Comment t’est venue l’idée de cette nouvelle course ?
C’est une idée qui est dans l’air depuis pas mal de temps dans l’univers de la Class40 [il y a eu deux précédents de tour du monde, la Portimao Global Ocean Race en 2008-09 et la Global Ocean Race en 2011-12, remportés par le Belge Michel Kleinjans puis l’Allemand Boris Herrmann, NDLR] et qui s’est cristallisée au fur et à mesure dans mon esprit. Il y a deux ou trois ans, j’étais plus réservé, mais j’ai vu monter cette envie, j’avais notamment été frappé lors de l’assemblée générale de la classe il y a un an et demi de voir que c’était l’un des sujets principaux évoqués par les coureurs. Ça correspond aussi à un cheminement personnel, je trouve intéressant d’avoir un projet de cette envergure maintenant, par rapport à tout ce que j’ai pu faire depuis vingt ans. Et c’est très lié évidemment à la Normandy Channel Race qui me met chaque année au contact de la Class40 dont je trouve la croissance assez remarquable. On a quand même eu 400 participants en dix ans, plus de 200 skippers de 17 nationalités différentes. Je pense d’ailleurs qu’une bonne partie du potentiel de la Globe40 se trouve à l’étranger et auprès de publics qui viendront plus pour le parcours que le support, ce ne seront pas forcément que des habitués des courses de Class40.
As-tu planché sur d’autres options, type tour du monde sans escale ou en deux étapes?
Non, pour moi, c’était assez clair qu’il ne fallait pas faire un Vendée Globe bis, qu’il fallait en revanche être en double, parce que ce format fait partie de l’ADN de la Class40. Il fallait aussi un parcours sécurisé et adapté au Class40, qui n’est pas un Imoca, à la fois dans sa forme sportive, avec un mélange d’étapes courtes et d’étapes plus longues, et pas de très grandes étapes dans le Sud, et dans son organisation, avec la possibilité de changer de skippers. Je voulais aussi retrouver une certaine fraîcheur dans la course au large, avec des étapes attractives, un vrai sens du voyage, c’est pour ça d’ailleurs que je me suis permis de faire référence à Moitessier. A 15 ans, je lisais La Longue Route et c’est peut-être parce que je l’ai lu que je suis là aujourd’hui.
Quel accueil ce projet a-t-il reçu auprès des skippers de la classe ?
La Class40 a fait un sondage il y a un mois qui était très encourageant sur l’intérêt du sujet. Plus de 100 skippers y ont en effet répondu et 75% d’entre eux ont montré un intérêt marqué. Et si j’en crois les réactions depuis mardi sur les réseaux sociaux, les marques d’intérêt sont assez fortes, j’ai même deux projets étrangers qui sont déjà sérieusement intéressés, un Américain et un Croate, je pense qu’il va y en avoir d’autres. Le retour est bon parce que c’est un projet raisonnable en termes de parcours et de coûts.
Ce parcours, parlons-en : as-tu des discussions déjà bien avancées avec les différentes escales qui sont présentées, notamment la ville de départ ?
Oui, le sujet principal aujourd’hui concerne la ville de départ et d’arrivée, nous sommes en discussion avec quatre ou cinq villes auxquelles j’ai présenté le projet d’accueillir à la fois le départ et l’arrivée, j’espère pouvoir aboutir rapidement et être en mesure de l’annoncer au prochain Salon nautique.
On connaît tes attaches en Normandie, cette Globe40 pourrait-elle partir d’une ville normande ?
Aujourd’hui, il n’y a pas de lieu qui soit plus privilégié que les autres. La Normandie sera bien entendu dans la boucle des discussions, puisque j’y suis impliqué depuis longtemps, mais il n’y a pas que la Normandie, et il n’y a d’ailleurs pas que la France. Même si je souhaiterais prioritairement partir de France, je n’écarte pas de belles villes européennes si j’ai des propositions intéressantes.
Comment as-tu choisi les dates de la Globe40, qui entrera forcément en concurrence avec certaines courses, comme la Jacques Vabre 2021 ?
J’ai fait une étude météo avec Great Circle et par rapport à la saison cyclonique dans le Pacifique Sud, il fallait être sorti de cette zone en décembre, donc on a bâti le parcours par rétro-planning, on ne pouvait pas partir en septembre-octobre. Pour ce qui est de la concurrence avec d’autres épreuves, en 2021, c’est surtout en fin d’année que sont concentrées les autres courses, comme la Mini-Transat, The Ocean Race, le tour du monde des Ultim en équipage. Je ne me vois pas en concurrence avec ces courses en termes de dates, puisque nous partons fin juin, et parce que les publics sont différents. Pour la Jacques Vabre, je pense que l’impact sera marginal, dans le sens où nous allons chercher un public plus large que le public traditionnel des courses de Class40 en France.
Cela signifie que tu cherches plus une participation internationale ?
Je pense qu’une grande partie des potentiels participants, peut-être 50%, va venir des Etats-Unis, d’Europe du Nord, d’Italie, d’Espagne, pourquoi pas d’Australie et de Nouvelle-Zélande, des gens séduits par le côté aventure humaine de ce projet de tour du monde. Pour beaucoup, ça va être le rêve d’une vie d’aller en Polynésie ou à Ushuaia, de passer le Cap de Bonne-Espérance et le Cap Horn… Il faudra évidemment des professionnels et des noms, parce que je veux que ce soit une vraie course avec de l’intensité sportive, mais, à côté, on trouvera des amateurs-éclairés, des passionnés de mer qui ont déjà de beaux parcours derrière eux, ce sont souvent des chefs d’entreprise d’un certain âge qui vont pouvoir se mobiliser pour au moins une partie du parcours.
Pourquoi avoir fixé une limite minimum à quinze inscrits ?
Parce que je pense qu’il faut donner aux coureurs de la crédibilité sportive. J’avais été au départ de la Global Ocean Race en 2012 à Palma, c’était une belle aventure, mais un départ à six, c’était un peu tristounet. Aujourd’hui, pour séduire les skippers d’un point de vue sportif, mais aussi des collectivités et partenaires, il faut un nombre minimum de bateaux. Quand on voit le succès de la Golden Globe Race qui est un peu extrême, je me dis qu’on est tout à fait en mesure d’avoir 20 à 30 bateaux dès la première édition.
Ton communiqué évoque aussi d’une assistance technique itinérante, peux-tu nous en dire plus ?
Les contours ne sont pas encore clairement définis. Mais ce qui est sûr, c’est que j’ai un lien fort avec le chantier V1D2 pour organiser la Normandy Channel Race à Caen. Marc Lefèbvre [qui dirige le chantier, NDLR] est non seulement un expert des Class40, mais il a aussi fait plusieurs Boc Challenge, il a l’expérience de la logistique autour du monde. L’objectif est que l’organisation soit assez impliquée, parce que nous nous adressons à des teams qui, par nature, n’ont pas des soutiens techniques importants. Ce sera très probablement une aide en matériel de rechange, un ou eux experts avec nous en permanence, un travail en amont de repérages dans les villes pour identifier les chantiers et professionnels. On va être très actifs là-dessus. C’est un point-clé, parce que c’est important que le même nombre de bateaux puisse repartir à chaque escale. Nous allons aussi être actifs pour ce qui est de la logistique au niveau des hébergements et de la restauration, en proposant des packs pour avoir une vie groupée pendant tout l’événement.
Parlons pour finir de budget : concrètement, combien cela coûtera-t-il à un équipage de s’aligner sur la Globe40 ?
Les droits d’inscription se montent à 15 000 euros HT, ce qui paraît raisonnable pour neuf mois. Après, le montant global dépend de beaucoup de choses : est-ce que tu es propriétaire ou locataire du bateau ? Qu’est-ce que tu investis en voiles et en matériel ? Est-ce que tu te paies ? Mais je dirais qu’un amateur-éclairé propriétaire de son bateau peut faire le tour avec 50 000 à 100 000 euros, c’est un investissement assez modeste.
Et quel serait le budget de l’épreuve ?
On vise un budget entre 1,5 et 2 millions d’euros (HT) qui reposerait sur quatre ensembles de financement : la ville de départ/arrivée, les autres escales, les inscriptions et les partenaires privés. Le point-clé qui permet d’enchaîner le reste est aujourd’hui cette ville de départ/arrivée, l’autre priorité étant de créer une émulation sportive pour avoir rapidement une liste de projets susceptibles de transformer leur intérêt en inscription.