé un message pour me proposer de naviguer avec lui la semaine suivante ! C’était énorme pour moi de me retrouver sur un tel bateau avec lui, la plus belle récompense que je pouvais avoir. Il se trouve aussi que juste avant la transat avec Erwan, comme j’avais très envie de découvrir le multicoque, j’avais proposé mes services à Thibaut Vauchel-Camus. Il a vu que j’étais motivé et alors qu’il ne m’avait jamais vu de sa vie, il a décidé de me faire confiance et de m’embarquer sur le Pro Sailing Tour avec Quentin (Vlamynck). Ça s’est hyper bien passé et là encore, on a gagné la dernière étape ! Pour Elodie, avec qui je m’entends très bien, elle savait que j’avais envie d’aller à fond sur ce Tour de Bretagne, donc elle m’a proposé de l’accompagner.
► La suite de la saison pour toi ? La Jacques Vabre est-elle au programme ?
Je vais faire le Trophée des Multicoques à Saint-Quay-Portrieux avec Thibaut puis le Fastnet avec Erwan. Pour la Jacques Vabre, j’ai longtemps cru que j’arriverais à faire la Solitaire, donc je ne voulais pas m’engager. Quand je me suis rendu compte que le Figaro n’allait pas aboutir, les projets avec lesquels j’avais été en contact avaient déjà un co-skipper, c’est dommage car j’aurais eu très envie. En revanche, je devrais faire du routage pour un multicoque, comme je l’ai fait l’année dernière sur la Route du Rhum pour Arthur Le Vaillant, j’essaie de me spécialiser sur l’aspect météo.
► Et le Vendée Globe, c’est pour quand ?
C’est un peu l’objectif de ma vie, mais pour l’instant, je prends beaucoup de plaisir à faire du Figaro, je suis persuadé que c’est là que je peux le plus progresser, mon rêve est d’abord de réussir dans cette classe. Plus tard, j’espère avoir un joli projet en Imoca, peut-être que ce sera dans une dizaine d’années, pour le Vendée Globe 2032 !
Photo : Vincent Olivaud / Solo Maître CoQ