Le Match de la 35e Coupe de l’America a débuté samedi aux Bermudes avec deux premiers duels prévus entre le Defender, Oracle Team USA, et le vainqueur de la Louis Vuitton Cup, Emirates Team New Zealand, le premier à 7 victoires l’emportant. Tip & Shaft présente les forces et faiblesses des deux défis avec l’aide de navigants et techniciens participant à cette 35e édition : Thierry Fouchier et Martin Fischer (Groupama Team France), Julien Cressant (Artemis), Dimitri Despierres (Oracle Team USA) et Philibert Chenais (Land Rover BAR).
- Le bateau : avantage Emirates Team New Zealand. Avec son système de grinders cyclistes, Emirates Team New Zealand a le bateau le plus rapide de la flotte de la 35e Coupe de l’America, jugent nos experts. Un système qui présente deux avantages : “Il n’y a que trois équipiers qui pédalent, parce qu’ils produisent plus d’énergie qu’avec quatre paires de bras, explique Martin Fischer, l’un des designers de Groupama Team France. Du coup, le quatrième, Blair Tuke, ne pédale quasiment jamais et gère la hauteur de vol, alors que sur les autres bateaux, c’est le barreur qui s’occupe du rake, ce qui demande beaucoup de concentration. Peter Burling est donc beaucoup plus libre, il navigue pratiquement comme sur un bateau normal.” Second avantage : alignés, les grinders génèrent moins de traînée aéro que les équipiers debout ou assis sur Oracle. L’autre grande originalité kiwi tient au réglage de l’aile : “Ils utilisent pour l’écoute un vérin que le régleur actionne avec un joystick, pas avec un winch comme sur Oracle. Comme il n’a pas besoin de border, il peut être assis très bas dans le cockpit, ce qui diminue le fardage aérodynamique, très important sur ces bateaux”, poursuit Martin Fischer, qui estime que les conditions météo ne seront pas forcément déterminantes. Au contraire des autres experts qui donnent l’avantage aux Kiwis dans le petit temps : “Dans 6 à 9 nœuds, Team New Zealand est plus à l’aise qu’Oracle”, affirme Philibert Chenais. Et c’est justement du petit temps qui est annoncé pour samedi… “Dans 7 à 9 noeuds, ETNZ a un petit plus, reconnaît Dimitri Despierres ; en-dessous, c’est kif-kif. Au-delà, vers 13-14 noeuds, il n’y a pas photo, on va mieux.“
- L’équipage : avantage Oracle Team USA. Si les Néo-Zélandais possèdent a priori la meilleure machine, les Américains semblent davantage en maîtriser la conduite, grâce à une organisation à bord mieux rodée. “Sur Team New Zealand, ils n’ont pas vraiment de tacticien, c’est Peter Burling qui s’en charge, car Glenn Ashby s’occupe surtout du réglage de l’aile, alors que sur Oracle, Tom Slingsby fait la tactique. Je pense que la paire Spithill/Slingsby est plus à l’aise en match-race, avec beaucoup plus d’expérience que le couple Burling-Tuke”, explique Philibert Chenais. Julien Cressant ajoute : “Les Américains sont très forts et très agressifs sur les départs et dès qu’on met la pression sur les Néo-Zélandais, ils ont plus de mal.” Thierry Fouchier modère : “James Spithill aura face à lui une équipe plus solide qu’en 2013, parce que les Néo-Zeds sont plus encadrés, avec des coaches comme Ray Davies et Murray Jones qui s’occupent de la cellule arrière du bateau. Et puis, Peter Burling me paraît plus insouciant et libéré que Dean Barker la dernière fois.” Oracle, vainqueur des deux duels des Qualifiers, a-t-il un avantage psychologique ? “Cela renforce la confiance. Mais on a gagné sur des erreurs de part des Kiwis, ils en feront moins lors des matchs de la Coupe”, répond Dimitri Despierres.
- And the winner is… Au moment de pronostiquer l’issue du duel, tous s’attendent à un match très serré, rares sont ceux qui osent avancer un score. Fort de son expérience avec Artemis, Julien Cressant – comme Thierry Fouchier – donne cependant l’avantage au bateau le plus rapide, expliquant : “Si on avait eu un bateau à vitesse égale, on aurait gagné haut la main la finale de la Louis Vuitton Cup contre ETNZ ! On a pris le meilleur départ six fois sur sept, cela veut dire que le bateau le plus rapide, même en partant de derrière, arrive à gagner.” Une chose est certaine, pour nombre de nos interlocuteurs, notamment les Français, la raison penche pour Oracle : “Ce serait plus compliqué de repartir sur une nouvelle Coupe en cas de victoire des Kiwis qui n’ont pas signé le Framework Agreement et n’ont rien annoncé de ce qu’ils feraient en cas de victoire”, confirme Thierry Fouchier. Alors que le yacht d’Ernesto Bertarelli, Vava, vient d’arriver aux Bermudes – et pas pour y inviter Russell Coutts à boire une bière… – la rumeur court que les Italiens de Prada, qui ont jeté l’éponge en cours de route sur fond de désaccord avec les organisateurs, pourraient devenir challengers officiels en cas de victoire néo-zélandaise…