Vainqueurs de la première étape et troisièmes de la seconde qui a vu la victoire de Xavier Macaire et Morgan Lagravière (Groupe Snef), Alberto Bona et Pablo Santurde (Ibsa) ont remporté l’édition 2023 des Sables-Horta devant Groupe Snef et Amarris (Achille Nebout et Gildas Mahé). Tip & Shaft tire les enseignements de l’épreuve avec son directeur de course, Denis Hugues, son consultant météo, Christian Dumard, ainsi que les skippers Axel Tréhin et Corentin Douguet.
Cette 9e édition des Sables Horta s’est courue en très grande partie au portant, tant à l’aller qu’au retour, ce qui a permis aux vainqueurs, Alberto Bona et Pablo Santurde, de passer, pour la première fois de l’histoire de l’épreuve, sous les dix jours au cumul des deux étapes. “C’était une course de glisse, on le voit sur les vitesses, entre le record des 24 heures battu sur la première étape, mais aussi des chronos records sur la deuxième étape (4 jours 11 heures) et l’épreuve”, confirme Denis Hugues.
Les Sables Horta ne s’est pour autant pas résumée à de la vitesse, le directeur de course évoquant également “une course plus tactique que stratégique“. Ce que confirme Christian Dumard : “Il n’y avait pas de grandes options, mais beaucoup de placement pour aller chercher un peu plus de vent que les autres. A l’aller, Alberto et Pablo ont plongé un tout petit peu plus sud que leurs concurrents au DST du cap Finisterre, un petit décalage payant. Ça a été la même chose au retour, Achille (Nebout) et Gildas (Mahé) sont arrivés à Ouessant avec 28 milles d’avance mercredi matin grâce à une route plus nord ; ensuite, ils ont été moins en réussite le long des côtes bretonnes, ils ont été à contretemps, ce dont ont bien profité Xavier (Macaire) et Morgan (Lagravière).”
Reste que pour être dans le coup à ce stade de la course, il fallait être aux avant-postes, donc rapide. A ce jeu-là, Axel Tréhin, qui n’a pu participer à la course à cause d’une blessure au genou et parce que des problèmes de quille ont été décelés sur les Max 40, constate que “les écarts sont finalement assez minimes avec des bateaux pourtant différents“. Il ajoute : “Chacun a ses points forts et ses points faibles, si bien que quand tu te fais avoir parce que tu es sur ton point faible, tu sais qu’à un moment, ça peut tourner. Donc la différence se fait avant tout sur ta capacité à bien utiliser ton propre bateau.”
Le Mach 40.5 plus polyvalent
De son côté, Corentin Douguet, qui était à bord de Legallais sur la première étape, Mach 40.5 (plan Manuard) que loue Fabien Delahaye en attendant la livraison de son Lift V2 (Lombard) fin août, voit dans l’épreuve “plus des confirmations que des nouveautés”. “C’était une course avec beaucoup de portant et un range de vent où le Pogo S4 (plan Verdier) est très à l’aise, à savoir du médium, 15-20 nœuds.” Ce qui explique en partie le retour en fin de deuxième étape de Groupe Snef, et, ajoute Axel Tréhin, ceux de Sign for Com (Melwin Fink/Estelle Greck) et Everial (Erwan Le Draoulec/Tanguy Leglatin), “les seuls à avoir gagné plusieurs places dans la dernière journée.”
En revanche, poursuit Axel Tréhin, “le Pogo S4 est le moins facile à mener au portant fort dans la mer”. Des conditions dans lesquelles les Lift V2 (Lombard), réputés jusqu’ici surtout performants au reaching et au près, “arrivent aussi à bien s’en sortir”, selon Corentin Douguet. “On l’a vu sur la deuxième étape avec Achille et Gildas sur la route nord : à des angles lofés, ils étaient vraiment très à l’aise.”
Finalement, la victoire est revenue à un Mach 40.5, “le bateau le plus polyvalent de la bande, qui n’a pas vraiment de trous“, poursuit le Nantais. Ce que confirme Axel Tréhin : “Le Mach 5 a des qualités qui se rapprochent de nos plans Raison avec notamment une capacité à bien passer dans la mer, même si ce n’est sans doute pas aussi bien que les Max 40. Il est en revanche plus puissant car plus large à l’avant, ce qui lui permet de démarrer un peu plus tôt au planning et de s’arrêter un petit peu plus tard, on est dans le compromis entre les plans Raison et les Lift qui ont plus de volume à l’avant et des carènes très tendues qui les rendent très à l’aise au reaching.”
Pablo Santurde, monsieur Class40 !
Ibsa a au passage battu en fin de première étape le record de la distance parcourue en 24 heures en Class40 (430,47 milles, à 17,93 nœuds de moyenne), améliorant de deux milles le précédent chrono de Crédit Mutuel sur la même course il y a deux ans. Pas vraiment une surprise pour nos experts. “Ils avaient identifié avant le départ qu’ils allaient avoir des conditions pour éventuellement battre le record”, explique Christian Dumard. Qui ajoute : “Il y a de quoi aller plus vite, ils n’ont pas eu 24 heures optimales d’affilée, plutôt une vingtaine, ils sont capables de gagner 10 milles sans trop de difficultés.” Corentin Douguet voit même plus loin : “Si on veut vraiment s’attaquer à ce record en n’allant chercher que ça, je pense qu’on peut tenir 20 nœuds de moyenne et se rapprocher des 500 milles.”
Ibsa s’adjuge à la fois un record et la victoire, récompensant deux marins, Alberto Bona (37 ans) et Pablo Santurde (36 ans), “qui se sont bien trouvés”, selon Denis Hugues. Le premier, Italien passé par la classe Mini puis le Figaro, semble prendre une autre dimension en Class40 : huitième de la Route du Rhum avec un bateau tout juste mis à l’eau, il a depuis remporté la Caribbean 600, terminé troisième du Défi Atlantique puis sixième de la CIC Normandy Channel Race.
Il était en outre accompagné d’un co-skipper espagnol qui, “quand tu le mets sur un bateau, ça va plus vite, surtout si c’est sur un Class40“, selon Corentin Douguet. Son palmarès parle pour lui : en 30 courses en Class40, il a signé 26 podiums dont 16 victoires ! Au point qu’Axel Tréhin ajoute : “Quand il a été question au sein de la classe de créer un prix pour valoriser le meilleur équipier, on a proposé de le baptiser le trophée Pablo Santurde !“
Pour Denis Hugues, “Pablo est une machine de guerre, il a un sens tactique très développé, il a fait du dériveur et du J80 au top niveau, et même si ce n’est pas une bête de muscles, il est infatigable, solide et très agile. Il s’est très bien entendu avec Alberto, attention à eux sur la Transat Jacques Vabre !” Une transat en double pour laquelle le trio de tête des Sables-Horta semble avoir pris rendez-vous. “On les a toujours vus aux avant-postes, confirme Christian Dumard. Si tu rajoutes quelques plans Raison, comme celui de Ian Lipinski qui a fait un super début de saison, plus Ambrogio Beccaria, et deux ou trois autres duos qui n’étaient pas là ou pas sur leur bateau, ça fait une douzaine de candidats à la victoire sur la Jacques Vabre.”
Photo : Vincent Olivaud / Les Sables-Horta-Les Sables