Avec plus de 25 000 bateaux construits depuis 1977, la marque First, qui fête ses 45 ans cette année, reste une référence de la course-croisière. Pendant tout l’été, Tip & Shaft va raconter cette saga en compagnie de certains de ses acteurs, à travers quelques modèles phares du chantier Beneteau. Cette semaine, au moment où s’élance la 53e Solitaire du Figaro, la naissance en 1990 du First Class Figaro Solo, qui sera suivi en 2003 et 2019 par les Figaro Beneteau 2 et 3.
A la fin des années 1980, la Solitaire du Figaro se court encore sur des half tonners, devenus des bijoux de technologie, mais dont le coût exorbitant nuit à l’égalité des chances des concurrents. Le directeur de course Michel Malinovsky, qui a disputé la course de l’Aurore (l’ancien nom de la Solitaire) sur un First 30, et Jean-Michel Barrault, cofondateur de la course en 1970, se rapprochent de Beneteau pour imaginer un monotype libre de toute jauge.
Le binôme Finot-Berret sort alors le First Class Figaro Solo et c’est Laurent Cordelle qui, en 1990, remporte la première Solitaire à son bord, suivi d’Yves Parlier, puis, en 1992, de Michel Desjoyeaux qui raconte : “En 1989, j’avais gagné la formule de sélection Skipper Elf et hérité du dernier half tonner qui était une véritable McLaren. Trois mois après, la course est passée monotype et j’ai rendu le half ! J’ai gagné au change un bateau qui pouvait faire du large, nettement plus marin avec un premier gréement 7/8e à bastaques un peu casse-gueule mais que j’aimais bien.”
Le bateau est bien né, en effet, mais le mât un peu faible est remplacé par un profil 9/10 sans bastaques en 1993, ce qui règle la question. Le chantier veille au grain et chaque été, entre 1990 et 1996, le First 53 F5 mené par Eric Ingouf et Jean-Michel Crochet s’occupe de l’assistance de la course en même temps que du service après-vente. “C’étaient des épopées formidables. Le carré était souvent plein, on était au cœur de la régate”, se souvient Jean-Michel.
Une carène moulée
plus de 2 000 fois !
Celui qu’on appelle désormais le Figaro Solo conquiert son marché très captif avec 61 exemplaires produits. Mais la carrière de cette carène bien née ne s’arrête pas là. Déclinée sur le Figaro Challenge (sans ballasts), sur lequel se court le Défi des Ports de pêche, sur le First 310, sur plusieurs Océanis et surtout sur le First 31.7, elle a été moulée… plus de 2 000 fois dans les ateliers de Beneteau, sans forcément que les propriétaires sachent qu’ils emportent un petit bout de Figaro avec eux !
Au début des années 2000, le plan Finot-Berret ayant pris un coup de vieux, le chantier réfléchit à un nouveau dessin. Finot reste une valeur sûre, mais le choix du comité de sélection de la classe dirigé par Gildas Morvan, se porte sur le cabinet Lombard, qui a montré en Imoca qu’il fallait compter sur lui. Et c’est ainsi que naît en 2003, le Figaro Beneteau, deuxième du nom, qui gagne un mètre dans l’histoire. Pascal Bidégorry joue le rôle de metteur au point de ce monotype élégant qui franchit un cap sur le plan technique : coque sandwich infusée, remplissage électrique des ballasts, mât carbone.
Surtout, le Figaro Beneteau 2 se montre beaucoup plus stable de route que son prédécesseur. Les skippers peuvent aller dormir sous spi, le bateau n’enfourne quasiment plus : “Le Figaro 2 a capitalisé sur les acquis de la monotypie du Figaro 1. Tout s’est professionnalisé pour une formule qui tient toujours la route aujourd’hui”, se rappelle Michel Desjoyeaux, membre du club fermé des triples vainqueurs de la Solitaire.
Le Figaro 3 “ouvre le jeu”
Avec le Figaro 2, le circuit prend une nouvelle dimension. Les centres d’entraînement forment des cohortes de skippers qui font du Figaro leur métier, investissent dans leur outil de travail, amorti sur quatre ou cinq ans. A raison de 250 jours de navigation par saison, le loch d’un Figaro engloutit chaque année 12 à 14000 milles. Lorsqu’en 2019, le Figaro 3 entre en scène, certains Figaro 2 ont l’équivalent de sept tours du monde à leur actif ! Ce qui n’empêche pas qu’on se les arrache encore aujourd’hui sur le marché de l’occasion.
En 2017, le concours lancé par la classe Figaro et le chantier pour reprendre le flambeau est remporté par VPLP. Le Figaro Beneteau 3 est construit dans un atelier dédié à Nantes, dans les anciens locaux de Jeanneau Techniques Avancées. Les foils font leur apparition, ce qui n’est pas sans poser quelques problèmes de mise au point la première année. 80 exemplaires sont construits en à peine deux ans.
Plus court, beaucoup plus sportif et plus moderne, notamment via son plan de voilure, le Figaro 3 a “ouvert le jeu”, rendant les options autrefois aléatoires potentiellement payantes et a redonné ses lettres de noblesse à la stratégie. Il permettra encore cette année au départ de Nantes, ce dimanche 21 août, à 34 hommes et femmes de tenter de conquérir le Graal de la course en solitaire à armes égales, la Solitaire du Figaro.
Et depuis 2020, le trophée remis par Beneteau pour récompenser le premier bizuth de la course porte le nom d’Eric Ingouf, l’homme qui, chez le constructeur vendéen, a assuré le développement des trois générations de Figaro Beneteau.