Orient Express Team

Comment le défi Orient Express Team a vu le jour

Il y avait du (beau) monde jeudi à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine à Paris pour la conférence de presse de présentation du défi Orient Express Team qui représentera la France lors de la 37e Coupe de l’America en septembre 2024 à Barcelone. Tip & Shaft vous raconte comment ce projet, lancé par Stéphane Kandler et Bruno Dubois et soutenu par le groupe Accor, a été mené à bien.

Tout a commencé lors de la 36e Coupe de l’America : devant sa télévision, Stéphane Kandler qui, en 2001, avait lancé K-Challenge, projet qu’il mènera jusqu’à la Coupe de l’America 2007 (sous le nom d’Areva Challenge), a du mal à cacher une certaine excitation. “Je me disais en regardant les régates qu’on n’avait pas de complexes à avoir en France et, surtout, qu’on avait les moyens de faire au moins aussi bien que les concurrents de Team New Zealand.”

Son activité sur les réseaux sociaux n’échappe pas à certains, notamment à Bruno Dubois, team manager du dernier défi français en 2017, Groupama Team France, et qui occupe le même poste à la tête de l’équipe française de SailGP. “Je l’ai appelé en lui disant que ça faisait longtemps que je ne l’avais pas vu aussi excité par la Coupe, il m’a répondu qu’il avait envie d’y retourner. Comme c’était mon cas aussi, on a commencé à discuter du projet.”

On est alors au début de l’été 2021. Stéphane Kandler pose cependant “une condition sine qua non” avant de se lancer, celle d’être sûr d’avoir un bon bateau“. Et l’intéressé de poursuivre : “J’ai appelé Team New Zealand, avec qui j’avais gardé de bons contacts, pour savoir s’ils étaient d’accord pour nous aider, ils ont été tout de suite très réceptifs. J’ai aussi beaucoup parlé avec Guillaume Verdier [membre du design team des Kiwis, NDLR] que j’avais lancé sur la Coupe en 2007, il m’a donné sa vision des choses et m’a mis en contact avec Benjamin Muyl.

 

L’équipe se met au travail en mars 2022

 

Ce dernier, architecte qui a collaboré avec Guillaume Verdier et sort tout juste de quatre années au sein du défi anglais Ineos Team UK, mord à l’hameçon : “Je venais de terminer ma cinquième Coupe, je n’avais pas vraiment envie de remettre le couvert, sauf si c’était un projet français.” A l’automne, sont également approchés Franck Cammas et Dimitri Despierres, ingénieur habitué de la Coupe qui vient alors de resigner avec American Magic, à qui est proposé un poste de directeur technique. Côté navigants, si rien n’est encore véritablement lancé, Bruno Dubois évoquera plus tard le sujet auprès de Quentin Delapierre, intronisé en octobre 2021 skipper de l’équipe française de SailGP.

Reste, avant de réellement lancer la machine, le nerf de la guerre, l’argent ! Stéphane Kandler se met en recherche active de partenaires, il entame début 2022 des discussions avancées avec un investisseur privé, d’accord pour nous avancer les fonds en attendant qu’on trouve les partenaires”. Le duo Kandler-Dubois décide alors – “parce qu’on voulait mettre en place tout ce qui était méthodologie et organisation pour être prêts au moment où les financements allaient arriver”, précise Stéphane Kandler – de lancer officiellement l’équipe K-Challenge Team France, dont ils sont copropriétaires à parts égales. Une équipe se met en place début mars 2022 autour de Benjamin Muyl, Franck Cammas, Dimitri Despierres, Francis Hueber… soit une petite vingtaine de personnes, dont les salaires sont assurés, en attendant l’argent promis par l’investisseur, par les fonds propres de Stéphane Kandler et l’arrivée d’un premier partenaire, K-Way.

Avec une priorité : acquérir le « package design » de l’AC75 de Team New Zealand“Au fur et à mesure que le temps passait et que les financements tardaient à arriver, cette solution s’est imposéeexplique Benjamin Muyl. D’autant qu’ils venaient de remporter deux coupes d’affilée !” Le contrat avec les Kiwis est signé fin juin, en même temps qu’est officiellement déposé le défi français auprès du Royal New Zealand Yacht Squadron, le yacht-club du defender néo-zélandais.

 

Un investisseur s’en va, un partenaire arrive

 

Mais à peine deux semaines plus tard, le bel édifice s’écroule quand l’investisseur annonce à Stéphane Kandler qu’il se retire ! “On était engagés contractuellement avec pas mal de gens, mais on n’avait plus de quoi les payer, il a fallu leur demander de tenir deux, trois ou quatre mois, ça a été chaud, raconte Bruno Dubois. Je me suis posé beaucoup de questions mais je n’avais pas complètement fait le deuil du projet car je connais Stéphane, je savais qu’il ne lâcherait pas.” Fin septembre, les deux hommes doivent se résoudre à mettre un terme aux contrats. La situation n’échappe pas aux concurrents et ils sont plusieurs à quitter l’équipe, certains pour d’autres défis, comme Dimitri Despierres, Laurent Chatillon et Antoine Connan (American Magic) ou Sebastian Zarate (Ineos Britannia).

Un mois plus tard, nouveau rebondissement, raconté par Stéphane Kandler : Olivier Pécout, avec qui je travaillais pour convaincre des partenaires, a eu l’occasion de discuter avec Sébastien Bazin, il m’a mis en relation.” Sébastien Bazin, qui n’est autre que le PDG du groupe Accor, géant mondial de l’hôtellerie, poursuit : “On était avec Olivier Pécout dans le train vers Saint-Malo pour se rendre à la Route du Rhum, il m’a parlé du projet de Coupe de l’America, je lui ai dit : « Présente-moi Stéphane. » Déjà approché avant la 35e Coupe par le trio Franck Cammas-Michel Desjoyeaux-Olivier de Kersauson – “ce n’était pas le bon moment” -, Sébastien Bazin voit cette fois-ci une vraie cohérence dans le partenariat, d’autant que quelques mois plus tôt, le groupe a passé commande aux Chantiers de l’Atlantique, pour sa marque Orient Express, de deux paquebots de luxe géants à voiles (Silenseas), qui seront livrés en 2026 et 2027.

“Le fait d’avoir cette marque, Orient Express, devenue légitime dans le monde de la mer avec ces projets, le côté international de la Coupe de l’America, son retour en Europe, l’ouverture de la Coupe aux femmes et aux jeunes” convainquent le patron du groupe Accor de donner son go, un mois seulement après avoir entendu parler du projet“J’étais au Yacht Racing Forum à Malte (fin novembre) quand Stéphane m’a appelé pour me demander si j’étais disponible le lendemain pour une visio avec Sébastien Bazin. Une semaine plus tard, on s’est rencontrés à Paris et c’était bon ! Ça s’est fait très simplement, un peu à l’ancienne, sourit Bruno Dubois.

 

SailGP France également soutenu par Accor

 

Les droits d’inscription enfin versés, l’Orient Express Team, nom officiel du défi, est officiellement accepté par le defender. Les téléphones recommencent alors à chauffer pour reconstituer une équipe s’appuyant, en plus du duo Kandler-Dubois, sur Benjamin Muyl, responsable du design team, Franck Cammas, en charge de la performance, et Quentin Delapierre, confirmé comme skipper. Louis Viat est recruté comme chef des opérations – il entrera officiellement en fonction en avril -, Antoine Carraz, venu de MerConcept, nommé directeur technique (il débutera fin février), Thierry Douillard coach, l’objectif à terme étant de monter une équipe d’environ 70 personnes, selon Stéphane Kandler.

Pas question non plus de traîner pour la construction du futur AC75, qui débutera en mai, confié à Multiplast (coque) et CDK Technologies (mâts), tandis que MerConcept sera également sollicité et que les voiles seront fabriquées par North Sails. Cet unique AC75 sera mis à l’eau en mai 2024, et d’ici là, l’équipe française espère louer un bateau de la dernière Coupe pour naviguer l’hiver 2023-2024. Elle recevra par ailleurs son AC40 l’été prochain, sur lequel elle pourra commencer à s’entraîner, et qui sera le support de la Women’s et de la Youth America’s Cup, deux compétitions auxquelles chaque défi inscrit se doit de participer.

Ces deux projets sont délégués à l’association Team France, des annonces sont attendues très prochainement sur la participation d’équipages sous la bannière Orient Express Team à des circuits volants, ETF26 Series, GC32 Racing Tour ou 69F Cup. Quant à Quentin Delapierre, il continuera en parallèle à mener l’équipe française de SailGP, également soutenue par le groupe Accor, mais sous la marque de son programme de fidélité, All.com. “Avec l’arrivée d’Accor, qui est sur ce projet un partenaire de rang 2, et d’autres comme ICM.com, nous avons à peu près la moitié du budget de l’équipe, explique Bruno Dubois.

Le budget du projet Coupe ? Il n’a pas été dévoilé, Sébastien Bazin répondant : “On sort du partenariat avec le PSG, c’est très en deçà de ça !” A-t-il l’intention de s’investir dans la durée, gros handicap des projets français ces trente dernières années ? “Si on commence à faire un bout de chemin ensemble, il n’y a pas de raison d’arrêter”, répond le patron du groupe Accor.

Photo : Orient Express Team

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