Toutes les entreprises engagées dans le Vendée Globe ne viennent pas de la Sailing Valley bretonne. Najac, dans l’Aveyron – célèbre pour sa forteresse royale -, accueille ainsi CLM, une PME discrète, spécialisée dans la conception et la fabrication de tissus techniques innovants à destination des voileries.
Depuis 15 ans, CLM développe, en partenariat avec la voilerie All Purpose, la membrane TRILam. Une membrane qui embarque sur 5 des 33 bateaux qui partis dimanche dernier des Sables d’Olonne pour le Vendée Globe 2020. Le duo fournit ainsi le jeu de voiles complet d’Initiatives Cœur (Sam Davies), de Campagne de France (Miranda Merron) et de Groupe Setin (Manu Cousin), mais également quelques voiles pour Groupe Apicil (Damien Seguin) et MACSF (Isabelle Joschke).
D’abord testé avec succès en Mini 6.50 puis en Class40, le TRILam a bouclé son premier Vendée Globe en 2013 à bord d’Initiatives Cœur, alors mené par Tanguy de Lamotte. Sa spécificité ? “C’est une peau faite sur mesure, dotée d’une très grande proportion de fibres structurales, ce qui rend la membrane plus performante et plus durable, explique Pascal Rossignol, fondateur et patron de CLM. Concrètement, une grand-voile de 90 kilos, comme celle de Sam Davies, est composée de 3 700 kilomètres (!) de filaments continus de six tailles différentes, déroulés et collés un par un par des machines numériques, pour un poids total d’une grosse cinquantaine de kilos.”
L’autre originalité du TRILam tient au procédé de fibres pré-contraintes utilisées lors du tissage, avec des filaments continus très fins, tendus pendant toute la phase de fabrication. “Ils sont comme en “lévitation” à 2-3 mm de la surface, sur une longueur de 3 mètres, explique Pascal Rossignol. Ils restent ainsi une demi-heure pour que les tensions s’équilibrent, avant qu’on ne les colle avec un rouleau chauffant”.
Un “atout énorme” aux yeux de Rémi Aubrun, responsable du bureau d’études de la voilerie All Purpose, qui a rencontré Pascal Rossignol sur la Coupe de l’America en 1992. “Aujourd’hui, il n’y a que TRILam qui propose le fil fin pré-contraint. Cette technologie permet de fabriquer des voiles légères et très nerveuses, sur lesquelles la résistance à l’allongement, quand le vent augmente, est unique, ce qui permet une meilleure stabilité des volumes dans le temps.”
En cette année de Vendée Globe, l’Imoca représente 30% de l’activité de CLM, dont l’objectif est de continuer à développer son produit en mettant l’accent sur le gain de poids. “Aujourd’hui, on ne fait pas beaucoup de bruit, mais nous sommes capables de livrer des grands-voiles d’Imoca qui descendent à 80 kilos et des gennakers sans câble, stables, souples, légers et maniables. Un coureur avec qui nous avons travaillé ne comprenait pas pourquoi sa voile était aussi légère, il pensait qu’on s’était trompés !” sourit Pascal Rossignol. L’ingénieur, passé par l’aéronautique et le spatial, travaille également sur l’optimisation du poids des décorations, avec des couleurs teintées dans la masse.
L’autre priorité de CLM et d’All Purpose est de prendre un virage éco-responsable : “Aujourd’hui, l’enjeu clairement identifié est de basculer la technologie TRILam en fibres naturelles. Cela fait six mois que nous nous sommes lancés dans cette voie et qu’on commence à structurer cette démarche avec Pascal, annonce Rémi Aubrun. Nous avons effectué des premiers essais encourageants sur les voiles du Figaro 3 d’Adrien Hardy, c’est un projet hyper excitant.”
Photo : Eloi Stichelbaut / Polaryse / Initiatives-Coeur
