A 24 ans, Robin Follin est le leader d’une nouvelle génération de marins qui, après être passés par la filière Team France Jeune dont il a été le skipper pour la Youth America’s Cup en 2017, sont devenus les fers de lance de la classe Diam 24. Deuxième du récent Sailing Arabia The Tour à la barre de Cheminées Poujoulat aux côtés de Gauthier Germain et d’Antoine Rucard, le Varois, rencontré à Oman, ne cache pas ses ambitions sur le circuit cette saison et notamment sur le Tour Voile 2019.
Quel bilan tires-tu de Sailing Arabia The Tour, la première course de la saison ?
Le bilan a été très positif. Nous avions très peu navigué ensemble avant et nos stages à La Grande Motte n’avaient pas été concluants, on était collés à la piste. Nous sommes donc arrivés à Oman avec des doutes, ils sont levés grâce à cette deuxième place. On voit que ce n’est pas six mois d’absence sur le circuit de Diam qui nous ont fait oublier comment ça marchait. Si on nous avait dit qu’on terminerait deuxièmes du SATT, on aurait signé direct, parce qu’il y avait vachement de niveau, avec une flotte homogène qui naviguait de mieux en mieux au fur et à mesure de l’événement.
Comment t’es-tu retrouvé embarqué dans l’équipe Cheminées Poujoulat ?
On avait fait un super Tour l’an dernier avec Team Réseau Ixio [troisième place, NDLR]. Après, mon objectif étant de gagner le Tour dans les deux ou trois ans, j’ai réfléchi à la meilleure manière d’y arriver. Je me suis dit que j’avais fait un peu le tour avec Sandro (Lacan) et Jules (Bidégaray), je pense que je n’avais plus grand-chose à leur apporter. Et avec Gauthier (Germain), cela fait quelques saisons qu’on avait envie de faire le Tour ensemble. Du coup, quand Antoine (Rucard) l’a contacté pour lui proposer d’intégrer l’équipe Cheminées Poujoulat, il m’a appelé et ça s’est fait naturellement. C’était un peu dur de quitter Team Réseau Ixio, mais je pense que c’est très bénéfique pour eux comme pour moi. Et c’est top d’avoir cette équipe avec Bernard (Stamm) comme manager et un sponsor comme Cheminées Poujoulat, tu sais que le projet a les reins solides et ça permet de voir assez loin. Pour gagner un Tour, tu ne peux pas venir en one shot.
Beijaflore, vainqueur du SATT, sera votre grand rival cette année ?
L’an dernier, c’était déjà ça, ils ont été les grands rivaux de Lorina [vainqueur du Tour 2018, NDLR], on a réussi de notre côté à les accrocher quelques fois, je pense que cette année, ça va effectivement être la même chose. Là, ils ont plus de vécu que nous, leur grande force, c’est de toujours éviter les mauvais coups, mais je pense qu’en en “mangeant” un peu plus avant de venir à Oman, on aurait pu jouer la gagne sur le SATT. Et on ne va se focaliser uniquement sur eux, il y a d’autres super équipages comme Seaflotech (Sofian Bouvet), Mood (Damien Iehl), EFG (Franck Cammas), Oman Shipping (Stevie Morrison)… Cette année va être, à mon avis, un très beau cru pour le Tour.
As-tu d’autres projets cette année ?
Non. J’aime bien aller sur d’autres supports et voir d’autres choses, mais le projet number one, c’est vraiment le Diam. A un moment, quand tu te fixes un objectif précis, il faut quand même en bouffer. Aujourd’hui, je trouve qu’il n’y a pas vraiment mieux que le Diam, c’est un super circuit avec du très bon niveau, ça permet de progresser grave et c’est ce qui nous fera enchaîner derrière sur des projets plus gros. Parce que j’aimerais bien aller de plus en plus vers du gros bateau, type GC32 et TP52.
Tu as beaucoup progressé en trois-quatre ans, quel regard portes-tu sur ton début de parcours professionnel ?
C’est clair que si on m’avait dit que je serais là il y a trois-quatre ans, j’aurais signé tout de suite ! C’était le début de Team France Jeune, l’objectif alors était la Youth America’s Cup, une régate qui restera un grand regret pour toute l’équipe de Team France Jeune [5e place] parce qu’on avait à cœur de mieux faire. Mais c’est vrai que depuis, le parcours est top, chaque fois, on fait un truc un peu mieux, je me demande quand ça va s’arrêter ! Moi, je ne veux pas que ça s’arrête avant la Coupe de l’America car c’est mon objectif à long terme. Quand je vais sur un support, c’est toujours dans l’optique de progresser pour ce but ultime.
Pourquoi la Coupe de l’America ?
C’est un rêve de gosse. Pour certains, c’est les Jeux, moi, c’est la Coupe. Il y a dix ans, à l’occasion des Louis Vuitton Series à Nice, j’avais gagné une régate en Open Bic qui m’avait donné le droit de monter sur le bateau de TNZ. J’ai alors dit à mes parents, que plus tard, je ferai ça. C’est le seul truc qui est mon fil conducteur depuis que je suis gamin. J’ai touché au rêve il y a deux ans sur la Youth, l’objectif ultime reste la vraie. Même si je sais qu’aujourd’hui, c’est clairement le projet le plus compliqué à mener et qu’il y a encore énormément de chemin à faire pour y arriver, ça reste toujours dans un coin de ma tête. Et je pense que nous sommes une vingtaine de jeunes ayant le même profil que moi en France à partager cet objectif.
Existe-t-il une émulation entre vous ?
Oui, on se croise de plus en plus sur des circuits professionnels. Je prends l’exemple de Guillaume (Pirouelle) qui est le barreur de Beijaflore : on a été adversaires sur la sélection de la Youth, maintenant on se croise aux avant-postes, alors qu’il y a encore quelque temps, on essayait de se dépatouiller au milieu de la flotte. Il y a aussi Bruno Mourniac, Valentin Sipan, Gauthier Germain, Antoine Rucard, Solune Robert, il y a plusieurs équipages qui montent petit à petit et commencent à se tirer la bourre dans le haut des classements. Ça crée une dynamique rigolote, on ne se lâche pas du regard, on verra à la fin qui sera devant le plus souvent.
On a l’impression que les jeunes ont pris le pouvoir en Diam…
C’est vrai que le Diam est un bateau assez dynamique, avec des gabarits revus à la baisse qui laissent de la place à des gamins comme nous. Et maintenant que nous commençons à avoir de l’expérience, ça nous permet de jouer aux avant-postes.
Team France Jeune t’a beaucoup apporté ?
C’est clairement ce qui m’a lancé. A l’époque, on faisait du SB20 dans notre coin, Team France Jeune nous a permis de découvrir les bateaux volants, on était pile dans la bonne tranche d’âge pour s’y retrouver, c’était parfait, on a eu du bol, et aujourd’hui, ça me permet de vivre de mon métier. Il n’y a encore pas si longtemps, je me posais la question de savoir s’il ne fallait pas que je me mette à chercher du travail. Ça a été un peu la débrouille, mais en partie grâce à Team France Jeune, j’ai l’impression aujourd’hui de pouvoir voir loin.
Tu parles de ton rêve de faire la Coupe, mais tu as quand même conscience que c’est très difficile en France de trouver le budget pour y participer ?
Oui, bien sûr, trouver un budget est aujourd’hui le truc le plus dur, c’est quelque chose que je ne sais pas du tout gérer. La recherche de sponsors est aujourd’hui le cadet de mes soucis, mais je sais que ça viendra avec le temps. Le jour où j’aurai atteint un certain niveau, peut-être que je réfléchirai à ces questions. Mais avant ça, il y a tellement de chemin à faire. Franck (Cammas) y est allé après des années et des années avec Groupama, il faut avoir un sponsor avec les reins ultra-solides, une dynamique incroyable…
Es-tu tenté par la course au large ?
Ce n’est pas encore mon univers, mais c’est quelque chose que j’ai dans un coin de la tête depuis toujours, je pense que ça viendra à un moment. Aujourd’hui, le solitaire a plutôt tendance à m’effrayer, mais la Volvo par exemple, je signerais direct, même si je sais que je ne peux pas du tout y prétendre aujourd’hui, parce que je n’ai aucune expérience au large. Faire du Figaro en revanche, je ne sais pas si j’oserais. Je sais que je ne suis pas assez complet pour bien le faire et comme ça me saoulerait de ne pas être devant…
Tu ne vis vraiment que pour la compétition ?
Oui, c’est clair, on veut tous gagner. Et, à un moment, quand tu sais que tu peux le faire et que tu n’y arrives pas, ça te rend fou. Je n’aime pas trop me lancer dans des projets quand je sais que je vais me prendre des branlées alors que je vais être à fond…
Crédit photo : Vincent Curutchet/Lloyd Images/man Sail