“On est comme des enfants à Noël qui découvrent leur nouveau jouet”. Avec son sens de la formule, Loïck Peyron résume l’état d’esprit des marins qui, depuis la mi-janvier pour les premiers servis, naviguent sur le nouveau Figaro 3 et apprennent à en découvrir les subtilités… mais également les problèmes de jeunesse. “On est tous en phase d’apprentissage et de fiabilisation de la mécanique, ce qui n’est pas si simple parce que c’est un bateau de série”, poursuit le skipper d’Action Enfance.
Christian Le Pape abonde : “C’est un joli bateau avec des problèmes de jeunesse en termes de finition, mais ce sont des problèmes périphériques, qui concernent les bout-dehors, les réglages des foils, des drisses qui frottent. Ça va demander de l’optimisation et un peu de temps au chantier”. Plus embêtant selon l’intéressé : “La plupart des skippers du Pôle ont fait scanner leur bateau, ils n’ont pas noté de différences majeures au niveau des alignements des appendices, en revanche certaines carènes sont plus ou moins bosselées. Pour l’instant, on ne peut pas y toucher, mais la classe va devoir trouver des solutions, parce que certains auront du mal à admettre le fait d’avoir une carène moins performante.”
Autre nouveauté majeure du Figaro 3 par rapport à son prédécesseur, le jeu de voiles : le remplacement des spis symétriques du Figaro 2 par des asymétriques plus grands (121 m2 contre 85 pour le grand spi) et l’ajout d’un gennaker devraient permettre d’ouvrir le jeu, d’autant qu’il apparaît d’ores et déjà que les différentes voileries sollicitées ont opté pour des choix assez tranchés entre voiles polyvalentes et plus typées. Une ouverture qui réjouit Adrien Hardy : “Le gennaker et le petit spi – qu’on n’utilisait peu en Figaro 2 – sont de vraies avancées qui vont engendrer des stratégies et des choix de route plus différents que sur le Figaro 2 où les trajectoires étaient très rectilignes.”
Conséquence : quelques choix cornéliens à venir, aux dires de Nicolas Lunven, qui disputera la Sardinha Cup sous les couleurs d’Oman Sail avec un marin omanais : “Le spi asymétrique fait que tu ne peux pas descendre très bas vent arrière, ça veut dire que quand tu vas avoir des bords de portant VMG, là où un empannage ne créait que 30 ou 40 degrés d’écart de route de différence entre deux Figaro 2 sur des bords opposés, là, ça va en faire 60 ou 80, c’est conséquent, ça fera réfléchir.” Etienne Saïz se montre de son côté plus circonspect quant aux conséquences sur la stratégie du nouveau jeu de voiles : “Le gennaker ouvre le champ des allures, mais je ne crois pas une seconde à plus de jeu. Dès qu’ils vont s’apercevoir qu’un mec a un range où il se gave, ils vont tous vouloir la même chose que lui, ça va plus se jouer sur des petits réglages fins.“
Le rendement du Figaro 3, jugé par tous “plus subtil et plus technique“, dépendra en effet beaucoup, aux dires de nos experts, de la capacité des marins à trouver les bons réglages, ce qui signifie énormément de temps à faire ses gammes. “Le bateau demande beaucoup de précision et de concentration parce qu’on zigzague assez facilement, ça va nécessiter des heures à la barre”, confirme Adrien Hardy, tandis que Fabien Delahaye souligne : “C’est une barre très douce, mais le manque de sensations rend la conduite délicate, c’est dur de sentir si on est dans vrai ou dans le faux”. Tanguy Leglatin résume : “C’est un bateau qui va valoriser les bons régleurs et les bons barreurs“.
Mais aussi les marins qui perdront le moins de temps dans les manœuvres, un aspect qui aura également son importance sur un bateau jugé dur physiquement, ce qui fait dire au même Tanguy Leglatin : “Je pense que malheureusement, pour les filles en solitaire, ça va être assez dur, entre la manipulation du génois qui est assez lourd, pas mal de frictions dans les drisses et le grand spi qui, à l’envoi, génère beaucoup de risques”. Loïck Peyron confirme : “Ça va être compliqué avec les spis asymétriques qui traînent par terre, on en a déjà vu pas mal dans les foils, qui, à la moindre erreur, n’attendent que de mâcher du tissu. Peut-être que ça justifiera d’avoir des chaussettes de spi, ce qu’on n’a jamais vu en Figaro”. Dernier aspect mis en avant par certains : le plan de pont assez pénalisant pour les grands gabarits, avec des winches très bas situés sur les côtés et pas de winch de roof. “Manœuvrer le bateau ne va pas être si simple que ça, ce sera aussi être un des critères à prendre en compte cette année, annonce Tanguy Leglatin, la perte à la manœuvre va coûter.”
Crédit photo : Alexis Courcoux/Macif