Aloïse Retornaz et Tim Mourniac

Aloïse Retornaz : “Objectif or à Los Angeles !”

Aloïse Retornaz et Tim Mourniac ont annoncé ce vendredi qu’ils se lançaient sur une préparation olympique en Nacra 17 en vue des Jeux de Los Angeles en 2028. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec la Brestoise de 30 ans, médaillée de bronze en 470 à Tokyo en 2021, et désormais accro aux foils et à la vitesse.

▶ Tu sors d’une année au sein du défi Orient Express Racing Team, puisque tu as participé à la toute première Women’s America’s Cup, que gardes-tu de cette aventure ?
C’était une expérience de dingue, intense, j’en garde plein d’apprentissages sur des bateaux de folie ! C’était la première fois que j’avais un poste de régleuse à bord de ces Formule 1 des mers qui sont des bijoux de technologie, c’était assez kiffant comme sensation, avec des vitesses inégalées. Comme j’ai été à temps plein à partir de janvier à Barcelone, j’ai appris des milliards de choses. En plus du projet sportif, j’ai passé pas mal de temps à bosser sur l’AC75, ça a été très enrichissant de voir tous les métiers et toute l’orchestration du défi. En France, on n’a pas d’équipes aussi grosses dans le milieu de la voile, pour beaucoup d’entre nous, ça a été un changement assez radical de se retrouver à plus de 100 au sein d’une même équipe sportive. Personnellement, ça m’a beaucoup plu, ça se rapprochait finalement pas mal de ce que je vis « à terre », au sein de mon entreprise [chez Crédit Mutuel Arkéa à Brest, NDLR], donc au final, j’en sors avec des étoiles plein les yeux et l’envie d’y retourner.

▶ Sportivement, l’équipe a manqué sa Women’s America’s Cup en terminant dernière de sa poule qualificative, quel est ton regard sur vos résultats ?
C’est clair que sur ce plan, ça a été assez dur, on est sorties de cette compétition avec pas mal de frustration, nous n’avons pas réussi à montrer sur l’eau ce qu’on avait appris au cours de l’année. On a pas mal péché techniquement, dans les vagues et sur le départ. Je pense qu’on est arrivées sur la compétition avec très peu de temps de navigation, c’était une course contre la montre de faire monter en compétence en même temps les trois équipes du défi.

▶ Quelle est la suite pour toi avec le défi ?
Aujourd’hui, je suis toujours en contacts réguliers avec Stephan Kandler et Bruno Dubois (les codirecteurs) qui font tout pour que l’équipe française ait une continuité. On commence à avoir de la visibilité sur la prochaine campagne, avec une Coupe qui aura sans doute lieu en 2027, ils parlent de la possibilité de faire naviguer l’AC40 d’ici là… Pour le moment, le projet est en construction, mais personnellement, j’ai toujours la volonté de continuer à naviguer en AC40, c’est très complémentaire avec le projet olympique.

▶ En quoi ?
En olympisme, on n’a pas accès à autant de savoir-faire, à autant de R&D. Le fait d’avoir travaillé au sein du défi m’a appris beaucoup de choses sur l’hydrodynamique, le fonctionnement d’un bateau foils, la cohérence des réglages, notamment de rake de foils, mais aussi les outils, l’analyse des data… Je pense que je vais pouvoir transposer assez facilement toutes ces choses sur le projet olympique, ce qu’ont d’ailleurs très bien su faire les Italiens Ruggero Tita et Caterina Banti sur la dernière campagne olympique en travaillant avec Luna Rossa. J’ai d’ailleurs toujours été inspirée par des gens comme Peter Burling ou Ruggero Tita, capables de performer sur plusieurs supports à la fois et d’élever leur niveau en olympisme.

“On s’est dit que la mayonnaise
pourrait prendre assez vite”

▶ Peux-tu nous raconter comment vous avez décidé de vous lancer dans ce projet avec Tim ?
Déjà, nous sommes très proches dans la vie de tous les jours, on a été en colocation à Marseille au début de la préparation olympique pour Paris 2024 [qu’elle avait commencée en 470 avant d’arrêter suite au départ de son coéquipier Hippolyte Machetti, NDLR]. Comme Tim était aussi lié au projet Orient Express, il est venu quelques jours à Barcelone en septembre pour voir l’équipe jeune, c’est à ce moment qu’on a commencé à en parler. Après avoir débriefé les Jeux avec Lou (Berthomieu, son ancienne coéquipière), ils avaient décidé d’un commun accord de basculer chacun sur un autre projet, on s’est alors dit avec Tim qu’on avait envie de repartir sur une campagne olympique. Personnellement, la compétition m’a pas mal manqué sur la Coupe, la voile olympique reste quand même la discipline où tu navigues le plus et où tu apprends le plus, car tu te confrontes très régulièrement à la concurrence internationale, ça collait parfaitement à mes envies. Et on avait déjà eu une expérience commune en Nacra fin 2023 quand j’avais remplacé Lou pour le Championnat d’Europe à Vilamoura. On s’était rendu compte qu’on avait des fonctionnements et des tempéraments complémentaires, on arrivait à s’apporter des choses mutuellement et cet essai avait bien fonctionné (7e place). Donc on s’est dit que la mayonnaise pourrait prendre assez vite et qu’on pourrait former un bel équipage.
▶ Avec quelles ambitions sportives ?
Tim a terminé au pied du podium aux Jeux de Paris (5e), il a le couteau entre les dents, moi, j’ai déjà décroché le bronze à Tokyo (en 470 avec Camille Lecointre), j’aimerais bien monter un peu dans les couleurs. Donc on y va pour aller chercher une médaille d’or à Los Angeles. Pour reparler de Ruggero et Caterina (doubles médaillés d’or en 2021 et 2024), ils étaient vraiment un cran au-dessus sur la dernière campagne, avec des manœuvres toujours très propres, les bons coups tactiques à chaque fois… Il n’y a pas trop de secret, pour arriver à ce niveau, il faut faire des heures et des heures sur l’eau. Là, avec le temps qu’on a devant nous et notre complémentarité, je suis persuadée qu’on a les moyens d’atteindre cet objectif.

▶ Quel est votre programme des prochains mois ?
On devrait faire quelques petites navigations en fin d’année, mais on s’y remettra vraiment à partir de février. En ce moment, je suis en phase de réathlétisation, parce que sur l’AC40, tu n’as pas l’aspect physique que requiert la voile olympique et particulièrement le Nacra, donc je passe pas mal de temps à la salle. On prend aussi le temps de bien caler le projet et de chercher des partenaires, car une des grosses différences entre le Nacra et le 470, c’est le budget : il y a une grosse part de R&D en plus, donc on recherche environ 80 000 euros par an, là où ça coûte plutôt 50 000 en 470. Pour revenir au programme 2025, on aura Palma, Hyères, un championnat d’Europe en juin en Grèce, et le Mondial en octobre à Cagliari, qui sera l’objectif principal, ça nous laisse vraiment le temps de nous préparer. On a aussi la volonté de naviguer sur d’autres bateaux à foils, ça pourrait être en ETF26, en AC40 si le projet Coupe continue…

Photo : Sailing Energy

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