AC75 : ce qu’en disent les designers

La présentation, images en 3D à l’appui, du futur AC75, sur lequel sera couru la 36e Coupe de l’America en 2021, a surpris le monde de la voile la semaine dernière. Fruit d’une collaboration entre les design teams du defender, Emirates Team New Zealand, et du challenger of record, Luna Rossa, cet AC75 – un monocoque en vertu d’un accord conclu entre les deux parties avant la dernière Coupe en cas de victoire des Kiwis – a fait l’objet au cours des dernières semaines de nombreuses études. Toutes les options ont été étudiées : des plus classiques aux plus extrêmes en passant par des évolutions des actuels TP52 ou Maxi72, avant que le choix ne se porte sur ce plan.

Les dimensions ? Elles seront dévoilées dans les règles de jauge présentées le 31 mars 2018. On ne connaît pour l’instant que la taille, 75 pieds (hors-tout, 68 pieds pour la coque). Mais selon nos informations, la largeur de coque devrait être de 5,30 mètres pour un déplacement de 7 tonnes – équipage de 10-12 marins non compris – avec un moment de redressement de 45 tonnes/mètre. Enfin l’éventualité d’une grand-voile épaisse est à l’étude. La jauge déterminera également quels éléments seront monotypes, afin de limiter les coûts (on parle du mât, d’une partie des foils et de leurs systèmes), tandis que liberté sera laissée pour le dessin de la carène. On ne souhaite pas que tous les bateaux se ressemblent comme sur la dernière Coupe, on veut que les différences puissent se voir, pas seulement des experts, explique Martin Fischer, qui travaille désormais au sein du design team de Luna Rossa. Les seules restrictions viseront à ce que les performances des bateaux soient comparables”

Ce plan, s’il paraît révolutionnaire, n’est pas tout à fait nouveau, puisqu’un projet a déjà été étudié par Guillaume Verdier, membre du design team néo-zélandais dirigé par Dan Bernasconi. “Avec le navigateur Ray Davies, nous avions développé ce concept de monocoque doté de foils latéraux lestés pour le proposer à un client privé en Nouvelle-Zélande, on n’a jamais construit le bateau, mais le projet reste en cours”, confirme l’intéressé à Tip & Shaft. “Guillaume Verdier avait déjà bossé sur un projet de 39 pieds et c’est sans doute pour ça qu’ils sont allés dans cette direction, ils ne partent pas de rien, ce bateau a déjà tourné dans leurs modèles, c’est réfléchi”, ajoute Dimitri Despierres, ex d’Oracle, qui comme Joseph Ozanne et Michel Kermarec, s’est récemment engagé avec le défi du New York Yacht Club.

Concrètement, comment marchera cet AC75 ? “C’est un bateau qui a deux modes : classique quand il navigue avec les foils lestés sous le bateau, et au fur et à mesure qu’il accélère, le mode dynamique prend le dessus, les foils permettent de soulever le bateau qui s’appuie ensuite sur le foil sous le vent tandis que l’autre permet de ramener du couple de redressement et de la stabilité en sortant de l’eau au vent, explique Guillaume Verdier. Pour les foils, il y a eu un gros travail de conception avec Bobby Kleinschmidt et Steve Coolie, l’idée était d’avoir un bateau qui ait une stabilité initiale, ce ne sera pas un moth de 75 pieds. L’autre avantage des foils lestés est expliqué par Martin Fischer : Ils font office de quilles basculantes, du coup, le bateau va se redresser tout seul avec les foils s’il dessale”.

Le concept, s’il demande à être affiné, semble en tout cas séduire : “Nous avions un peu peur qu’ils aillent vers quelque chose de traditionnel ou de plus bâtard avec une quille et des foils comme on le voit en Imoca. Là, c’est vraiment excitant, on part d’une feuille blanche, l’enjeu dans le processus de design va être de simuler pour comprendre comment le bateau va voler et identifier ainsi les directions et les différenciations possibles”, confirme Philibert Chenais, design engineer chez Land Rover-BAR. Même analyse chez Dimitri Despierres qui se réjouit du parti pris de l’innovation : “Je suis franchement ravi, c’est plus intelligent d’aller chercher le moment de redressement par de la largeur et les foils, plutôt que de traîner du plomb pour rien. Dans l’évolution technologique, cette voie est totalement logique. Et, à mon avis, cette technologie sera plus facile à transposer sur le bateau de Monsieur-tout-le-monde que ça ne l’était pour les AC50″.

Le mot de la fin est pour Vincent Lauriot-Prévost, cofondateur du cabinet VPLP : “La vidéo est intéressante, parce que c’est tout nouveau, mais je me demande si ce qu’on y voit préfigure ce que ça va être ou si c’est un exemple parmi d’autres. En gros où vont être les contraintes, quels champs d’investigation seront libres, sur quoi on va pouvoir jouer ?”. Réponse le 31 mars au plus tard…

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