Avec plus de 25 000 bateaux construits depuis 1977, la marque First, qui fête ses 45 ans cette année, reste une référence de la course-croisière. Pendant tout l’été, Tip & Shaft raconte cette saga en compagnie de certains de ses acteurs, à travers quelques modèles phares du chantier Beneteau. Cette semaine, les belles séries des First S5 et .7, parmi les plus marquants et aboutis de l’histoire de la marque.
Au mitan des années 1980, Beneteau comprend qu’il faut segmenter son offre. François Chalain, encore lui, lance avec l’architecte Philippe Briand le premier Océanis 350 en 1986, croiseur assumé d’un nouveau genre. Les First s’en trouvent libérés mais il faut les repositionner, les rendre plus radicaux.
Beneteau se met en quête d’un designer intérieur. François Chalain questionne le frère de Philippe Starck, journaliste à France 3, rencontré fortuitement lors d’un reportage de ce dernier au chantier : “Je doute que votre frère ait le temps de s’occuper de nos histoires de bateaux ?” “Détrompez-vous, Philippe est fou de voile et beaucoup plus accessible que vous ne le croyez…”
35s5 : l’arme du design
La rencontre avec la star internationale du design est vite organisée et accouche d’un des bateaux les plus disruptifs de l’histoire de la plaisance, le First 35s5. Jean Berret, qui signe la carène, se souvient : “Beneteau a pris un vrai risque car ce que dessinait Starck coûtait plus cher et remettait en question les habitudes du chantier. Il a apporté son style et ses idées et je me débrouillais pour rendre tout ça réalisable.”
Barre carbone, hublots en prise sur l’angle du roof avec main courante intégrée, intérieur acajou brillant, sellerie blanche, pied de table en aluminium forgé brossé… autant dire que le First 35s5 ne passe pas inaperçu et bouscule la clientèle habituée au classicisme. “Quand il est sorti au Salon nautique en 1987, on ne parlait que de ça. On criait au fou ! se souvient Yann Masselot, directeur actuel de la marque Beneteau. C’était la première fois qu’un designer extérieur au milieu de la plaisance apportait sa patte à un bateau.”
Malgré une carrière commerciale assez courte de quatre ans, les chiffres de vente sont corrects. Surtout, le look est décliné sur une gamme qui s’étendra de 32 à 53 pieds, signe que la plaisance évolue et monte en gamme.
La polyvalence du 31.7
Dix ans plus tard, les s5 puis s7 sont remplacés par une nouvelle série. Pour le benjamin de la nouvelle gamme, Beneteau conserve sa confiance à Jean-Marie Finot et Pascal Conq, qui dessinent le First 31.7 – “peut-être le plus réussi de tous”, selon Jean-Michel Crochet, préparateur à l’époque de tous les First. “Le 31.7, c’était la carène du Figaro 1, un intérieur bien fichu, la polyvalence. Un bateau hyper facile et accessible à tous. Certains clients n’ont jamais voulu en changer !”
Peu importe si le 31.7 n’est pas très optimisé pour l’IRC et ne remporte jamais le Spi Ouest-France “même quand il y en avait 30 engagés en IRC4 face au légendaire half tonner Britanny Drizzle“, souligne Christophe Cantin, actuel président de l’association de propriétaires. Près de 1 200 exemplaires de ce bateau sans défaut sortiront des chaînes, le 30 pieds de course-croisière le plus diffusé de l’histoire !
Le 31.7 continue à écumer les plans d’eau de régate – ils étaient encore 16 à courir le dernier Spi Ouest-France en monotypie cette année – et séduit toujours des propriétaires exigeants, à l’image de Jean-Yves Le Déroff ou Philippe Delhumeau.
Le 40.7 séduit la Chine
En parallèle du “petit” 31.7, sort le 40.7 qui, lui aussi, connaît une très belle carrière, avec près de 700 exemplaires vendus. Ce plan signé Bruce Farr d’une élégance intemporelle gagne tout dès sa sortie (Commodore’s Cup et Copa del Rey en 1997) et se hisse au sommet du classement overall de la Sydney Hobart en 2003.
Lorsqu’en 2007, la province de Shenzhen créée la China Cup pour concurrencer Qindgao qui s’est vu attribuer les Jeux Olympiques de 2008, Beneteau produit une flotte de 10 bateaux, puis, suite au succès de la formule, 20 autres l’année suivante. Le 40.7 devient le monotype de l’Empire du Milieu. Aussi novices en course au large qu’ambitieux, “les Chinois voulaient créer un événement pour supplanter l’America’s Cup !” explique Yves Mandin, qui s’occupe de l’opération pour Beneteau. Et de poursuivre : “On leur avait quand même dit que ce serait un peu long ! Mais il n’en reste pas moins que toutes les China Cup disputées depuis 2007 ont été de très beaux événements, de belle tenue sportive, et remportés par des skippers prestigieux.”