L’Arkea Ultim Challenge-Brest, inédite course autour du monde en solitaire organisée par OC Sport Pen Duick et la classe Ultim, a fêté le 7 janvier le premier anniversaire de son départ, début 2024. De quoi raviver quelques souvenirs chez les skippers de la classe. “On s’élançait vers énormément d’inconnues, que ce soit au niveau sportif, personnel ou technique”, se souvient Anthony Marchand, qui terminera 4e sur Actual Ultim 3.
Mis à part Tom Laperche, contraint à l’abandon au début du Grand Sud suite à une avarie au niveau du puits de dérive, les cinq autres marins ont bouclé cette première édition, moyennant une ou deux escales (autorisées) pour tous, dans l’ordre Charles Caudrelier, vainqueur en 50 jours 19 heures et 7 minutes, Thomas Coville, Armel Le Cléac’h, Anthony Marchand et Éric Péron. Ce qui fait dire à Anthony Marchand : “C’est un très beau succès sportif pour la classe Ultim. Concernant Actual, même si nous avons effectué deux escales techniques, nous en avons gardé beaucoup de joie et des moments humains bénéfiques pour la suite car cette épreuve a vraiment permis de souder l’équipe.”
Ce défi inédit, véritable challenge humain et technologique pour ses six participants et leurs équipes, était très attendu par les skippers, notamment par Charles Caudrelier (Maxi Edmond de Rothschild), qui rêvait de courir pour la première fois autour du monde en solitaire : “J’ai toujours voulu faire le Vendée Globe, qui me semblait une étape logique dans ma carrière de marin, mais faire un tour du monde en solitaire en multicoque était une consécration. Un projet auquel je n’osais même pas rêver.” Armel Le Cléac’h (Maxi Banque Populaire XI) confirme l’aspect hors norme de cette épreuve : “Même en ayant fait trois Vendée Globe, je savais que c’était une marche beaucoup plus haute. Ces machines sont autant ultimes pour leurs vitesses que dans les émotions qu’elles nous font vivre, car on passe par tous les scénarios. Entre la gestion, la vitesse, le stress et la mécanique, qui peut vite être complexe, cela demande un certain équilibre.”
Un équilibre qui a nécessité un investissement physique et mental de tous les instants, comme le confie Thomas Coville : “Il n’y a pas beaucoup de moments dans votre vie où vous êtes capable de vous engager et de vous livrer autant. On se souviendra toute notre vie de cette course dont on avait rêvé.” Pour le benjamin de l’épreuve (26 ans au moment du départ), Tom Laperche, l’Arkea Ultim Challenge-Brest, malgré l’abandon, reste également “un condensé d’émotions assez incroyable“. Et le skipper de SVR-Lazartigue d’ajouter : “J’avais l’impression que j’avais trouvé un rythme, autant physiquement que mentalement, qui pouvait durer, donc je suis très content d’avoir vécu ça, même s’il y a forcément un sentiment d’inachevé d’avoir dû m’arrêter au bout de onze jours.”
“Ce tour du monde vaut
facilement dix transats“
Quid des enseignements techniques que les skippers tirent de cette première ? “Que ce soit en termes de réglages, d’usure, de compréhension et de fiabilité du bateau, ils sont très nombreux, je pense notamment qu’on a réussi à bien progresser au portant, souligne Tom Laperche. Chaque navigation à bord de ces trimarans volants, qui font encore office de pionniers d’une nouvelle ère, constitue un véritable défi et une opportunité d’apprendre. Ce tour du monde nous a apporté beaucoup d’informations pour progresser.” Et notamment en vue du Trophée Jules Verne, pour lequel l’équipage de SVR-Lazartigue est actuellement de nouveau en stand-by.
“L’Arkea Ultim Challenge-Brest nous a permis de continuer à apprendre sur le comportement et l’utilisation des appendices en vue d’évolutions futures, estime de son côté Thomas Coville, qui a dû abandonner le 6 janvier sa tentative de Trophée Jules Verne après 16 jours alors qu’il était dans les temps du record de Francis Joyon. Depuis le départ de Brest le 7 janvier 2024, Sodebo Ultim 3 a parcouru 55 000 milles. C’est un développement permanent !“
Pour Armel Le Cléac’h, “ce tour du monde vaut facilement dix transats. Nous n’avions jamais sollicité le bateau aussi longtemps, donc on a progressé sur la fiabilité des systèmes. Par ailleurs, comme nous finalisions le dessin de nos nouveaux foils au moment de l’arrivée, ça nous a permis d’ajuster les derniers points de géométrie.” Quant à Anthony Marchand, il estime que “l’analyse des données récoltées sur ce tour du monde a été très enrichissante, elle nous a permis de faire évoluer le bateau et de réfléchir aux choix et formes de voiles ou encore à la manière de le rendre plus stable au portant”.
Enfin, Charles Caudrelier, s’il souligne que le Gitana Team “avait déjà beaucoup appris avant ce tour du monde” sur un trimaran mis à l’eau à l’été 2017, ajoute : “L’Arkea Ultim Challenge-Brest a surtout été la preuve que notre bateau était arrivé à maturité – je suis le seul à ne pas m’être arrêté pour des problèmes techniques -, et nous a confirmé que l’équipe avait l’expertise et le regard pour imaginer le futur bateau idéal.” En l’occurrence Gitana 18, dont la mise à l’eau est prévue fin septembre.
Les pionniers de 2024 seront-ils au départ de la seconde édition en 2028 ? Si Charles Caudrelier et Thomas Coville estiment qu’il est trop tôt pour répondre à la question, Tom Laperche, Armel Le Cléac’h et Anthony Marchand ne cachent pas leur envie d’y retourner, avec l’ambition d’inscrire à leur tour leur nom au palmarès d’une course déjà légendaire.
Photo : Vincent Curutchet / Alea