UNKNOWN - APRIL 9, 2024 : Paprec Arkéa skipper Yoann Richomme (FRA) is pictured on April 9, 2024, off unknown, France. (Photo by Eloi Stichelbaut / Polaryse)

“Un beau combat des chefs” – L’analyse du Vendée Globe de Gaston Morvan et Loïs Berrehar

Pendant toute la durée du Vendée Globe, Tip & Shaft vous propose un décryptage de la météo et des trajectoires des 40 solitaires par Loïs Berrehar et Gaston Morvan, respectivement 2e et 3e de la Solitaire du Figaro Paprec 2024, qui se relaient une semaine sur deux. Loïs Berrehar est aux commandes ce vendredi.

“Encore une semaine bien animée sur le Vendée Globe ! Une des informations principales, c’est le retour de Yoann Richomme sur le duo Charlie Dalin/Sébastien Simon en tête de la course, alors qu’il a compté jusqu’à 400 milles de retard. Il a su attaquer fort pour ne pas perdre le contact, c’est assez impressionnant de voir les belles moyennes qu’il a réussi à tenir.

Il est d’abord revenu sur Seb, en bonne partie quand ils se sont retrouvés en bâbord amure, là où Seb est handicapé puisqu’il n’a plus de foil tribord, ensuite sur Charlie qui a dévoilé cette semaine qu’il avait eu un problème sur une voile, sans en dire beaucoup plus. Il a juste précisé qu’il l’avait réparée dans des conditions assez fortes, ça veut dire qu’il en était privé à ce moment-là, on a bien vu qu’il avait mis un peu plus de temps que Yoann à renvoyer de la toile.
 
Il faut aussi souligner que Paprec Arkéa est particulièrement à l’aise au portant VMG, Yoann est très fort dans ces conditions. Même s’il a eu un peu plus de vent par-derrière à un moment, il a fait un bord impressionnant, c’était beau à voir, une jolie démonstration de maîtrise et d’attaque, d’autant qu’il s’en est fallu de peu pour qu’il se fasse attraper par la molle, comme Thomas (Ruyant) derrière lui, qui a concédé un écart significatif cette semaine.

Devant, on assiste désormais à un beau combat des chefs entre Charlie et Yoann, chacun prenant le lead à tour de rôle. Je pense que ça se joue au niveau du choix architectural de leurs bateaux respectifs, mais également de la configuration de voiles qui n’est pas tout à fait la même. Au reaching et dans les vents plus faibles, Macif semble plus efficace, et dès que ça part au VMG dans du vent fort, Paprec Arkéa fait la différence, en mode 4×4.
 
Dans les prochains jours, ils vont avancer vite vers le Horn, parce qu’il y a plusieurs dépressions qui forment un grand couloir de vent dont ils vont bénéficier, tout comme leurs poursuivants d’ailleurs, de Thomas Ruyant à Justine Mettraux. Sur mes routages (voir ci-dessous), je vois Charlie et Yoann passer le cap Horn dans la nuit du 23 au 24 décembre, vers minuit en France, avec environ 1 000 milles d’avance sur Thomas, qui passerait deux jours plus tard, dans la nuit du 25 au 26 ; quant à Justine, à la fin de ce groupe de chasse, elle devrait basculer en Atlantique Sud tôt le 27, avec un peu moins d’un jour et demi de retard sur Thomas.

Maintenant, on ne peut pas encore dire que la fin de course va se résumer à un duel Charlie/Yoann. D’abord parce que Seb, s’il est handicapé par son foil en moins, n’a pas dit son dernier mot, je le trouve vraiment impressionnant, il ne se démobilise jamais ; ensuite, parce que l’histoire a montré que des gros écarts au Horn pouvaient se réduire rapidement. Ça a notamment été le cas en 2016 pour Armel (Le Cléac’h), qui avait presque 1 000 milles d’avance sur Alex Thomson et en a perdu une bonne partie dans la remontée de l’Atlantique alors que ce dernier avait un foil en moins.

Aujourd’hui, c’est encore plus le cas quand on voit la capacité des bateaux à accélérer, la remontée rapide de Yoann l’a prouvé. Et ce qui est certain, c’est que ça va se tasser presque mécaniquement après le Horn, entre les bateaux de tête qui vont sans doute ralentir une fois le cap franchi, et le groupe mené par Vulnerable qui va arriver assez vite, poussé par un phénomène assez fort.

Un autre fait majeur de la semaine écoulée est le retour aux avant-postes de Boris Herrmann. Il y a huit jours, il était dans un petit groupe en compagnie des trois “drôles de dames”, Justine, Sam (Davies) et Clarisse (Crémer), il est parvenu à leur fausser compagnie, il a même réussi à doubler Sam Goodchild et Paul Meilhat et est maintenant aux trousses de Yannick Bestaven. J’entends souvent dire que Boris est un diesel, c’est peut-être vrai.

En tout cas, avec Justine, il a su être opportuniste, il est arrivé à s’engouffrer dans la brèche et à accrocher le train du groupe de devant, contrairement à Clarisse et Sam qui étaient à la limite et ont été happées par la molle, peut-être en partie pour des problèmes techniques – on a vu que ça avait été le cas pour Clarisse. Résultat, elles ont perdu 1 000 milles en une semaine sur Boris qui a fait une belle démonstration de vitesse, il a un bateau très efficace dans le vent fort au portant VMG, des conditions qui devraient durer jusqu’à la fin du Pacifique, il devrait être dans le match au Horn.

Derrière, on voit que la flotte a beaucoup souffert cette semaine, avec des vidéos impressionnantes des mers du Sud, du bricolage et des visages clairement fatigués. Je suis forcément triste pour Pip Hare qui a abandonné sur démâtage, alors qu’elle faisait une super course, elle était dans le match des Imoca de sa génération.

On se rend compte que les bateaux moins rapides subissent plus les conditions difficiles que ceux de devant qui ont quasiment toujours réussi, en mettant du gaz, à rester en avant des phénomènes. Tu peux davantage être maître de ton destin avec ces foilers qui vont vite. Le coup du passage sud de Charlie et Seb dans la première dépression de l’Indien n’aurait probablement pas été possible avec des bateaux plus lents. Les premiers ont donc eu des conditions de mer et de vent un peu moins violentes que certains derrière, en revanche, ça a nécessité de mener un rythme effréné, donc demandé beaucoup d’engagement et engendré pas mal de stress. Depuis le TGV de Sainte-Hélène, ils n’ont pas eu beaucoup de répit. Ils sont maltraités, mais différemment !

Pour le groupe autour de Jean Le Cam, le début du Pacifique, dans lequel ils viennent d’entrer, s’annonce bien compliqué d’un point de vue météo, avec une molle devant eux qu’il va falloir contourner avant de récupérer du vent (voir l’image ci-dessus). La vie à bord va être plus cool, mais il va falloir tirer les bons bords pour sortir au mieux de cette zone sans beaucoup de vent. Les trois foilers de Giancarlo Pedote, Isabelle Joschke et Alan Roura ont réussi à creuser un petit écart sur les deux bateaux à dérives de Jean Le Cam et Benjamin Ferré, je pense qu’ils vont continuer à se détacher, parce qu’ils prennent confiance en eux et dans leur machine, ça leur permet d’accélérer un peu plus qu’ils ne le faisaient en début de course. Maintenant, la grosse bulle en travers de la piste va peut-être redistribuer les cartes. De quoi bien nous occuper jusqu’à Noël !”

Photo : Eloi Stichelbaut / polaRYSE

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