La conférence de presse de l’édition 2025 de la Transat Paprec, qui s’élancera le 20 avril de Concarneau, a eu lieu jeudi au siège de Paprec Bretagne au Rheu, près de Rennes. Une transat qui, depuis deux ans, se dispute en double mixte, avec cette année 19 tandems au départ contre 11 en 2023, preuve que le format a trouvé son public.
La Transat Paprec a vécu une petite révolution il y a deux ans lorsque, sous l’impulsion de son nouveau partenaire titre Paprec (engagé pour trois éditions, jusqu’en 2027), l’organisateur OC Sport Pen Duick a instauré le format double mixte obligatoire. 11 duos, soit la plus faible participation de l’histoire de la course en double lancée en 1992, avaient pris le départ en avril 2023, ils seront cette fois 19, à la satisfaction de tous les acteurs de la transat entre Concarneau et Saint-Barthélemy.
“Presque 20 bateaux sur cette édition, c’est une super réussite, se réjouit ainsi Charlotte Yven (Skipper Macif), tenante du titre – elle s’était imposée avec Loïs Berrehar et repart avec Hugo Dhallenne – qui fait partie des quatre femmes présentes il y a deux ans à remettre ça cette année, avec Sophie Faguet, Chloé Le Bars et Pauline Courtois. Cette première il y a deux ans a lancé une très bonne dynamique, elle a donné envie à des navigatrices d’y aller et sans doute décomplexé certains navigateurs sur le fait d’embarquer une fille. Ça a permis de montrer que ça marchait et que la bagarre était au moins aussi intense qu’avant.”
Parmi les navigatrices qui ont été présentées jeudi lors de la conférence de presse, nombreuses ont été celles qui ont reconnu que sans l’imposition du format double mixte sur la Transat Paprec, elles ne seraient pas forcément là aujourd’hui. “Au début, je n’étais pas fan du fait d’imposer la mixité, mais en fait, ça nous ouvre de grandes possibilités“, a ainsi commenté l’Italienne Vittoria Ripa di Meana, co-skippeuse d’Arno Biston sur Article.1 – et responsable gréement et accastillage au sein de l’équipe Imoca Initiatives Cœur. De son côté, la Britannique Ellen Driver, qui fera équipe avec Oliver Hill sur Women’s Engineering Society, s’est réjouie de voir les femmes se voir ainsi “offrir de plus en plus d’opportunités de naviguer à haut niveau“.
Objectif 30 bateaux en 2027
Le Rochelais Alexis Thomas (Wings of the Ocean) qui, grâce à l’arrivée récente d’un nouveau partenaire, va disputer sa première transat en Figaro (avec Pauline Courtois, troisième il y a deux ans en compagnie de Corentin Horeau), ajoute de son côté : “Au début, ça avait un peu surpris tout le monde et le choix avait été un peu délicat sur le côté sportif pour les marins. J’avoue que moi-même, je n’avais pas été forcément emballé, mais en fait, c’est une super opportunité, parce que ça permet de mettre en avant les complémentarités entre filles et garçons – je pense qu’avec Pauline, on l’est tout particulièrement -, et pour la visibilité médiatique d’une course qui cherche à se relancer, c’est une arme en plus.”
Pour le directeur de course Francis Le Goff, “Paprec a été visionnaire, ils ont été leaders dans ce choix très affirmé qui a fait couler pas mal d’encre au démarrage ; ils avaient dit qu’ils se donnaient trois éditions pour prouver que c’était une bonne idée, on est clairement sur la bonne voie“. Responsable des projets voile au sein du groupe Paprec, Stéphane Névé abonde : “La mixité est un paramètre important pour Paprec, dans l’ADN du groupe, on souhaitait la pousser dans le domaine de la voile, on peut très clairement dire que le pari est en passe d’être réussi. On voit aussi qu’un certain nombre de filles, plus qu’il y a deux ans, portent les projets et vont chercher un co-skipper, c’est le signe qu’il y a une bascule, le pari sera vraiment gagné si on a une dizaine de bateaux en plus dans deux ans.”
Un avis partagé par la directrice générale d’OC Sport Pen Duick, Julie Royer Coutts, qui parle de “retrouver des tailles de plateau comme on en a connu aux grandes heures de la Transat AG2R, on doit se fixer un objectif de 30 bateaux en 2027“. Un chiffre atteint seulement deux fois dans l’histoire de la course (31 en 2004 et jusqu’à 42 en 2000). Cet objectif est bien évidemment aussi celui de la classe Figaro Beneteau qui, il y a trois ans, s’était fixé comme stratégie d’attirer de nouveaux arrivants dans une classe qui, année après année depuis le lancement du Figaro 3 en 2019, ne cessait de perdre des concurrents, ce qui n’est plus le cas.
29 bizuths sur 38
D’où le lancement d’un circuit Académie permettant aux néophytes de découvrir le support sur des courses en double ou en équipage, en premier lieu le Tour Voile et le nouveau Défi Paprec, lancé l’an dernier sur la première étape de la Solitaire du Figaro Paprec. “La classe avait un petit côté élitiste qui faisait un peu peur, les jeunes se sentent plus à l’aise d’y arriver sur ces épreuves qui leur mettent le pied à l’étrier et leur permettent ensuite de viser plus haut en s’alignant ur la Transat Paprec ou la Solitaire”, estime son président Jean-Bernard Le Boucher. Au regard du plateau de cette Transat Paprec, qui accueille 29 bizuths sur les 38 participants, cette stratégie semble porter ses fruits, avec un rajeunissement général qui se confirme : le plus âgé des concurrents, Davy Beaudart, fêtera ses 40 ans le lendemain du départ, la plus jeune, Tiphaine Rideau en a 19, et 19 des 38 concurrents ont moins de 30 ans.
“On peut féliciter la classe qui a fait énormément d’efforts pour rouvrir cette classe aux jeunes, commente Sophie Faguet, une des doyennes de la course avec ses 38 ans (elle fera équipe avec Jules Ducelier sur Région Normandie). Je l’ai constaté l’an dernier sur le Tour Voile qui a accueilli beaucoup de nouveaux.” Cela a notamment été le cas du plus jeune duo de la flotte (sur Banques alimentaires), composé de Pier-Paolo Dean (20 ans) et Tiphaine Rideau (19), tous les deux issus de la voile légère. “C’est le Tour Voile qui m’a permis de découvrir la classe Figaro en intégrant le projet de Pier-Paolo, raconte cette dernière. Nous avons ensuite enchaîné sur le Défi Paprec qui est vraiment ce qui nous a donné envie de nous lancer sur la Transat Paprec.”
Parmi les bizuths de la transat, beaucoup viennent par ailleurs de la classe Mini 6.50, dont l’une des courses, la Plastimo Lorient Mini, se dispute également en double mixte depuis 2023 – c’était d’ailleurs la toute première course au large de Tiphaine Rideau il y a un an. “Entre la mixité et l’Académie, la classe et les organisateurs ont réussi à faire venir des skippers d’horizons différents, ce qui m’a laissé plus de choix qu’il y a deux ans au moment de chercher une co-skippeuse, constate Maël Garnier (Selencia Cerfrance), qui a opté pour la Britannique Catherine Hunt. De plus en plus de femmes naviguent et sont dans une dynamique de monter leur projet, ça commence à prendre.” A confirmer dans deux ans.
Un bateau 100% St Barth. Parmi les 19 tandems au départ, celui de Cap St Barth portera les couleurs de l’île d’arrivée, avec aux commandes Cindy Brin, monitrice de voile au Saint-Barth Yacht Club, le club local, accompagnée par Thomas André. Un projet né il y a deux ans, comme le raconte le conseiller territorial David Blanchard : “Elle était présente sur le départ de l’édition précédente avec des jeunes du club, je lui ai dit : “Pourquoi tu n’irais pas ?” Elle n’a pas hésité une seconde et on a réussi à pousser le projet auprès de la collectivité.”
Même si celui-ci a changé en cours de route : “Au début, on devait faire un partenariat et un tandem avec Concarneau, poursuit David Blanchard. On avait évoqué le sujet avec le maire Marc Bigot, qui était très intéressé, mais au fur et à mesure, on n’a plus eu de retour. C’était sans doute plus difficile pour lui de vendre le projet, on a décidé de continuer tout seul, c’est la première fois que la collectivité soutient un projet comme ça, de A à Z.” Pour quel budget ? “De 180 000 à 200 000 euros”, répond l’élu. Qui s’ajoutent à la subvention de 140 000 euros que verse la collectivité à l’organisateur de la Transat Paprec.
Photo : Alexis Courcoux