Tu as essentiellement navigué en double depuis le début de la saison, quel est ton regard sur ces résultats ?
Ils sont satisfaisants. L’association avec Guillaume a bien fonctionné, puisque nous avons été réguliers autour de la 5e place [6e de la Sardinha Cup, 5e de la Transat Concarneau-Saint-Barth et du Tour de Bretagne, NDLR]. Il faut rappeler qu’il y a trois mois, il n’avait encore jamais passé une nuit en mer ni quasiment touché à des bateaux de ce type, puisqu’il vient du dériveur et du Diam 24. Je l’avais d’ailleurs repéré il y a quelques années, il était venu faire un Tour de France en M34, il n’avait alors jamais barré un habitable de sa vie et il tenait tête sans aucun complexe aux ténors de la classe. Là, il s’est adapté très vite au Figaro, qui est finalement un bon mixte de nos deux expériences, c’est de la régate au contact sur du large, nous avons tout de suite été assez complémentaires. Et comme il est ingénieur de formation, il a en plus une approche assez cartésienne qui a bien matché avec la mienne, plus au feeling. C’est quelqu’un de très rigoureux, mais également de très curieux, il se pose beaucoup de questions, cherche toujours à comprendre, propose des réglages… Il m’a apporté un regard nouveau, de la fraîcheur et de la jeunesse. Et il est très attachant.
Comment vous êtes-vous retrouvés dans ce projet de transmission ?
Je suis vraiment à l’initiative de cette proposition. Normalement, mon contrat devait se terminer l’année dernière et je devais tout bonnement être remplacé. Il se trouve que la région était un peu inquiète sur le fait de confier le bateau à un jeune novice en Figaro. Il faut comprendre que la première année en Figaro est souvent extrêmement dure à digérer, parce que tout est nouveau et que tu ne fais pas que du bateau : il faut gérer le projet dans son ensemble, ça passe par le sportif, mais aussi le préparateur, la commande du matériel, les fournisseurs, les partenaires, la communication… Tout ça dans un calendrier chargé, ça fait beaucoup pour une première année. Donc j’ai proposé à la région d’accompagner Guillaume un an de façon à qu’il ait un fil conducteur l’année prochaine. Ils ont adhéré au projet, du coup, ils n’auront souci à se faire en 2022, Guillaume saura à la fois faire du Figaro et gérer un projet. Et s’il sera bizuth sur la Solitaire, il aura déjà une Transat en double, une Sardinha Cup et un Tour de Bretagne dans les pattes, plus l’avant-saison, donc il sera un bizuth à surveiller !
“Ma série va s’arrêter à 16”
Justement, on se posait la question récemment lors du Tour de Bretagne ! Ce que ça m’inspire, c’est que je suis le premier fan de cette série et je l’ai toujours été. Quand j’avais 10 ans, je disais à mes parents que je voulais faire ça, je lisais toutes les histoires de la Solitaire, je suis capable de te sortir tous les anciens vainqueurs ! Un jour, j’ai eu l’opportunité de la faire, et derrière, j’ai toujours eu la chance d’avoir des partenaires qui m’ont suivi. Il y a eu des années très dures avec peu de moyens, mais je me suis accroché, parce que c’est le circuit où je me retrouve complètement. Avec des bateaux à armes égales, tu ne peux pas chercher d’excuse, ça te force à te remettre en question en permanence, le deal, c’est de se servir du même outil mieux que les autres. Et je m’éclate complètement dans ce format de trois-quatre jours en mer.
Tu n’as jamais ressenti d’usure ?
Non, d’autant que pendant longtemps, comme j’avais de petits moyens, je n’ai pas fait des saisons complètes : ma première Transat AG2R ne date que de 2016, et ça faisait déjà dix ans que j’étais sur le circuit. Le nouveau bateau a aussi aidé, on avait un peu fait le tour du Figaro 2, le fait d’avoir un nouveau jouet a relancé l’intérêt. Maintenant, la série consécutive va s’arrêter à 16 : même s’il n’y a pas de lassitude, je pense que j’ai besoin d’aller voir autre chose l’année prochaine, donc je ne ferai pas la Solitaire. Par contre, je ne m’arrêterai pas à 16 participations.
Après 15 participations, tu n’est toujours pas monté sur podium, que te manque-t-il ?
Pendant longtemps, j’ai été sur le podium à mi-course et ça se goupillait mal à la fin. Par exemple il y a deux ans, j’aurais pu jouer le podium, mais au final, j’ai préféré attaquer sur la dernière étape en me disant qu’il y avait une opportunité de gagner et de déstabiliser Yoann (Richomme), ça n’a pas marché. J’ai sans doute parfois eu un caractère un peu trop joueur, mais ça se joue à tellement rien, une Solitaire, qu’il est difficile de savoir ce qui manque. Peut-être que ma préparation un peu différente va payer cette année, mais ce que j’ai appris en quinze participations, c’est qu’il ne faut pas trop faire de plans sur la comète ni trop regarder les résultats d’avant-saison. Là, quand tu regardes le plateau, il y a quasiment la moitié de la flotte qui peut gagner la Solitaire, j’estime en faire partie.
“La Jacques Vabre en Class40 avec Nicolas Jossier”
Oui, avec Guillaume en JPK 1030. Jean-Pierre (Kelbert, patron du chantier JPK) me prête Léon, le bateau avec lequel on a gagné la dernière fois en double et en IRC3. Dans la catégorie qu’on vise, le double, je sais qu’il y a pas mal d’équipages anglais qui se sont préparés pour cet objectif, comme Dee Caffari (avec James Harayda), Henry Bomby (avec Shirley Robertson), je l’ai gagné quatre fois sur cinq en double, on m’a dit que c’était le record, si je pouvais en remettre une petite couche, je ne me gênerais pas. Ce n’est pas très longtemps avant la Solitaire, mais ça va m’éviter de gamberger dessus et mon préparateur mental m’a dit de prendre ça comme un échauffement, alors je vais aller m’échauffer sur le Fastnet !
Le parcours change avec une arrivée chez toi, à Cherbourg, quelle différence par rapport à un finish à Plymouth ?
J’ai entendu beaucoup de gens qui râlaient en disant que le Fastnet devenait une course de passages à niveau, mais j’ai toujours considéré que c’était la course de passages à niveau par excellence, je ne sais pas combien il y en a sur la course, le Raz Blanchard n’en sera qu’un de plus. Par contre, ça rajoute quand même une centaine de milles et peut-être des options un peu plus tranchées entre le Fastnet et Cherbourg. Avant, on passait le long des Scilly et on mettait le clignotant à gauche, là, on aura plus le choix entre longer les côtes sud anglaises, les côtes nord bretonnes ou passer au milieu, ça va ouvrir pas mal le jeu.
Te verra-t-on également sur la Transat Jacques Vabre ?
Oui, en Class40 avec Nicolas Jossier sous les couleurs du département de la Manche. Je suis super content, parce qu’on est très bons amis et que nous avons un bon bateau qui n’est ni plus ni moins que le vainqueur du dernier Rhum avec Yoann Richomme. Il y a un superbe plateau dans cette série, on s’attend à une super bagarre face à tous les nouveaux scows qui ont l‘air assez incroyables, mais on a vu sur le dernier Vendée Globe que ce n’étaient pas forcément les dernières machines qui gagnaient, donc pourquoi pas ?
Et l’année prochaine ?
C’est plus flou. J’ai forcément des envies de Vendée Globe, je mettrais aussi bien un pied dans cette Class40 qui se développe beaucoup. Sinon, je suis ouvert à toute proposition, j’ai usé beaucoup de cirés en Figaro, j’en userais bien sur d’autres supports, je ne suis pas inquiet sur le fait qu’il y aura de jolies opportunités de naviguer. A l’image de ce que fait Antho (Anthony Marchand) en Ultim (sur Actual) : il a dit haut et fort qu’il avait envie de faire le Vendée Globe, comme il ne trouve pas les partenaires pour l’instant, il navigue ailleurs, ça lui permet de se faire connaître. Mais pour l’instant, je n’ai rien enclenché, déjà parce que j’ai été beaucoup sur l’eau, ensuite, parce que j’évite de m’éparpiller, je veux rester concentré sur l’objectif Solitaire.