La publication récente des règles de jauge du futur AC75, voilà deux semaines, est en train d’accélérer les processus de recrutement au sein des design teams des quatre défis qui ont à ce jour fait part de leur intention de participer à la 36e Coupe de l’America, à savoir Emirates Team New Zealand, Luna Rossa, Land Rover BAR et American Magic. Dans les faits, ce mercato a déjà débuté dès l’automne dernier, quelques semaines après la fin de la 35e Coupe de l’America, notamment en ce qui concerne les ingénieurs français, toujours très prisés. Revue de détail.
Nouvelle équipe, nouveau design team, le défi American Magic (ex Bella Mente Quantum), porté par le New York Yacht Club, a pioché à droite à gauche pour constituer son équipe technique. Celle-ci a été placée sous la direction de l’architecte espagnol Marcelino Botin, qui officiait pour Luna Rossa lors de la précédente campagne stoppée net par le challenger italien au printemps 2015. Tout comme l’un de ses associés au sein de Botin Partners, Adolfo Carau, en charge du design team au quotidien au sein du team US. Egalement en provenance de Luna Rossa, l’Italien Giorgio Provinciali, en charge des VPP, a recruté pour le seconder le Français Arthur Rozand, passé par les Suisses d’Hydros Innovation et qui sort d’une expérience au chantier Enata Marine de Dubaï.
Les Français sont d’ailleurs nombreux au sein d’American Magic : beaucoup arrivent également de BMW Oracle Team USA comme Michel Kermarec, véritable légende de la Coupe, qui épaule Marcelino Botin sur les « global concepts », tout en apportant son expertise en matière d’appendices. Autres transfuges d’Oracle : Dimitri Despierres, arrivé mi-octobre, est chargé des systèmes mécatroniques (mécanique, électronique, hydraulique), il est notamment épaulé par Paul-Louis Defrétière, qu’il avait fait venir sur la dernière campagne au sein du team US. Quant à Steven Robert, qui a longtemps collaboré avec Hervé Devaux chez HDS, il travaille aux côtés de l’Américain Kurt Jordan, également en provenance d’Oracle, sur tout ce qui est structure, notamment sur le design des appendices. Enfin, Joseph Ozanne, ancien d’Oracle passé ensuite chez Virtual Regatta, est en charge de la simulation. La présence française est donc forte au sein des bureaux du design team actuellement situés à Santander, dans la même ville que ceux de Botin Partners, avant un déménagement prochain sur la côte Est des Etats-Unis…
Des Français, il y en a aussi en nombre chez Luna Rossa, six si l’on en croit le patron franco-allemand du design team du challenger of record, Martin Fischer, qui s’inclut dans le décompte. Preuve que ce mercato des designers est un sujet actuellement sensible, lorsque nous l’avons sollicité pour connaître le nom de ses compatriotes, ce dernier nous a fait savoir poliment qu’il ne pouvait pas les dévoiler : “Il y a des gens qui sont nouveaux dans le monde de la Coupe et donner leur nom pourrait donner trop d’informations sur la structure de notre design team”.
Reste que certains sont connus, la plupart faisaient déjà partie de l’aventure lors de la précédente campagne, de Luna Rossa. C’est le cas de Francis Hueber, intervenant extérieur sur toute la partie études aérodynamiques et hydrodynamiques numériques avec sa société Caponnetto-Hueber, lancée en 2017 avec Mario Caponnetto – ce dernier s’occupant en plus de la conception des appendices au sein du design team italien. Egalement de la partie, un ex de Luna Rossa, passé, comme Martin Fischer, par Groupama Team France lors de la campagne précédente avant de revenir au bercail : Gwénolé Bernard(gréement), qui finit actuellement une pige chez MerConcept pour le trimaran Macif. Autre ancien de GTF, Mathieu Durand (spécialiste de la FSI, interaction fluide-structure), a lui aussi signé avec les Italiens, tandis que Davy Moyon, après une expérience d’un peu plus de deux ans avec Emirates Team New Zealand, fait son retour au sein du défi italien où il a déjà travaillé deux ans. Tout ce petit monde va s’installer progressivement à Cagliari, la base du défi transalpin.
Du côté de Land Rover BAR, le principal changement est l’arrivée à la tête du design team du Néo-Zélandais Nick Holroyd, qui occupait le poste de directeur technique chez SoftBank Team Japan. En attendant de probables renforts, les “Frenchies” de la précédente campagne sont restés : Michel Marie, l’un des managers du défi anglais, en charge notamment de la construction des bateaux, Philibert Chenais, qui s’occupe de la coordination du groupe chargé de la modélisation 3D et des plans de fabrication, au sein duquel travaille également Benjamin Vernières. Benjamin Muyl, ex chief designer, joue désormais le rôle d’agitateur d’idées auprès de Nick Holroyd, et Antoine Guillou, collaborateur de Benjamin Muyl Design, poursuit son travail sur les VPP.
Enfin, chez Emirates Team New Zealand, la présence française est pour l’instant incarnée par Guillaume Verdier, entouré d’une partie de son équipe, membre stratégique du design team dirigé par Dan Bernasconi. La jauge de l’AC75 désormais connue, une phase de recrutements plus ciblés est en cours – il faut en particulier s’attendre au grand retour des voiliers dans la Coupe, les traditionnels designers de voile ayant été beaucoup moins sollicités avec les AC50 à aile rigide. Les négociations risquent de s’intensifier puisque, pour les quatre défis, il s’agit de livrer un premier bateau au printemps 2019… donc des plans d’ici l’été.