3e du championnat de France Elite de course au large cette saison, Gildas Mahé ne portera plus les couleurs en 2022 de Breizh Cola qui a mis fin au partenariat. Tip & Shaft s’est entretenu avec le Breton de 46 ans juste avant son départ pour la Martinique d’où il va ramener en Europe l’Ocean Fifty Primonial, vainqueur de la Transat Jacques Vabre.
► Comment accueilles-tu l’annonce de l’arrêt de Breizh Cola ?
Je m’y attendais un peu, Breizh Cola avait été racheté l’année dernière par un groupe coopératif qui a récupéré le projet en cours. Les nouveaux dirigeants l’ont honoré jusqu’au bout, mais ce n’était pas leur choix et ils ont décidé de faire autre chose, c’est comme ça…
► Quel bilan tires-tu de tes quatre années avec Breizh Cola ?
Il n’est sportivement pas si mal, avec un podium sur la Transat AG2R (3e en 2018 avec Nicolas Troussel), un autre sur la Solitaire (2e en 2019), deux sur le Tour de Bretagne, une 3e place cette année au championnat de France, c’est positif, même si j’aurais aimé faire mieux, notamment sur la Solitaire cette année. Parce que je trouve que j’ai vraiment bien navigué, et finalement, je me retrouve englué dans une molle à l’approche de Roscoff sur la troisième étape qui m’a coûté vraiment cher au classement général. Je termine 6e, avec moins de 4 minutes d’écart avec le 4e, Alexis Loison, ça s’est joué à peu de choses pour faire un nouveau podium. Mais globalement, j’étais plutôt dans le coup cette année, on a bien progressé à Lorient, le groupe était sympa, sans gros ego, ça permettait de travailler collectivement de manière intéressante. Le pôle de Lorient Grand Large a fait un gros boulot sur l’encadrement, ça porte ses fruits : Fabien (Delahaye) fait 5e de la Solitaire, moi 6e, les deux premiers de la Transat en double (Nils Palmieri et Julien Villion) font partie du groupe, le bilan est positif.
► Tu viens de finir ta troisième saison sur le Figaro Beneteau 3, avec du recul est-il conforme à ce que vous attendiez ?
Le bateau est physique, plus dur, mais vraiment plus plaisant, c’est certain. Après, il y a des trucs qui sont de vraies punitions, comme le problème des algues qu’on va traîner toute la vie du bateau, et franchement, c’est quelque chose qui pèse sur le plaisir que tu prends à naviguer. Il y a aussi un truc sur lequel on a fait une erreur collective, c’est d’avoir fait un bateau de 2,50 mètres de tirant d’eau ; pour les organisateurs de course, c’est un vrai souci car on enlève un nombre important de ports potentiels.
“Envie de faire la saison
de Xavier Macaire”
► Après plusieurs années consécutives sur le circuit, ressens-tu, comme certains, le besoin de souffler ?
Le fait de cumuler plusieurs saisons pèse forcément, d’autant que, depuis maintenant deux ans, la Solitaire est la dernière course de l’année ; ça fait des saisons longues, c’est compliqué de rester motivé du premier jour d’entraînement en janvier jusqu’au dernier jour de la dernière course. Après, je reste très attaché à la régate en monotype que tu ne retrouves pas sur les autres supports. Pour l’année prochaine, j’envisage de réduire un peu la voilure, avec la Solitaire et une ou deux courses de préparation. Mon objectif est de naviguer sur d’autres projets pour apprendre d’autres choses et arriver hyper frais et motivé sur la Solitaire. J’ai un peu envie de faire la saison de Xavier Macaire cette année, il n’a pas couru beaucoup d’épreuves, mais ça ne l’a pas empêché de terminer deuxième de la Solitaire.
► De quel budget aurais-tu besoin ?
Un peu moins de 100 000 euros, sachant que j’ai déjà le bateau – il appartient à l’ancien patron de Breizh Cola -, il est prêt à naviguer demain.
► Cette envie d’aller voir ailleurs, tu la constates chez d’autres figaristes ?
Oui, particulièrement cette année. A la fin de la Solitaire, on s’est tous appelés à la VHF pour savoir qui continuait et qui arrêtait, il y en a beaucoup qui arrêtaient. J’espère que des jeunes vont prendre le relais ou que d’autres skippers vont revenir, parce qu’il n’y a déjà plus des tonnes de concurrents sur nos courses, il ne faut pas que ça diminue trop. Ce qu’il faut comprendre aussi, c’est que pour nos partenaires en Figaro, il y a quand même un gap financier important pour passer sur d’autres supports. En plus de l’intérêt sportif, c’est une des raisons qui explique que des coureurs restent longtemps sur ce circuit dont les retombées par rapport à l’investissement restent intéressantes quand tu navigues bien.
“Je m’orienterais bien
vers de l’équipage”
► Tu t’apprêtes à faire le convoyage retour de Primonial, as-tu déjà navigué en Ocean Fifty ?
Non, ce sera une première, Jean-Baptiste Gelée, le boat-captain que je connais depuis très longtemps, a pensé à moi parce qu’il voulait quelqu’un d’expérimenté sur la météo. Ce sont vraiment des bateaux intéressants, avec un super rapport coût/performances/RP. Et quand je vois le résultat de Primonial, qui a plus de dix ans [mis à l’eau en 2009, NDLR], sur la Transat Jacques Vabre, je trouve qu’ils ont été très forts pour cadrer la jauge, ça ne part pas dans tous les sens. Cette classe mérite d’avoir encore plus de concurrents. Jusqu’ici, c’était un peu difficile pour elle de s’organiser autour de la Route du Rhum, parce que courir une transat en solo sur un multicoque de 50 pieds fait vachement flipper les gens, ça reste un exercice hyper dur et dangereux, je pense que ça freinait un peu les candidats. Mais on voit qu’ils essaient de s’affranchir de ça avec le Pro Sailing Tour.
► Te verrais-tu justement prolonger cette expérience l’année prochaine sur ce circuit ?
Je serais carrément partant pour faire de l’équipage sur le circuit Ocean Fifty ! D’une façon générale, je m’orienterais bien vers de l’équipage dans les années qui viennent, The Ocean Race m’attire aussi très fort. Si tu me proposes de partir demain, je fais mon sac et j’arrive ! Faire de l’équipage au large, ça me tente vraiment. Donc aujourd’hui, ma priorité est de trouver un partenaire et des embarquements.
Photo : Alexis Courcoux