Fabien Delahaye Class40

Fabien Delahaye : “Dans notre métier, on pense toujours au coup d’après”

L’année 2024 a été bien dense pour Fabien Delahaye, qui a enchaîné saison complète en Class 40, avec trois podiums à la clé – 3e de The Transat CIC, 2e de la Québec Saint-Malo, vainqueur de la CIC Normandy Channel Race – et direction de course du Vendée Globe. Depuis Les Sables d’Olonne où il veille sur les 36 solitaires encore en course, le Normand (40 ans), qui a renouvelé pour deux ans son contrat avec son partenaire Legallais, a échangé avec Tip & Shaft.

Comment t’es-tu retrouvé intégré à la direction de course du Vendée Globe ?
C’est Hubert Lemonnier qui m’a appelé au mois de mars pour me proposer de remplacer Yann Eliès qui était sorti de l’équipe de direction de course. Il voulait un profil un peu similaire de coureur et a pensé à moi, je t’avoue que sur le coup, j’ai été assez surpris. Dans la proposition, il y avait la New York Vendée, ce n’était pas possible pour moi parce que j’avais mon projet Class40, mais pour le Vendée, vu que ma saison se terminait en septembre avec la Normandy Channel Race, ça collait. J’en ai parlé avec mon partenaire – à l’époque, nous n’avions pas encore renouvelé notre contrat – et j’ai présenté ma candidature à la SAEM Vendée et à la Fédé, mon profil a été accepté.

Qu’est-ce qui t’a poussé à accepter et quel est ton rôle au sein de la direction de course ?
Le fait de vivre une expérience différente, d’apprendre de nouvelles choses, je trouvais intéressant de passer de l’autre côté de la barrière sur une course qui est le graal de la course au large. Aujourd’hui, mon métier est avant tout coureur au large, mais j’ai toujours aimé apprendre des choses à droite à gauche, donc ça aurait été trop bête de refuser une telle opportunité qui n’impactait pas mon projet principal. Pour ce qui est de mon rôle, on est tous sur les mêmes missions, mais on a évidemment plus ou moins d’affinités sur certains sujets. Personnellement, l’Imoca est une classe que je connais plutôt bien, j’ai intégré mon premier projet avec Armel (Le Cléac’h) en 2011, j’ai fait deux Jacques Vabre, la dernière Ocean Race avec Holcim PRB, elle a toujours été un petit fil conducteur, en parallèle de mes projets principaux, Figaro et Class40. Donc c’est forcément plus facile pour moi de me projeter à bord des bateaux quand il y a des situations à gérer, ça permet aussi de faciliter les échanges avec les équipes. Cette expérience est vraiment riche, quelque part, je fais mon propre Vendée Globe, et je vais sortir de là avec de nouvelles compétences dont je pourrai tirer profit pour mon projet ou pour plus tard.

Et ça te donne encore plus envie d’y participer toi-même ?
Oui, complètement. J’ai toujours eu dans la tête cette envie d’être au départ, donc le fait de vivre le Vendée Globe d’aussi près décuple cette envie. Aujourd’hui, je suis sur un super projet, compétitif, avec un bateau neuf qu’on a construit l’année dernière et des objectifs élevés de résultats, c’est ce qui m’anime en tant que coureur et ce que j’aimerais un jour vivre sur le Vendée Globe.

Quel est ton regard sur la course après 40 jours ?
Quand on voit le nombre d’abandons à ce stade, seulement quatre, on peut dire que le bilan est pour l’instant super positif, ça n’a jamais eu lieu sur le Vendée Gobe. Tout le système de qualification a conduit les marins à beaucoup naviguer et les équipes à énormément travailler en amont, ce qui fait que quand il y a de la casse, tous sont bien préparés pour y faire face, avec des réparations que les skippers réussissent à mener à bien dans la majorité des cas. On est finalement assez peu sollicités à la direction de course, et sportivement, il y a de la bagarre à tous les étages, avec un rythme juste énorme, notamment parmi le trio de tête. On n’est forcément pas surpris d’y trouver Charlie (Dalin) et Yoann (Richomme), plus pour Seb Simon, car même si on sait qu’il est bon, quand on se rappelle ce qu’il lui est arrivé l’année dernière [accident sur Retour à La Base, NDLR], c’est quand même une bonne surprise de le voir aussi compétitif et mettre autant d’engagement dans ces contrées assez hostiles.

“Trois podiums dans le bon sens !”

Parlons maintenant de ton projet Class40 : tu sors d’une très bonne saison puisque tu fais 3-2-1 sur les trois courses au programme, on t’imagine satisfait ?
Oui, complètement, d’autant que les débuts en 2023 n’avaient pas été évidents. On avait construit un bateau neuf, mis à l’eau en septembre, si bien qu’avec Corentin (Douguet), on s’était présentés au départ de la Jacques Vabre avec moins de dix navigations au compteur. A l’arrivée, on a subi pas mal de casses structurelles, ce qui nous a conduits à nous arrêter à Cascais (22e place finale), j’étais sorti de là avec un peu de frustration et de la pression pour redresser le tir en 2024. On a fait ce qu’il fallait l’hiver dernier pour renforcer ce qu’on avait cassé et on a abordé la saison avec pas mal de navigations en mars-avril en amont de la Transat CIC. Ce qui m’a permis d’être en confiance et de terminer sur le podium au pied de la statue de la Liberté après avoir mené une bonne partie de la course. Même chose sur la Québec-Saint-Malo, on mène quasiment toute la transat avant de se faire piéger à la toute fin par Amarris, mais cette deuxième place me permettait de concrétiser le résultat de l’aller. Et on finit en apothéose avec Benjamin Schwartz sur la Normandy Channel Race, un événement majeur pour nous, dans la mesure où on jouait à domicile, à Caen, là où est installé Legallais, qui est en plus partenaire de l’épreuve. A l’arrivée, ça fait trois podiums et dans le bon sens !Ces résultats ont-ils contribué au renouvellement du partenariat avec Legallais pour deux ans de plus ?
Jusqu’ici, on était sur un contrat d’un an renouvelable pour lancer le projet, voir comment ça se passait entre nous et comment il était accueilli en interne, avec cependant toujours une vision de ne pas s’arrêter du jour au lendemain. On s’est revus avant la Québec Saint-Malo en juin et on a rapidement acté la prolongation. On n’avait pas encore formalisé tout ça, mais effectivement, le reste de la saison n’a fait que confirmer que le projet fonctionnait bien et que nos choix portaient leurs fruits. Après, ces projets Class40 sont souvent orientés sur un cycle de quatre ans avec la Route du Rhum en ligne de mire, ça aurait été une déception pour moi de construire ce bateau pour m’arrêter au bout de deux ans. On va désormais construire notre préparation en fonction de cet objectif majeur, mais on a aussi d’autres rendez-vous importants en 2025, avec la Normandy Channel Race en mai sur laquelle on défendra notre titre, la Transat Jacques Vabre (Café L’Or), et je n’oublie pas Les Sables-Horta-Les Sables qui va nous permettre de faire deux belles étapes de large.Et après 2026, c’est objectif Vendée Globe 2028 ? Travailles-tu déjà sur un projet et en as-tu parlé avec ton partenaire ?
Oui, c’est forcément dans ma tête. Dans ce métier, on pense toujours au coup d’après, il ne faut pas attendre d’être face au mur pour se projeter. Donc, même si toute mon énergie est focalisée sur mon projet actuel, il va falloir que je commence à y travailler assez rapidement, parce qu’il y a des timings à ne pas rater, entre les bateaux disponibles et les règles de qualification et de sélection, aujourd’hui, on est presque déjà en retard pour 2028. Pour ce qui est de Legallais, on n’a pas encore abordé le sujet, on verra, mais je ne t’apprends rien en disant qu’on est quand même dans un contexte économique pas simple, ce qui rend complexe le fait de se projeter à quatre ans.

Photo : Legallais Team Voile / Image in France – Romain Marie

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