Lorient Agglomération et K-Challenge ont officialisé mardi un partenariat qui comprend un soutien au défi français Orient Express Racing Team engagé sur la 37e America’s Cup, mais également l’accueil, à partir de début 2025 des deux entités de K-Challenge (Racing et Lab) dans le quartier du Péristyle. Tip & Shaft s’est entretenu avec Stephan Kandler, cofondateur de K-Challenge, pour en savoir plus.
► Peux-tu nous raconter comment s’est noué ce partenariat avec Lorient ?
L’idée de K-Challenge dès le début était de créer une entreprise avec deux volets sur le concept de la sport tech. A savoir d’un côté la partie sportive, K-Challenge Racing, qui intègre les deux défis auxquels on s’attaque, SailGP et l’America’s Cup, et de l’autre, une filiale, K-Challenge Lab, qui comprend la R&D et tous les actifs, dont l’AC75, l’AC40 et le bateau à hydrogène, mais aussi les logiciels, la simulation numérique et autres. Tout ça s’est construit peu à peu, Accor, via sa marque Orient Express, en plus de soutenir la partie sportive, est devenu actionnaire à hauteur de 25% de K-Challenge Lab [les 75% étant détenus par K-Challenge Racing, propriété de Stephan Kandler et Bruno Dubois, NDLR]. Il fallait trouver un lieu pour s’installer sur le long terme. On a cherché différentes options dès 2023, les discussions se sont intensifiées en septembre avec des villes et régions susceptibles de nous accueillir juste après l’America’s Cup. On a échangé avec les régions Sud-Paca et Occitanie, et bien évidemment avec Lorient et la région Bretagne. Tout s’est accéléré en début d’année et on a abouti à cet accord.
► Qu’est-ce qui a fait la différence en faveur de Lorient ?
D’abord une très grande envie et une rapidité d’exécution de la part de Lorient Agglomération et de la région Bretagne qui a été très solidaire sur le dossier. Tout le monde a bien compris que le fait d’avoir en Bretagne l’équipe française de l’America’s Cup rejaillirait sur toute la région. Ensuite la puissance industrielle dans le domaine de la voile de compétition et de la tech de la Sailing Valley, où nous avons d’ailleurs construit notre AC75 [chez Multiplast, à Vannes]. Et il y a le fait que quasiment 90% des membres de l’équipe vivent dans la région, ce qui, en termes de logistique, n’est pas négligeable. Les autres dossiers sont arrivés un peu plus tard, il y avait plus de handicaps à surmonter et on n’a pas souhaité faire de surenchère.
► Ce partenariat se résume-t-il à un engagement financier de la part de Lorient Agglomération ? Si oui, de quel montant est-il ?
C’est un engagement financier, puisque Lorient Agglomération est fournisseur officiel d’Orient Express Racing Team et apparaîtra à ce titre sur les bateaux. Pour ce qui est du montant, je pense que le maire de Lorient [Fabrice Loher, également président de Lorient Agglomération] s’exprimera prochainement sur le sujet, ce sera public. A côté de ça, l’idée est pour nous d’accompagner le développement digital de la ville de Lorient avec le Lab. On a un grand projet dans le domaine digital dont on vous donnera les contours plus tard.
“Si on gagne, Lorient
disposera d’un avantage”
► Cela veut-il aussi dire que si vous gagnez la Coupe, la 38e édition aura lieu à Lorient ?
Si on gagne, Lorient disposera évidemment, d’un avantage. Après, en cas de victoire, ça deviendra un enjeu national, avec d’autres territoires et partenaires qui pourraient se mobiliser. Donc c’est franchement trop tôt pour se positionner, on n’a pas garanti à Lorient qu’ils auraient la Coupe si on la gagnait. Et quoi qu’il arrive, on y aura notre base.
► Quel va être le timing de cette installation à Lorient ?
Début 2025, on va quasiment reconstruire à l’identique la base que nous avons actuellement à Barcelone. Le Lab va commencer à fonctionner dès la fin de l’America’s Cup avec un petit groupe de personnes chargées de plancher sur la 38e édition, mais aussi sur d’autres projets pour des acteurs qui nous ont d’ores et déjà approchés.
► Quel genre de projets ?
Des projets assez variés, plutôt dans la course au large. Je ne peux pas en dire plus pour l’instant, mais notre concept et notre manière de travailler suscitent de l’intérêt d’autres acteurs du milieu de la course. Une des raisons d’être de K-Challenge Lab, c’est que la plus grande difficulté sur les projets de Coupe, c’est de garder les ingénieurs d’une édition à l’autre. Si on continue sur la prochaine, on aura certainement de quoi les « nourrir », mais pas assez au début pour les avoir à temps plein. Donc l’idée à travers ce Lab est de pouvoir les garder le temps que le futur projet de Coupe passe à la vitesse supérieure. Ce travail, on le fait parallèlement sur la partie sportive, puisque K-Challenge est devenu actionnaire de France SailGP Team. L’objectif est de maintenir l’équipe sportive sur une plateforme d’un niveau équivalent à celui de la Coupe, tout en apportant de la visibilité à nos partenaires dans une période de transition.
“L’America’s Cup nous permet d’avoir
trois démonstrateurs de nos activités de R&D”
► La base de Lorient accueillera-t-elle également les bateaux ?
Oui, bien sûr. Et c’est un gros point fort de la structure. Le gros avantage de l’America’s Cup, c’est qu’elle nous permet d’avoir trois démonstrateurs de nos activités de R&D, l’AC75, l’AC40 et le bateau à hydrogène à foils que nous allons récupérer cet été. Il n’y a pas beaucoup de plateformes aujourd’hui sur lesquelles tu peux travailler sur de la R&D avec une application directe comme on va l’avoir avec nos bateaux.
► Peux-tu nous en dire où en est votre bateau à hydrogène (obligatoire pour chaque défi inscrit sur l’America’s Cup) ?
C’est un bateau dessiné par Philippe Briand et construit dans le chantier San Lorenzo en Italie et qui dispose de la technologie EODev. On a d’abord essayé de le faire en France, mais c’était un peu tard, on s’est donc tournés vers cette solution, sachant que le chantier avait construit un premier prototype pour les Américains [American Magic]. Nous sommes en revanche en train de monter un consortium avec plusieurs entreprises pour préparer une V2 d’un bateau construit en France et livrable en 2025. L’idée est de développer à terme des plateformes de 10 à 30 mètres pour de la plaisance au sens large, privée et professionnelle, et de la proposer à des chantiers qui n’ont pas de connaissance de la partie hydrogène et souhaiteraient l’ajouter à leur catalogue. On est aussi engagés dans un projet de bateau à hydrogène un peu plus gros, à vocation industrielle, avec de gros acteurs dans le domaine de l’hydrogène maritime.
► Que représentent les deux entités de K-Challenge aujourd’hui en termes de chiffre d’affaires ?
Je ne peux pas communiquer de chiffre parce que c’est aujourd’hui très lié à l’America’s Cup et on a des obligations de confidentialité avec nos partenaires, mais c’est de l’ordre de plusieurs dizaines de millions d’euros. A terme, chez K-Challenge Lab, si on considère l’entreprise seule, on sera de l’ordre de 30 à 60 personnes pour un chiffre d’affaires de quelques millions d’euros, sans prendre en compte une campagne de Cup qui est une excroissance. Avec une palette d’activité très large, qui comprendra la location d’infrastructures physiques ou digitales, du conseil en développement de bateau, de la formation…, et pourra répondre aux besoins de différents acteurs de la voile de compétition et de la mobilité maritime.
Photo : K-Challenge / Aurélien Le Bourhis