En plaçant trois de ses Class40 aux cinq premières places des Sables-Horta – dont Aïna, vainqueur de la seconde manche quelques semaines après sa mise à l’eau -, l’architecte Sam Manuard confirme son influence dans la série. Entretien avec un designer-navigateur éclectique, installé depuis peu en Bretagne, et qui ambitionne de dessiner à court terme son premier Imoca.
Sam, quel bilan tires-tu de cette 6e édition des Sables-Horta, remportée par Talès II (Pablo Santurde-Gonzalo Botin), qui précède de seulement 13 minutes Imerys (Phil Sharp-Corentin Douguet-Adrien Hardy) ?
La course a montré que les différences entre les bateaux bien menés sont minimes : elles se font à la marge, sur une panne électrique ou un problème de voile – et ce n’est pas la première fois que l’on voit ça en Class40. La victoire d’Aïna dans l’étape retour est une belle satisfaction, dans la mesure où le bateau a été mis à l’eau mi-juin : Aymeric Chapellier et Arthur Le Vaillant ont navigué une fois en baie de Quiberon et effectué le convoyage entre La Trinité et Les Sables d’Olonne avant de prendre le départ de la course ! Ils ont fini la préparation du bateau pendant la première étape…
Quelles sont les évolutions dont a bénéficié Aïna ?
C’est le huitième Mach 40 mis à l’eau depuis 2011 et le troisième issu du second moule, après V & B et Eärendil. On a cette fois particulièrement travaillé le profil du voile de quille, les safrans et la répartition des ballasts et le bateau bénéficie d’une nouvelle motorisation. La jauge de la Class40 est très bien faite, et c’est tout son intérêt : elle interdit tous les artifices architecturaux, comme les quilles pendulaires, les dérives ou les foils, et nous oblige à nous concentrer sur les fondamentaux de l’architecture navale, c’est-à-dire l’équilibre subtil entre les forces et les moments. Il ne faut pas non plus oublier qu’un bateau, c’est un architecte et un chantier, et, là, on a clairement une bonne collaboration avec JPS ; c’est un chantier où les gens naviguent et apportent des idées. Les coureurs viennent nous voir pour cette symbiose-là.
Penses-tu qu’il faille faire bouger la jauge des Class40 ?
Fondamentalement, la jauge est géniale : elle permet de concevoir des bateaux de course intéressants à des coûts économiques. Mais aujourd’hui, tous les architectes tendent vers le même optimum de jauge, donc je pense qu’à terme, la question de son évolution, par petites touches, sans déstabiliser la flotte, se pose. La Class40 réfléchit à différentes voies, comme par exemple baisser la masse minimum des bateaux [4,5 tonnes aujourd’hui, NDLR] puisque tous les bateaux sortent au poids minimum ou rallonger les bout-dehors pour bénéficier de plus grands spis. Cela permettrait de gagner en vitesse, en sensations, en plaisir.
Faut-il autoriser les foils ?
Aujourd’hui, je ne pense pas. Le gap est trop important en termes de coût, de complexité et de structuration de la classe. Ce serait un tout autre concept de bateaux, qui empêcherait les amateurs éclairés de venir à la classe. Les bateaux conçus avec l’actuelle jauge vieillissent bien : c’est la quatrième saison d’Imerys qui finit 2e au général [ancien GDF-Suez mis à l’eau en 2013, NDLR] ! Je pense que si la Class40 se développe, c’est parce que les bateaux perdent peu de valeur.
Après les Minis 6.50 et les Class40, ne souhaiterais-tu pas dessiner un Imoca ?
C’est clair que j’ai la volonté d’accéder à cette classe-là et j’ai bon espoir d’y arriver, même si rien n’est fait [Sam Manuard a été aperçu naviguant avec Jean-Pierre Dick a plusieurs reprises, NDLR]. Cela mettrait un peu de piment à la classe ! Sur ce type de projet, je travaille avec la même équipe avec qui nous avons porté le projet de monocoque à foils de 100 pieds pour Ryan Breymaier et Renaud Laplanche [abandonné depuis, NDLR] et candidaté pour le prochain monotype Volvo : KND-SailingPerformance pour les VPP et la CFD, Pure pour les calculs de structure et Nat Shaver (ex Groupama Team France) pour les foils.
Suis-tu les évolutions des Minis ?
J’ai un peu perdu le contact, mais j’ai l’impression que ça repart un peu, avec des protos Lombard, Bertrand… Il faut que je m’y remette !