Photo : Jean-Marie Liot

Alexis Loison : “La saison Figaro, j’y vais la tête en avant”

Alexis Loison a remporté fin décembre la Rolex Sydney-Hobart en IRC4 sur le JPK 10.80 Banque de Nouvelle-Calédonie pour la deuxième fois après 2015. Une belle manière pour le Normand d’oublier son abandon sur la dernière Transat Jacques-Vabre avec Louis Duc, même si la transat en double lui a donné goût à la Class40 qu’il se verrait bien intégrer prochainement. En attendant, c’est une saison complète de Figaro qui l’attend, avec une très grosse envie de briller. Le skipper de Custopol, tout juste rentré d’Australie, fait le point pour Tip & Shaft.

Comment as-tu été amené à disputer la Sydney-Hobart ?
La première fois, c’était en 2015 : Géry Trenteseaux souhaitait faire la course, mais comme il était compliqué d’amener son JPK 10.80 de France en Australie, Jean-Pierre Kelbert lui a proposé de louer un bateau que Michel Quintin venait de ramener des Antilles en Nouvelle-Calédonie. Jean-Pierre m’a proposé dans le package et je me suis retrouvé embarqué dans l’aventure. Nous avions pas mal galéré dans la préparation parce que le bateau, qui venait de rentrer d’un demi-tour du monde, était vraiment rincé. On a passé nos journées à bricoler non-stop de 8h à 23h et nous sommes partis bien fatigués. Mais, au final, on gagne de peu en IRC4 et on ne passe pas loin d’un énorme exploit en terminant deuxième « overall », alors que nous avions le deuxième plus petit bateau de la flotte. J’en garde un super souvenir, d’autant que ça m’avait permis de rencontrer Géry qui est devenu mon partenaire sur le circuit Figaro. Cette Sydney-Hobart compte donc beaucoup pour moi !

Et tu as remis ça cette année, avec une nouvelle victoire sur le même bateau, cette fois mené par Michel Quintin…
Oui, Michel Quintin m’a rappelé pour m’occuper de la partie navigation, mais aussi parce que je connais vraiment par cœur les JPK (avec son père Pascal, il a remporté deux fois la Rolex Fastnet Race en IRC double, premier duo à gagner la course “overall” en 2013, ndlr). Et on a de nouveau gagné en IRC4, ça s’est vraiment déroulé comme sur des roulettes, on a même battu le record en temps réel des bateaux de moins de 11 mètres, qui datait de longtemps. Après, il a quand même fallu s’arracher parce que c’était une course qui partait par devant. Du coup j’avais bien briefé l’équipage sur le fait que c’était dans la brise que nous pouvions faire de gros écarts, nous avons vraiment fait le break dans la deuxième nuit en tenant le grand spi dans 35 nœuds. Nous nous sommes fait des sueurs froides dans le petit petit temps de la baie de Hobart, mais au final, le vent s’est relevé et nous a permis de l’emporter. La Sydney-Hobart, c’est quand même un truc à faire dans sa vie, je n’ai qu’une hâte : y retourner !

Quelles sont les caractéristiques de ce JPK 10.80 ?
C’est un bateau ultra-polyvalent, sans points faibles, à l’aise au près, au reaching, au vent arrière, dans le petit et le gros temps : on arrive à se sortir de n’importe quelle situation. C’est aussi un bateau très stable avec ses deux safrans, il faut vraiment le vouloir pour partir au tas ! Au final, c’est une sorte de Figaro 2 avec des coussins et des meubles à l’intérieur… Pour l’anecdote, le lendemain de l’arrivée à Hobart, les gens faisaient la queue pour visiter le bateau, Michel aurait pu le vendre je ne sais pas combien de fois à un prix plus qu’intéressant !

Cette victoire t’a permis de rebondir après l’abandon sur la Transat Jacques-Vabre, que gardes-tu de ton expérience avec Louis Duc ?
C’était super de faire équipe avec Louis. Nous avions vraiment une machine de guerreentre les mains, nous avons fait un début de course comme on le rêvait avec des conditions plutôt favorables à la puissance de son plan Lombard. Après, il y a eu sa blessure au genou qui a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, parce qu’il souffrait déjà du dos et de la main, il n’y avait pas d’autre solution que de s’arrêter, il fallait l’hospitaliser, cela a été vraiment dur à encaisser.

Tu parles de son Carac comme d’une machine de guerre, peux-tu nous en dire plus ?
C’est très physique ! Je ne connaissais pas du tout les Class40 et Louis a été lui-même vraiment surpris de la violence de ce nouveau bateau quand il y a de la mer. Dans la job list, en gros, en rouge et surligné, on a écrit « mains courantes et protections », parce qu’on s’est tous les deux fait mal en se faisant surprendre dans des accélérations qui se terminaient en plantés de vague et en vols planés sur le pont et à l’intérieur. Après, au reaching, le bateau est d’une puissance inouïe. La deuxième nuit lorsque nous sommes allés chercher le front, nous sommes passés en force malgré les 35 nœuds en prenant juste un ris dans la GV et en gardant le solent. C’était clairement invivable, mais on a bien vu que le bateau tenait et qu’il pouvait aller facile un nœud plus vite que tout le monde. Donc c’est un bateau à apprivoiser, mais quand Louis aura réussi à trouver les manettes, il sera vraiment redoutable.

Cette expérience t’a-t-elle donné envie de remettre ça ?
Oui, ça m’a vraiment ouvert les yeux sur une classe qui a clairement de beaux jours devant elle. Les bateaux deviennent de plus en plus géniaux : il n’y a que deux mètres de plus qu’un Figaro, mais ça se rapproche plus du comportement d’un petit Imoca. Et c’est l’éclate sur l’eau, avec une grosse bagarre, les quelques minutes à l’arrivée entre les deux premiers et le match à quatre ou cinq pendant deux-trois semaines sont là pour le prouver. Donc oui, ça m’a clairement donné envie, à plus ou moins court terme, de me lancer dans cette série-là. Je regarde très attentivement ce qu’il est possible de faire, je me pose même la question de savoir si c’est raisonnable d’espérer une participation à la Route du Rhum en Class40. La date de la Solitaire en août-septembre n’arrange pas, mais il faut voir si une opportunité sérieuse se présente…

Parce que la priorité pour 2018, c’est le Figaro ?
Oui, je n’ai pas envie de partir maintenant alors que je ne suis vraiment pas loin des meilleurs. Sans compter qu’il y a le Figaro 3 qui arrive, je n’ai pas envie de rater ses débuts. Je vais faire le Championnat de France complet, à commencer par la Transat AG2R en tant que co-skipper d’un figariste, dont je ne peux pas te dire le nom, mais ce sera un joli duo.

As-tu hésité au moment de remettre le couvert en Figaro ?
Je me suis clairement posé la question. L’année dernière, j’avais un petit déficit de vitesse par rapport aux Sébastien Simon, Nicolas Lunven, Charlie Dalin, il m’a manqué des petits trucs par moment que j’ai réussi à combler en fin de saison, sur le Tour de Bretagne et la Douarnenez-Fastnet. Du coup, je me dis que je ne suis vraiment pas loin et que j’ai encore plein de choses à bosser, sur les génois notamment. J’ai d’ailleurs pris les devants en fin de saison dernière pour commander les voiles très tôt, afin de les essayer rapidement et éventuellement de les modifier. Aujourd’hui, je n’ai qu’une hâte, c’est de remettre le bateau à l’eau et d’aller m’entraîner avec les gars à Port-la-Forêt. C’est pour ça que je me suis accordé une belle pause en Australie cet hiver avant de retourner en apnée sur le circuit Figaro. J’y vais la tête en avant.

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