Elodie Bonafous

Elodie Bonafous : “Je suis prête à dormir, manger, réfléchir et vivre bateau tout le temps !”

Elodie Bonafous dispute cette année sa cinquième saison sur le circuit Figaro Beneteau, avec des ambitions de podium sur la Solitaire du Figaro Paprec. Dans le même temps, la skippeuse de Quéguiner-La Vie en rose travaille sur son projet Imoca Horizon 29 avec un plan Verdier actuellement en cours de construction chez MerConcept. Avant le départ du Trophée BPGO (15-25 mai), qu’elle court avec Corentin HoreauTip & Shaft a échangé avec la navigatrice de 28 ans.

► Tu as été opérée du genou après la dernière Solitaire, peux-tu nous raconter comment s’est passée ta reprise ?
Je n’ai pas disputé la Solo Guy Cotten, c’était trop tôt, donc j’ai fait le choix de ne pas miser sur le championnat de France cette année et de me fixer deux objectifs principaux, le Trophée BPGO en double et la Solitaire. J’ai débuté par le Trophée Laurent Vergne fin mars avec Corentin, à la fois pour m’entraîner en vue du Trophée BPGO, et parce que pour une reprise, c’était mieux d’être en double, on a pu se répartir les tâches de façon à éviter les plus sollicitantes pour mon genou. En plus, on a gagné ! En rentrant, j’ai navigué seule à Port-la-Forêt pour refaire mes gammes, m’assurer que je n’avais plus d’appréhension au niveau de mon genou, je suis ensuite partie sur la Solo Maître CoQ.

► Où tout ne s’est pas passé comme prévu…
Effectivement, après un côtier qui s’est plutôt bien passé, puisque j’ai terminé placée (8e), j’ai dû abandonner au départ de la grande course. Pendant, la procédure, j’étais en train de remonter en dessous de la ligne travers au vent en tribord, Romain Le Gall arrivait en bâbord assez vite, il ne m’a pas vu, la collision a été assez forte, avec les deux bateaux bien perpendiculaires, son bout-dehors a tapé sous ma carène à l’arrière. Ça mis un petit coup au moral, parce que c’était ma première course en solitaire après mon opération du genou, j’ai eu l’impression de me faire couper l’herbe sous le pied. Et surtout, j’ai eu peur de rater le Trophée BPGO, mais finalement, ça va le faire, je récupère le bateau lundi.

► Quelles sont tes attentes sur le Trophée BPGO avec Corentin Horeau ?
L’objectif, c’est la gagne. Parfois, on aborde ce genre de course dans une perspective de préparation de la Solitaire, là, on vient tous les deux chercher une perf. Et je pense qu’on en a les moyens car on est très complémentaires. Moi, à la base, je suis plutôt barreuse, j’ai fait beaucoup de dériveur et de J80, lui est très bon dans tout ce qui est météo et choix stratégiques, ce qui était au départ un petit trou dans ma raquette. Ce fonctionnement en binôme, moi à la barre et aux réglages, lui aux manœuvres, à la stratégie et à la nav, a toujours bien marché. Quand on a commencé à naviguer ensemble [ils ont couru ensemble la Transat Concarneau-Saint-Barth en 2021, NDLR]on avait l’impression d’être invincibles, on arrivait vraiment bien à se comprendre, tous les deux en mode attaque.

 

 “Une Solitaire réussie,
ça sera un podium”

 

► Tu disputeras cet été ta cinquième Solitaire, la dernière d’un cycle pour toi, te fixes-tu des objectifs élevés ?
Oui, pour moi, une Solitaire réussie, ça sera un podium, c’est clairement l’objectif. Maintenant, j’essaie de ne pas me mettre la pression avec cette histoire de fin de cycle, j’ai la chance d’avoir un avenir tracé, donc j’essaie de le prendre comme une force. Mais c’est sûr que j’aimerais bien conclure en beauté ces cinq années pendant lesquelles j’ai pas mal bossé. Ça me permettrait de me dire que je suis bien allée au bout des choses en construisant une performance dans le temps et de partir faire du gros bateau avec plus de légitimité.

► Parlons maintenant de ton projet Imoca Horizon 29, où en est la construction du bateau ? Et est-ce bien un sistership de Macif Santé Prévoyance ?
Pour le bateau, ça n’a pas encore été officiellement annoncé, donc je ne peux pas répondre. La coque et le pont ont été fabriqués par CDK à Port-la-Forêt, la coque a été transférée chez MerConcept qui est en train d’installer toutes les cloisons et a par ailleurs construit de nombreuses pièces, dont les puits de foils. C’est une grande chance de travailler avec MerConcept qui me fournit des retours hebdomadaires bien précis et des explications claires et adaptées à mon niveau de compréhension. L’objectif est de mettre à l’eau début 2025. D’ici là, on doit encore finaliser pas mal de choses, entre le recrutement des profils dont on va avoir besoin et le choix du lieu où on va s’installer que nous n’avons pas encore acté, Port-la-Forêt ou Concarneau.

 

“On n’a pas envie d’acheter une Formule 1
pour l’équiper comme une Clio !”

 

► Et où en est le montage budgétaire ? Peux-tu nous dire dans quelle fourchette vous vous situez ?
J’ai la chance que Bertrand Quéguiner me déleste de toute cette partie, donc je m’investis moins là-dedans. Ce qui est acté, c’est que c’est la famille Quéguiner qui finance le bateau et cherche des sponsors pour le projet. Pour l’instant, on ne sait pas encore comment le groupe Quéguiner va s’engager, s’ils vont être partenaire unique du projet ou avec d’autres, tout est en cours de discussions. Pour ce qui est de la fourchette, disons qu’on n’a pas envie d’acheter une Formule 1 pour l’équiper comme une Clio ! Donc l’idée est d’avoir un budget en cohérence avec les objectifs de performance du projet et le bateau qu’on va avoir. En revanche, je pense qu’on sera en dessous d’équipes comme Charal, TR Racing ou Macif, dans le sens où on ne sera pas un gros projet de développement. Ça sera mon premier cycle de Vendée, l’objectif est d’avoir un très bon bateau, de bien le fiabiliser et de l’optimiser, mais on ne va pas chercher à faire énormément de développements sur les quatre ans, on n’a pas prévu par exemple d’avoir de bureau d’études.

► Pour toi, du Figaro à l’Imoca, c’est un gros changement d’échelle ?
Oui, carrément ! J’ai parfois l’impression d’être au pied d’une montagne, j’ai des moments de panique quand je vois tout ce qu’il y a à faire. Ce qui me fait presque le plus peur, c’est ce côté gestion de projet, montage d’une écurie. J’appréhende moins la partie sportive car je sais qu’on saura s’entourer pour prendre en main le bateau, je ne vais pas être lâchée dessus seule dans la nature. D’autant que sur la première année, même si le programme n’est pas encore défini, il y a des chances qu’on fasse The Ocean Race Europe, donc de l’équipage, puis la Transat Jacques Vabre en double. Ça fait une première année avec pas ou très peu de solo. Maintenant, je mesure la chance que j’ai de pouvoir passer aussi rapidement du Figaro à l’Imoca. J’en ai toujours rêvé, je suis jeune, je suis prête à dormir, manger, réfléchir, vivre bateau tout le temps !

Photo : Gilles Dedeurwaerder

 

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