Après deux saisons en Class40 sous les couleurs de Zeiss, Thimoté Polet (24 ans) s’apprête à monter en gamme, puisqu’il met à l’eau lundi 25 novembre à La Trinité-sur-Mer un nouveau Mach 40.6 signé Sam Manuard et construit chez JPS. L’occasion pour Tip & Shaft de s’entretenir avec Nicolas Series, président de Zeiss France, engagé aux côtés du Normand jusqu’à fin 2026.
▶ Pouvez-vous nous présenter Zeiss ?
Zeiss est un groupe allemand fondé en 1846 à Iéna par Carl Zeiss, le produit originel était un microscope. Aujourd’hui, il emploie 43 000 collaborateurs dans le monde entier pour 11 milliards d’euros de chiffre d’affaires, œuvrant dans quatre grands segments d’activité : le plus gros est la fabrication de technologies dans le semi-conducteur, ensuite une division industrie, qualité et recherche, qui regroupe la microscopie et la métrologie, une division médicale (ophtalmologie, dentaire, ORL et oncologie) et une division grand public, la plus petite, avec les produits d’optique. La filiale française emploie environ 1 000 personnes pour 270 millions d’euros de chiffre d’affaires.
▶ Pourquoi avoir investi dans la voile en 2023 avec Thimoté Polet ?
L’histoire a commencé il y a une quinzaine d’années, Zeiss sponsorisait alors un événement, le Carl Zeiss Optique Voile à Lorient, des régates pour les professionnels de l’optique. A titre personnel, j’ai toujours eu une forte appétence pour la voile – j’ai fait mes classes à La Trinité-sur-Mer en 420 et Hobie Cat 16 avant de naviguer en croisière – sans jamais avoir franchi le pas du côté professionnel. Quand Thimoté m’a contacté via Linkedin il y a deux ans, j’ai d’abord été interpellé par le fait qu’il était étudiant de l’école de Grenoble de management, par laquelle je suis également passé. Il a ensuite su faire preuve de beaucoup de persévérance et de persuasion en me présentant son projet que j’ai trouvé particulièrement clair, avec trois axes : la performance, le développement durable et le sociétal. Chez Zeiss France, on est très attaché à l’apprentissage, au fait de mettre le pied à l’étrier à des jeunes pour leur permettre de réussir professionnellement, le projet de Thimoté résonnait avec cet aspect. Je lui ai du coup demandé de présenter son projet au comité de direction, il a obtenu l’adhésion des équipes. Il se trouve par ailleurs que dans la voile de compétition, il y a beaucoup d’assureurs et de mutuelles, mais également des professionnels du médical, comme IBSA ou Biotherm, autant d’acteurs avec lesquels nous avons beaucoup d’interactions, c’était intéressant d’intégrer un sport dans lequel notre écosystème était présent.
▶ On imagine que ce n’était pas la première fois que vous receviez un dossier de sponsoring, pourquoi avoir dit oui cette fois-ci ?
Nous sommes évidemment sursollicités, ce qui a fait la différence, c’est que Thimoté a été bon, il a su faire en sorte d’aiguiser ma curiosité et il m’a convaincu. Le sponsoring, c’est une histoire d’alchimie, c’est-à-dire qu’à un moment donné, vous y croyez, vous avez confiance dans la personne. Aujourd’hui, si on est très content chez Zeiss de donner sa chance à Thimoté, on le fait d’abord pour notre entreprise, pour notre marque, dont il est un véritable ambassadeur : il est tout le temps habillé en Zeiss, il véhicule les informations de Zeiss, il connaît l’histoire de l’entreprise, il vient sur site aux séminaires commerciaux, y compris avec son bateau, il joue vraiment le jeu, et pour moi, c’est quelque chose de fondamental. C’est Zeiss qui paie, mais la contrepartie est que le marin à qui on donne la possibilité d’accomplir son rêve doit véhiculer l’image du sponsor, on n’est pas là pour une « charity ».
“On attend maintenant
des résultats plus élevés”
Les retombées de la communication sur la marque sont relativement faibles auprès du grand public. Il ne faut pas se leurrer, il y a énormément de voiliers, nous sommes dans une des plus petites classes, la visibilité de la marque auprès du grand public est un peu noyée, même si, du fait des histoires et des parcours différents des skippers, la Class40 semble aujourd’hui plus mise en avant. En revanche, en termes de BtoB, ça nous donne l’opportunité de communiquer avec notre communauté sur nos réseaux sociaux à travers les différentes étapes du projet. Ça nous permet également de faire naviguer des clients et de les inviter sur les départs de course, l’ambiance est tellement extraordinaire que l’expérience est à chaque fois très forte, ça renforce les liens entre eux et la marque.
C’est une excellente question et j’en profite pour vous prendre à témoin devant lui ! Grâce à l’argent de Zeiss, Thimoté construit un excellent bateau, donc oui, on attend maintenant des résultats plus élevés. L’année dernière, il était arrivé en milieu de tableau sur la Transat Jacques Vabre (21e), on était très contents pour une première expérience avec un skipper de 23 ans, c’est sûr qu’on attend maintenant que le projet soit axé autour de la performance. Pour lui, mais aussi pour la dynamique que l’on veut pour une entreprise comme la nôtre qui se bat pour gagner des parts de marché dans un environnement concurrentiel très difficile. C’est la même chose pour Thimoté qui est confronté à d’autres très bons skippers qui se battent eux aussi pour réussir. Or, on ne gagne pas sans s’en donner les moyens, donc il faut avoir un bon bateau, s’entraîner, être focalisé sur l’objectif, c’est un état d’esprit très important, celui qu’on demande à nos équipes commerciales, mais aussi à notre jeune skipper. Après, qu’on soit très clair, si jamais il ne performe pas, il ne sera pas crucifié sur la place publique, d’autant qu’il y a une chose importante, c’est que ce n’est pas la performance au détriment de la sécurité, on ne veut pas qu’il prenne des risques insensés pour faire plaisir au sponsor. On veut de la performance professionnelle.▶ Quel est le budget que vous allouez à ce projet et vous inscrivez-vous dans le long terme dans la voile ?
Le budget annuel est de 600 000 euros par an, sans nos activations. Pour l’instant, on a un accord jusqu’à la Route du Rhum 2026, j’aimerais qu’on s’inscrive dans le temps long, mais compte tenu de notre taille – nous sommes une filiale -, c’est déjà un gros engagement. Ce qui est certain, c’est qu’on n’ira pas sur les Imoca, parce que les budgets sont monstrueux, au moins cinq fois le nôtre actuellement, on n’ira pas non plus se diluer avec d’autres partenaires. Mais aujourd’hui, c’est trop tôt pour parler d’une éventuelle suite.
Toujours étudiant, Thimoté Polet a intégré son projet au sein de la structure havraise Water & Technology Factory de Cédric Chateau (propriétaire du bateau), qui comprend également le Class40 Seafrigo Sogestran de Guillaume Pirouelle. “Ça permet de mutualiser certaines dépenses, comme les préparateurs et la communication, mais aussi de réfléchir ensemble sur la partie performance”, commente le skipper. Qui a donc opté pour un Mach 40.6 signé Sam Manuard. “Comme c’était une première construction et compte tenu de l’expérience que Cédric avait eue avec le Mach 40.5, c’était pour moi la meilleure solution, d’autant qu’on s’appuie sur un chantier avec lequel c’est facile de travailler. On a aussi pu bénéficier des retours des deux premiers Mach 6 de Quentin Le Nabour et Greg Leonard pour faire des ajustements.”
Photo : Vincent RUSTUEL/Team ZEISS