Alors que la seconde étape bat son plein, retour sur les enseignements de la première étape de La Solitaire URGO Le Figaro remportée par Nicolas Lunven devant Adrien Hardy et Sébastien Simon.
- Météo, c’était (vraiment très) chaud. En une étape, les 43 skippers auront eu un condensé de toutes les conditions rencontrées habituellement sur l’ensemble d’une Solitaire : du près, du portant, du reaching dans de la pétole, du medium et du très gros temps lors du passage du front peu après Rochebonne. Les marins ont évoqué 52-54 nœuds, des creux de 6 mètres et des pluies torrentielles les obligeant à barrer en regardant le sillage du bateau. Il fallait voir les yeux hagards de Damien Cloarec à l’arrivée à Gijon pour comprendre la violence du phénomène – ce dernier, sur le coup, se demandant même s’il fallait vraiment envoyer les bateaux dans ces conditions. Francis Le Goff, qui a vécu un copieux bizutage en tant que directeur de course, répond : “Il aurait fallu douter avant et personne ne l’a fait. Après, nous avons un peu plus de vent que prévu, il ne fallait pas dépasser un seuil. 5 nœuds de plus, cela aurait été délicat.” A l’arrivée : trois hommes passés dessus bord, heureusement attachés (Eric Delamare, Pierre Rhimbault et Arnaud Godart-Philippe), de la casse et des abandons, annihilant les chances au général de prétendants au podium comme Erwan Tabarly, Anthony Marchand, Thierry Chabagny et, à un degré moindre, Jérémie Beyou. Même les coureurs moins expérimentés s’en sont sortis : “Il faut souligner l’excellent travail effectué dans les pôles d’entraînement qui préparent les marins à affronter ce genre de conditions, rappelle le directeur de course. Ils font des sorties l’hiver dans 25 nœuds et plus, il y a des procédures installées qu’ils connaissent et leur permettent de réagir en conséquence.”
- Le duel Lunven/Hardy et une botte secrète ? Dans le paquet de tête pendant toute l’étape, Nicolas Lunven, que les experts interrogés par Tip & Shaft considérent comme le favori de cette 48e édition, s’est offert sa première victoire d’étape pour sa 9e participation. “On l’a entendu au ponton : à un moment, il s’est dit qu’il ne voulait pas se contenter d’une nouvelle place de deux, il a su porter l’offensive au moment où il fallait“, commente Jeanne Grégoire, coach au pôle de Port-la-Forêt. Le skipper de Generali, alors qu’il était à un mille derrière Adrien Hardy mardi matin, est en effet parvenu dans le long bord vers Gijon à en reprendre presque 3 à son rival, en vitesse pure. Comment ? “Disons qu’il a travaillé des trucs cet hiver qui ont porté leurs fruits“, répond Jeanne Grégoire, énigmatique. Qu’en pense les principaux intéressés ? “J’ai un solent un peu différent de celui d’Adrien, qui peut devenir un avantage quand le vent commence à mollir mais pas suffisamment pour passer sous génois, il y a sans doute une petite explication là-dedans”, avance le vainqueur d’étape. Son dauphin semble perplexe : “Nos voiles sont proches. Ce qui est certain, c’est que nous étions sur une allure assez simple et que j’ai eu un déficit évident de vitesse. Normalement à ce niveau, tu peux perdre 0,5-1 mille max, mais pas 3.” Le skipper d’Agir Recouvrement évoque plutôt “une partie du profil de quille abîmé au niveau de la jonction quille/coque” qui l’a obligé à sortir le bateau de l’eau jeudi pour réparer. Frustré de s’être ainsi fait dépasser, il a cependant également marqué cette étape de son empreinte, avec une audace, sa marque de fabrique, désormais plus calculée : “J’ai pris des initiatives, mais j’essaie de me modérer. Par exemple à Cordouan et dans le front, j’aurais peut-être par le passé fait un décalage plus marqué.” Assagi le Hardy…
- Des révélations chez les néo-figaristes. Quatre bizuths (Julien Pulvé, Pierre Leboucher, Tanguy Le Turquais et Milan Kolacek) classés dans les 20 premiers et deux skippers présents pour la deuxième fois (Pierre Quiroga et Justine Mettraux) également aux avant-postes : cette première étape, pourtant disputée dans des conditions demandant de l’expérience, aura donné l’occasion à une nouvelle génération décomplexée de se montrer. Parmi les bizuths, trois (Pulvé, Le Turquais, Kolacek) viennent de la classe Mini et ce n’est pas un hasard, même si, par le passé, la passerelle n’a pas fonctionné de manière systématique. Pour Yann Eliès, si “le transfert se fait bien”, c’est parce que ces anciens ministes, qui évoluaient pour la plupart en série, viennent d’une forme de monotypie, ce qui leur apporte le bagage technique nécessaire pour bien marcher en Figaro. Autre aspect mis en avant par Francis Le Goff : la majorité de ces marins s’entraîne à l’année au sein de structures ou de pôles (Vendée, Lorient, Port-la-Forêt, CEM) qui les préparent à la difficulté d’une course comme La Solitaire. Malgré seulement quatre mois de Figaro dans les pattes, Julien Pulvé est ainsi parvenu à grappiller une dizaine de places entre Rochebonne et Gijon, comme un Figariste averti : “Je me suis forcé à ne pas retourner dormir pour cravacher et revenir”, racontera-t-il après-coup. Reste désormais à tenir sur la durée. Départ de la deuxième étape Gijon-Concarneau, ce samedi.