La diversification vers l’aéronautique est un rêve pour nombre d’entreprises du secteur de la voile de compétition ; le chemin inverse est beaucoup plus rare pour les PME de l’aéronautique. C’est pourtant celui emprunté par Duqueine Group, spécialisé dans la conception et la fabrication de pièces et sous-ensembles en matériaux composites haute performance.
Fondé en 1982 par Gilles Duqueine, le groupe a fait l’acquisition en 2007 de Bretagne Composite, devenue Duqueine Atlantique, une des quatre entités d’un ensemble qui en compte trois autres, en région lyonnaise, en Roumanie et au Mexique. Son activité se concentrant à 95% dans l’aéronautique, avec pour clients principaux Airbus, Dassault et Safran, la filiale basée à Malville, entre Nantes et Saint-Nazaire, a été frappée de plein fouet par la crise du Covid. Au point de fermer un de ses deux sites de production et de réduire ses effectifs, passés de 220 à 120.
Mais également de conduire ses dirigeants à une réflexion stratégique : “Nous avons fait le constat qu’il était risqué d’être aussi dépendants d’un seul secteur d’activité, nous avons alors décidé, à l’échelle du groupe, de nous diversifier : dans l’automobile pour la filiale lyonnaise, dans le nautisme, et en particulier dans la voile de compétition, pour Duqueine Atlantique. Ce qui répondait à une certaine logique car notre cœur de métier est le drapage composite, principalement le carbone”, explique Gilles Quevat, l’un des deux chefs de projet en charge du volet diversification.
L’entreprise dispose en outre des outils de production pour répondre à la demande : le site de Malville héberge une chambre froide de plus de 200 mètres carrés, une machine de découpe automatisée de tissus, trois grands autoclaves de 7, 13 et 17 mètres de long, un quatrième de 1,80 mètre pour les pièces plus petites et une étuve de 10 mètres sur 3 pour 2,5 mètres de hauteur – une nouvelle étuve de grande dimension est attendue dans les trois mois.
Restait à trouver des premiers clients. “On a pris notre bâton de pèlerin et on est allé démarcher des équipes et des chantiers pour faire de la sous-traitance ; on a aussi rencontré des cabinets d’architectes, répondu à des demandes de chiffrages. Notre objectif est de mettre petit à petit le nom de Duqueine dans les têtes des acteurs du nautisme, mais également de casser l’image que peut avoir l’aéronautique auprès de certains, qui nous voient comme chers et peu réactifs”, raconte Nicolas Francheteau, responsable des avant-projets/projets/programmes.
C’est ainsi que les premières commandes sont tombées : après avoir chaviré et démâté sur son Ocean Fifty Les P’tits Doudous en avril sur les 1000 Milles des Sables, Armel Tripon, que Duqueine Atlantique avait approché lorsqu’il avait fait part de son projet de construire un Imoca à partir de chutes de carbone de l’aéronautique, a fait le pari de confier à l’entreprise la fabrication de son nouveau mât. Ce qui a été fait dans un temps record de deux mois, le nouvel espar venant tout juste de traverser l’Atlantique sur la Route du Rhum.
De son côté, CDK Technologies a sous-traité la construction du cockpit du futur Imoca de Thomas Ruyant à Duqueine Atlantique, qui vient également de se voir confier la barre d’écoutes du prochain Ocean Fifty de Sébastien Rogues. Ces premiers pas encourageants ne font que conforter l’entreprise ligérienne dans sa stratégie de diversification, qui vise également la croisière de luxe et la fabrication de foils et d’appendices pour les supports « loisirs » (kite, wingfoil…). “Notre objectif, d’ici environ deux ans, est de faire baisser notre dépendance à l’aéronautique de 95% à 75-80%“, se projette Nicolas Francheteau.
Photo : Pierre Bouras / Les P’tits Doudous