Inspiring Sport Capital, groupe d’investisseurs dirigé notamment par Lucien Boyer, a annoncé jeudi l’acquisition de CDK Technologies. Et l’arrivée de Cyril Abiteboul, ex-CEO de Renault F1 Team, à la barre du chantier en tant que directeur général. Entretien avec le successeur de Philippe Facque, qui partira à la retraite le 1er avril.
► Vous débarquez du monde du sport automobile, comment êtes-vous arrivé chez CDK ?
Par le biais de rencontres avec Inspiring Sport Capital et notamment Lucien Boyer. On s’est retrouvés autour de ce projet qui me paraissait très cohérent par rapport à mon passé et à ce dont j’avais envie. CDK est un chantier leader dans son domaine, attractif et performant. J’ai senti le potentiel du projet, qui fait écho à ma passion. Il y avait un côté à la fois émotionnel et rationnel.
► Quelle connaissance aviez-vous du milieu de la voile ?
Quand je n’étais pas sur un paddock, je faisais de la planche à voile dès que je pouvais ou un peu de voile légère, sans aucune prétention. Et j’ai toujours suivi la course au large en toile de fond avec beaucoup d’intérêt et de respect, même si j’étais très tourné sur mon propre univers de course. Ce qui ne laissait pas beaucoup de place au reste.
► Suiviez-vous aussi les évolutions technologiques dans le milieu ?
De loin, mais j’ai observé la révolution du foil, qui n’en est probablement qu’à ses débuts. C’est une rupture majeure en termes de performance mais aussi sur la façon de concevoir les bateaux, leur forme. Je pense que ça en sera aussi une pour l’organisation de la chaîne de valeurs de la voile. C’est ça que je trouve intéressant autour du projet CDK. Cette rupture technologique lui a déjà offert de nombreuses opportunités et continue de le faire. Il y a une vraie dynamique positive autour de la voile, qui est en train de grandir et de mûrir. Chaque bateau est de plus en plus complexe et technologique.
“La voile en est aujourd’hui là où était
le sport auto il y a une vingtaine d’années”
► Quelles similitudes observez-vous entre la F1 et la voile ?
L’engagement, la recherche de la performance et de la perfection, la compétitivité, l’opiniâtreté des coureurs qui déteint sur tout le monde. De manière un peu plus spécifique, je dirais que ce sont des univers dans lesquels le geste et l’individu contribuent énormément à la réussite collective. C’est très important pour moi. Je me suis rendu compte ces derniers jours que les bruits, les odeurs, les sensations dans un atelier F1 ou de course au large sont les mêmes. Je suis heureux de retrouver ces mêmes sensations et émotions.
► En quoi votre expertise, vos compétences et votre expérience de la compétition et de l’industrie de haute performance vous permettront d’accompagner CDK dans ses nouvelles ambitions ?
En certains points, la voile est aujourd’hui là où était le sport automobile il y a une vingtaine d’années. Je peux peut-être contribuer à accélérer cette évolution car j’ai déjà vu une partie du film. Et aider à naviguer entre bonnes opportunités et fausses bonnes idées. Chaque discipline a ses spécificités mais il y a des choses dont on peut s’inspirer dans les outils, la méthodologie, la façon de recruter, d’attirer des talents et compétences, de créer un projet d’entreprise. Et de la même façon que la F1 pouvait nourrir des réflexions sur la décarbonation de l’industrie automobile, la voile pourrait contribuer à celle du fret maritime, de passagers dans un premier temps. La maîtrise du composite acquise par et pour la course au large permet d’impacter favorablement la mobilité ou le transport maritime. C’est une narration parfaite, qui sert le transport maritime et la course.
► CDK Technologies a diversifié son offre, se tournant également vers l’industrie, la construction navale civile et militaire ou les énergies marines renouvelables. Ces secteurs ont-ils vocation à prendre un jour le pas sur la course au large ?
La réputation du chantier s’est construite autour de ses fondateurs, de leur personnalité, de la course au large et des palmarès des bateaux qui en sont sortis. On ne se privera pas de développer des choses autour, en s’assurant que la course au large reste le cœur du réacteur de CDK. Ces activités commerciales ont du sens et permettent de diversifier les risques, ce qui est important pour être durable et résilient en cas de crise.
“J’ai l’impression de redémarrer ma carrière“
► Pourrait-on voir un jour CDK dans le milieu de l’automobile ?
Ce sont des métiers qui se ressemblent avec une main-d’œuvre de plus en plus dure à trouver, à qualifier, à former et à retenir. Je n’ai rien à annoncer, mais il ne faudra pas s’interdire de regarder ce que l’on peut faire en définissant une stratégie claire, lisible et stable. Je ne mets pas mon passé au placard. Au contraire, j’entends bien voir comment on pourrait créer des projets imaginatifs avec mon réseau dans l’automobile.
► Est-ce stimulant pour l’ingénieur que vous êtes de découvrir un autre milieu très innovant, qui fait la part belle à technologie ?
Je suis ultra-heureux de découvrir un nouvel écosystème, une nouvelle chaîne de valeurs. Ça ouvre un nouveau champ d’exploration et d’apprentissage pour moi et j’adore ça. J’ai l’impression de redémarrer ma carrière comme en Formule 1 il y a 15 ans tout en étant capable de capitaliser sur tout ce que j’ai appris. C’est très stimulant.
► A quoi ressemble la nouvelle gouvernance de l’entreprise ?
L’évolution de gouvernance se traduit par la séparation du poste de Philippe Facque, qui était président-directeur général du chantier, en deux : j’en deviens le directeur général et Lucien Boyer en assure la présidence. Les deux directeurs généraux adjoints, Yann Dollo et Stéphane Digard, restent dans les mêmes conditions. J’ai besoin d’eux et suis très heureux de pouvoir compter sur eux.
Photo : CDK Technologies