Avec plus de 25 000 bateaux construits depuis 1977, la marque First, qui fête ses 45 ans cette année, reste une référence de la course-croisière. Pendant tout l’été, Tip & Shaft raconte cette saga en compagnie de certains de ses acteurs, à travers quelques modèles phares du chantier Beneteau. Cette semaine, retour sur la belle époque de la jauge IOR, entre protos, petites séries et chaînes de production.
Fort du succès du First 30 lancé en 1977 (voir notre article), Beneteau a constitué en moins de trois ans une gamme de six First de 18 à 35 pieds. Le chantier tourne à plein avec plus de 1 000 unités produites en 1980 et se retrouve leader d’une plaisance en pleine explosion ! Rentré chez Beneteau en 1982 pour s’occuper de la clientèle américaine, Bertrand d’Enquin constate qu’Annette Roux, la présidente du groupe, et François Chalain, initiateur de la gamme First, “ne se reposent pas sur leurs lauriers : ils comprennent que pour pérenniser ce succès industriel, il faut dépasser les frontières hexagonales et gagner des courses à forte renommée.'”
Pour ses futures grandes unités, le chantier fait appel à l’Argentin German Frers, architecte des tutélaires Swan, qui dessine les iconiques First 42 et 456. Côté course, ils se tournent en 1979 vers Jean Berret, qui vient de signer le très bon First 35, pour plancher sur un half tonner de petite série. Le Rochelais s’est taillé une belle réputation en régate avec ses protos baptisés à coups de calembours (Alonzo Bistro, Crac Boum Ut…), construit chez Hervé, à La Rochelle, puis dans le chantier de son frère, Technicoque. 13 unités du First 30 Evolution sont produites pour courir les championnats IOR (International Offshore Rule, ancienne jauge de course, créée à la fin des années 60).
Ils sont construits dans un atelier aménagé par Beneteau à Saint-Hilaire-de-Riez, à côté de la menuiserie. “Déjà à l’époque, on travaillait sous vide. L’équipe était réduite, une dizaine de gars, les meilleurs en général. Les bateaux étaient construits à l’envers, sur mannequin ou sur moule mâle”, se souvient Jean-Michel Crochet, alors préparateur des First.
Un Rubis de légende
Aux côtés de François Chalain, on trouve Eric Ingouf, habitué des Ton Cup, qui travaille beaucoup sur les plans de pont et le respect des formes torturées des IOR. La jauge multiplie en effet les points de mesure à certains endroits de la coque. Autour d’une enveloppe idéale, l’architecte crée donc des bosses pour contenir le rating. “C’est aussi pour ça que nous faisions appel à une équipe spéciale de peintres, venus des pays de l’Est, qui étaient très performants dans le carrossage des coques pour ne pas dénaturer la forme et les mesures”, poursuit Jean-Michel Crochet.
Le succès est au rendez-vous puisque First Lady, baptisé ainsi en l’honneur d’Annette Roux, prend la deuxième place de la Half Ton Cup 1980. L’année suivante est la bonne : le légendaire Paul Elvstrøm, quadruple champion olympique danois, s’empare du trophée sur King One, un autre First Evolution. Les victoires du bateau donnent la légitimité au chantier pour lancer le First 30 E (sur une autre carène), dont 420 exemplaires sortent des chaînes de production en trois ans !
Même tremplin trois ans plus tard avec les one tonner. Pour la première fois, Beneteau fait travailler ensemble la fine fleur de l’architecture française. La petite série de First 40 Evolution est signée Berret-Fauroux-Finot. Les protos se nomment Phoenix (Harold Cudmore), Fair Lady (Eric Duchemin) ou Coyote (Bruno Troublé) et trustent les podiums en Manche et outre-Atlantique. Ils donneront naissance à la belle série du First 405, plus de 200 bateaux construits pour ce qui représente à l’époque une grande unité.
L’apogée de cette décennie IOR reste la construction de Rubis en 1989. Ce two tonner armé par l’horloger Corum est le fruit de la collaboration entre Philippe Briand, Philippe Pallu de la Barrière et Luc Gellusseau, qui ont déjà œuvré sur French Kiss sur la Coupe de l’America 1987. Plan de pont innovant avec deux roufs latéraux servant d’avaleurs de spi, piano central, sanglage des équipiers à l’intérieur sur des bancs de rappel pour les courses offshore, le bateau est un concentré de nouveautés. Aux côtés de Corum Saphir et Corum Diamant, il remporte l’Admiral’s Cup 1991, véritable championnat du monde de course au large à l’époque.