Xavier Macaire attaque sa troisième saison sur le circuit Class40, qu’il débute le 7 avril en s’élançant, avec Pierre Leboucher et Carlos Manera, sur la première édition de la Niji 40, transat entre Belle-Ile-en-Mer et Marie-Galante. Une saison à l’issue de laquelle le marin de 42 ans basculera en Imoca, co-skipper en 2025 de Justine Mettraux, leurs partenaires respectifs, le groupe Snef et Teamwork, s’étant associés dès cette année.
Tu reprends la saison par la Niji 40, pourquoi le choix de cette course, plus que de The Transat CIC ?
Ça n’a pas été facile de choisir. The Transat CIC me plaisait bien parce que c’est du solitaire, je suis un figariste dans l’âme, donc j’aime bien l’exercice, être face à moi-même pour gérer mon bateau et ma performance. Mais ce qui m’a en partie décidé, c’est le parcours sud, plus adapté à mon bateau qui a été dessiné par Guillaume Verdier pour être à l’aise au portant VMG. Peut-être que si j’avais eu un Lift (plan Lombard), plus performant au près et au reaching, j’aurais choisi la route nord de The Transat. C’est aussi le choix de ne pas faire trop souffrir mon bateau. C’est sa troisième année, il a beaucoup encaissé en deux ans, on l’a déjà pas mal renforcé structurellement pour qu’il devienne résistant, j’avais la crainte de trop le solliciter sur un parcours plus dur, on a beaucoup plus de chances de faire des allures serrées sur The Transat CIC. Enfin, l’idée de naviguer en équipage me plaisait bien.
Tu as de nouveau fait appel à Pierre Leboucher et lancé un appel à candidatures pour le troisième équipier, portant ton choix sur Carlos Manera, deuxième de la dernière Mini Transat en proto, pourquoi ce choix ?
Parce que l’idée me plaisait d’avoir un jeune à bord pour qu’il apporte un nouveau regard, de la fraîcheur, mais aussi pour lui apprendre des choses. J’ai repensé à mes années Mini, j’avais zéro moyen financier, ce qui ne m’avait pas empêché d’être performant, mais en sortant de mes trois ans de Mini, je n’avais toujours pas un rond et pas beaucoup d’opportunités de naviguer sur d’autres supports. Je me suis dit que si je pouvais aider un jeune talent en créant cette opportunité, ça serait sympa. Je ne voulais pas non plus un débutant pour tout lui apprendre. En tout, on a eu 59 candidats, on en a vu 6 en entretien, Carlos est assez naturellement sorti du lot, il est déjà très performant, a beaucoup de connaissances techniques, il a déjà deux Mini Transats à son actif à 25 ans, dont une deuxième place, on s’est bien trouvés.
Niji 40, Drheam-Cup et CIC Normandy Channel Race, ta saison est relativement allégée, c’est volontaire ?
Oui, c’est un choix de ma part, j’ai enchaîné beaucoup de grosses courses depuis ma dernière année de Figaro en 2021, plus tout le montage du projet Class40 et tous les travaux qu’on a dû faire sur le bateau depuis sa mise à l’eau. J’ai aussi besoin d’avoir un équilibre familial, d’être présent aussi auprès de ma compagne et de mes enfants qui sont encore assez jeunes, 6 et 8 ans. Avec la Jacques Vabre, la transat du Rorc en janvier et la Niji, j’aurai fait trois transats en six mois, ça veut dire quasiment trois mois d’absence, ça fait beaucoup. C’est aussi une question d’équilibre physique et mental, il faut éviter de trop se surcharger, c’est bien pour moi d’avoir une saison un peu plus light cette année.
“Le Vendée Globe, c’est quoi
si ce n’est pas un challenge ?”
Ton partenaire Snef a annoncé son association dès cette saison avec Teamwork comme co-partenaire du projet Imoca de Justine Mettraux, tu seras co-skipper avec elle du bateau en 2025, peux-tu nous expliquer comment ça s’est fait ?
Avec Snef, on avait un engagement en Class40 sur deux ans, 2022 et 2023. Au moment de le renouveler pour 2024, je leur ai demandé l’été dernier ce qu’ils voulaient faire pour la suite et notamment s’ils souhaitaient qu’on réfléchisse à un éventuel engagement sur le Vendée Globe 2028. Comme ils ont beaucoup aimé le passage du Figaro au Class40, qui a été très bénéfique pour eux comme pour moi, dans cet élan positif, ils m’ont dit que ça les intéressait d’étudier cette possibilité. On a alors regardé quelles pouvaient être les manières d’y arriver, les budgets, les bateaux, le timing, sachant que nous étions assez alignés sur le fait de monter un projet ambitieux sportivement. Assez vite, ils ont vu que c’était un gros engagement pour l’entreprise, à la fois sur la durée, parce qu’on était sur un projet de 2025 à 2029, et d’un point de vue budgétaire. A ce moment, comme la direction de Snef connaît bien Philippe Rey-Gorrez, le patron de Teamwork, ils ont échangé sur le sujet du Vendée Globe et il leur a proposé de se joindre au projet de Justine pour mettre un pied dans l’Imoca et voir comment ça se passait.
Ce qu’ils ont accepté facilement ?
Oui, parce que pour Snef, c’est vraiment une bonne opportunité de s’intégrer dans un projet tel qu’ils l’imaginaient, à coût maîtrisé, sachant que Teamwork a déjà beaucoup investi depuis deux ans. C‘est un engagement moins fort qu’un budget de A à Z, avec quand même des retombées intéressantes. C’est aussi une bonne opportunité pour moi, parce qu’ils me renouvellent leur confiance a minima sur la saison 2025 avec Justine, avec des perspectives derrière. Car à l’issue de ces deux ans, ils décideront si, oui ou non, on va ensemble jusqu’au Vendée Globe 2028. C’est un vrai galop d’essai, avec deux possibilités après 2025 : soit on continue en Imoca jusqu’au Vendée parce qu’ils ont été convaincus et qu’on aura trouvé les moyens de faire le montage budgétaire, soit ils estiment que c’est trop et on restera en Class40 pour la Route du Rhum 2026.
Tu vas naviguer en Imoca dès cette saison ? Et connais-tu bien Justine ?
Comme les choses se sont décidées assez vite et dernièrement, le but est que je ne modifie pas ce que j’avais prévu cette saison en Class40, mais que je commence à intégrer l’équipe de Justine pour faire connaissance avec elle et le bateau. De façon à ce qu’on débute la saison 2025 tous les deux dans la position de co-skippers, même si elle aura forcément beaucoup plus d’expérience que moi sur le support. Je vais donc faire des stages d’entraînement et des convoyages avec elle avant son Vendée Globe, je serai dans une optique d’apprentissage, mais aussi de l’aider dans sa préparation. Sinon, on se connaît, oui, on a été concurrents en Figaro, je sais que c’est une fille très sérieuse, bosseuse, très droite et juste, j’apprécie bien le personnage.
Ne pas faire le Vendée Globe serait-il un manque dans ta carrière ?
Non, je ne me dis pas ça. Avant d’être un compétiteur ou régatier, je suis un passionné, j’ai découvert la voile par le challenge sur le voilier de croisière de mon père qui ne s’intéressait qu’à la pêche. A 8 ans, je me suis pris au challenge de tenir la barre le plus longtemps possible ; à 12, de me mettre au mouillage dans les calanques tout seul à la voile, sans le moteur, c’est cette notion qui me plaît, et le Vendée Globe, c’est quoi si ce n’est pas un challenge ? Je pense qu’il me correspond vraiment, c’est une course formidable et ce serait donc génial de le faire. Maintenant, je ne considérerai pas que j’ai raté ma vie de marin si je ne le fais pas, je suis déjà très satisfait de tout ce que j’ai fait jusque-là, que ce soit en Mini, en Figaro ou en Class40, je n’ai pas besoin de ça pour me sentir heureux dans la vie.
Photo : Vincent Olivaud / Groupe Snef