La saison de Diam 24 vient tout juste de reprendre avec Sailing Arabia The Tour qui s’achève le 8 février à Oman. Après le retrait de deux grosses équipes, Beijaflore et Cheminées Poujoulat (premier et deuxième du Tour Voile 2019), le plateau n’est pas encore totalement défini, les responsables de la classe Diam 24 et du Tour cherchant plusieurs voies pour permettre au circuit de rester attractif.
Huit équipages, dont quatre courant sous les couleurs de sponsors omanais, disputent depuis le week-end dernier la dixième édition de Sailing Arabia The Tour, qui ouvre traditionnellement la saison de Diam 24, soit deux de moins qu’en 2019. “L’année dernière, nous avions eu un pic de fréquentation, parce qu’on avait bénéficié du fait que les bateaux, qui revenaient de Tahiti, avaient transité par Oman au retour”, explique le directeur de course, Gilles Chiorri. Reste que cette participation moindre ne fait que confirmer une tendance à la baisse depuis trois ans sur le circuit, particulièrement sur son épreuve phare, le Tour Voile. Ils étaient ainsi 29 équipages en 2017, 26 en 2018, 23 en 2019.
“Il faut reconnaître qu’on a une baisse de l’activité autour du Tour, on a peut-être été trop sûrs de nous ces dernières années et pas assez vigilants, on a aussi beaucoup subi la concurrence des bateaux qui volent”, constate Vianney Ancelin, le patron du chantier ADH Inotec, constructeur du plan VPLP de 7,25 mètres. Un trimaran qui, à ses débuts en 2015, avait attiré de nombreuses têtes d’affiche venues du large (Franck Cammas, Yann Guichard, Jérémie Beyou, Vincent Riou, Thomas Coville, Bernard Stamm…), ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, le circuit étant majoritairement composé de jeunes équipages.
Parmi eux, celui de Golfe du Morbihan, dont le skipper Solune Robert explique, à propos de la participation en baisse : “Comme le bateau est assez exigeant, si tu ne fais pas beaucoup d’heures dessus, tu te retrouves facilement derrière, ça peut expliquer que des grands noms de la voile soient un peu réticents, ils savent que ça va être dur de combler leur retard. C’est peut-être dû aussi au fait que le format est un peu répétitif depuis cinq ans. Cette année, ils essaient justement d’apporter un peu de nouveautés, avec des formats différents sur les courses en stadium et une étape de ralliement”.
Des nouveautés dévoilées lors du Nautic par le successeur de Jean-Baptiste Durier à la tête de l’épreuve, Victor Mathevet, qui, à propos de la participation au Tour 2020, se veut optimiste : “L’objectif est d’être autour de 25 bateaux. On peut compter sur le retour de deux tiers du plateau de 2019, avec à peu près la même proportion de rotation tous les ans depuis 2015 ; à côté, il y a une dizaine de teams plus ou moins avancés, on passe pas mal de temps à les accompagner pour qu’ils puissent être présents en 2020.”
Conscient du risque d’essoufflement de l’épreuve, le nouveau directeur du Tour cherche dans le même temps à convaincre de grosses structures de venir (ou revenir) sur le circuit : “Le gros enjeu pour nous est d’arriver à embarquer avec nous des acteurs pour nous accompagner sur l’aspect professionnalisation, qui fait la force de cette classe. Aujourd’hui, on voit Robin Follin qui passe en Figaro un an après Achille Nebout, Jules Bidegaray qui intègre SailGP France, Quentin Delapierre qualifié pour les Jeux, tous viennent de ce circuit… Le Diam est devenu une vraie filière de formation. On devrait arriver à avoir un plateau avec des bateaux Banque Populaire, Sodebo, Macif, Spindrift, Crédit Mutuel et autres, ce qui permettrait à ces teams de former des jeunes et ainsi de créer la relève de demain. On est sur des budgets assez accessibles pour ces structures, de 60 000 euros pour un team amateur assez modeste à 300 000 euros pour un team pro.” Vianney Ancelin ajoute : “Il faut que les têtes d’affiche contribuent à développer la filière française en faisant de la formation pour des jeunes talents. Aujourd’hui, avec une paire de foils, tu couvres largement deux ans de fonctionnement d’un super team.”
Ce modèle de formation est un peu celui qui est développé depuis quelques années par le Normandy Elite Team, qui, soutenu par la région Normandie et Helvetia, aligne deux bateaux sur Sailing Arabia The Tour : un équipage féminin mené par Pauline Courtois, un équipage jeune avec Pierrick Letouzé à sa tête, le budget étant de 130 000 euros pour l’ensemble du team. “Nous sommes un incubateur de talents, l’idée c’est de permettre à des jeunes marins méritants, normands mais pas seulement, de naviguer sur le Tour pour qu’ils se fassent repérer et intègrent des projets pros. Par exemple, Guillaume Pirouelle et Valentin Sipan ont fait la première année avec nous avant de partir chez Beijaflore, Louise Acker est désormais chez La Boulangère, Aristide Gasquet avec Groupe Atlantic”, explique Cédric Château, directeur sportif du team.
Un autre axe de développement de la classe passe par l’étranger. “Il y a aujourd’hui une petite flotte en Angleterre, des tests au Portugal ont bien fonctionné l’an dernier, il va y en avoir en Espagne et en Italie, quelques bateaux sont partis aux Etats-Unis, il faut être patient”, analyse prudemment Victor Mathevet. Il faut dire qu’en dehors de Sailing Arabia The Tour, les tentatives d’organiser des épreuves hors des frontières de l’Hexagone sont pour l’instant vouées à l’échec. Nastro Rosa, le tour d’Italie prévu en septembre dernier, a finalement eu lieu en L30, son organisateur, Riccardo Simoneschi, expliquant : “Nous avons été contraints de le remettre en 2020 faute d’équipes”. Le patron du tour italien, qui estime que “l’internationalisation est cruciale pour la classe Diam 24 si elle veut survivre dans le futur”, tranchera “le 20 février” s’il retente le coup en Diam sur le tour d’Italie en 2020 (prévu en septembre-octobre) ou s’il opte pour un autre bateau, le 69F.
Du côté de Tahiti, le Grand Prix Pacifique des Jeux, une première fois reporté de novembre à février pour la même raison, n’aura pas lieu en 2020, comme nous le confirme Emmanuel Versace, un des organisateurs : “Le deal avec nos partenaires était qu’on ne partait pas si on n’avait pas au minimum six bateaux. On en avait quatre, deux étaient sur le point de venir avant de finalement renoncer, donc on est obligés de décaler à 2021. Vu la difficulté à faire venir des teams pros, on réfléchit à un format plus tourné vers des propriétaires.”
Les objectifs à l’international sont donc plus modestes, avec en 2020 un Grand Prix à Hamble, intégré aux Tour Voile Series. “L’Angleterre est le pays où le Diam s’est le plus développé. On a pensé à y organiser un championnat d’Europe, mais j’avais peur que débarque le haut niveau français et qu’il écoeure les Anglais. Donc on a trouvé un juste milieu, on va faire un Grand Prix qui sera l’occasion de rencontrer et soutenir la classe anglaise. J’aimerais bien aussi aussi que le Tour Voile fasse comme le Tour de France cycliste, avec des départs ou des étapes à l’étranger”, explique Vianney Ancelin.
Pas sûr qu’il soit entendu, le Tour Voile ne faisant toujours pas gagner d’argent à ASO, en quête d’un partenaire-titre depuis plusieurs années. Jean-Baptiste Durier ne fut pas loin de trouver l’oiseau-rare l’an dernier, Victor Mathevet a repris le flambeau, le ticket d’entrée étant selon lui d’environ un million d’euros. “On connaissait l’économie de la voile avant de mettre le pied dans le secteur, on sait que c’est long et compliqué”, rappelle le directeur du Tour.
Les jeux sont ouverts. Beijaflore et Cheminées Poujoulat, les deux premiers du Tour Voile 2019, s’étant retirés, le troisième, Réseau Ixio-Toulon Provence Méditerranée, pour sa troisième saison sur le circuit, fait logiquement partie des favoris de la saison. “Nous venons pour gagner, confirme le skipper Sandro Lacan, qui s’appuie sur un budget de 285 000 euros et a recruté Guillaume Pirouelle à la barre (ex Beijaflore). Maintenant, si des équipes sont effectivement parties, beaucoup de bons marins sont restés”. Le mercato a en effet été animé, notamment du côté d’Oman Sail, qui a attiré Sofian Bouvet (ex SFS), Gaulthier Germain (ex Cheminées Poujoulat) pour faire équipe avec Corentin Horeau et Ali al Balushi sur EFG Bank, l’un des trois bateaux omanais aligné sur le Tour. Autres équipes ambitieuses : Golfe du Morbihan (Solune Robert) malgré un budget moindre (Breizh Cola s’est retiré fin 2019), Groupe Atlantic (Clément Cron), projet désormais managé par Pierre Mas, Pink Lady (Gabriel Skoczek), les Suisses du CER et les filles de La Boulangère qui, pour leur troisième saison sur le circuit visent “un Top 5-7” sur le Tour, selon Mathilde Géron, qui enregistre le retour de Sophie de Turckheim.
Photo : Oman Sail
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