Sam Goodchild

Sam Goodchild : “De l’appréhension qui donne envie d’y aller”

A 34 ans, Sam Goodchild s’apprête à disputer son premier Vendée Globe à bord de Vulnerable, le plan Verdier mis à l’eau en 2019 sur lequel Thomas Ruyant a couru la dernière édition. A peine arrivé jeudi sur le ponton du Vendée Globe aux Sables d’Olonne, le Britannique s’est confié à Tip & Shaft.

▶ Tu viens d’arriver à Port Olona après avoir remonté le fameux chenal des Sables, ça fait quelque chose ? Quels sont tes sentiments ?
Oui, carrément ! Ce n’était pas forcément quelque chose qu’on attendait, dans le sens où on est tellement dans l’action qu’on ne se projette pas trop sur le fait de remonter le chenal, mais une fois qu’on a amarré le bateau au ponton du Vendée Globe, avec tous les autres autour, tous les drapeaux, tu prends vraiment conscience que tu concrétises les choses. Pour ce qui est des sentiments, je parlerais de sérénité, parce que je suis content de là où on est en termes de préparation, on a très bien bossé et on arrive aux Sables avec un bateau qui est exactement comme on le souhaitait dans notre planning.

▶ Te retrouver aux Sables et dans trois semaines sur la ligne de départ du Vendée Globe, c’est un rêve qui remonte à quand ?
La première fois que j’y ai pensé, c’était en 2004, quand j’ai vraiment commencé à le suivre, je me souviens aussi du précédent avec Ellen (Mac Arthur), mais j’étais plus jeune (il avait 11 ans). Ensuite, c’est devenu plus concret en 2008 quand j’ai assisté pour la première fois au départ comme petit jeune qui aidait dans l’équipe de Mike Golding. C’est une course qui me faisait à la fois peur et envie, et peu à peu, je m’en suis doucement rapproché, j’ai aidé un peu Eric Bellion en 2016, et même si mon parcours a fait que je n’y ai pas accédé rapidement, c’est un objectif que j’ai tout le temps gardé en tête. Et je me suis toujours dit que si je me lançais, c’était pour le faire dans des conditions correctes, je ne voulais pas y aller à tout prix.

▶ Peux-tu nous rappeler comment ce rêve s’est finalement concrétisé ?
C’est clairement la rencontre avec Thomas Ruyant, Thomas Gavériaux (directeur de TR Racing) et Alexandre Fayeulle (président d’Advens), via notamment Marcus Hutchinson (qui a été team manager du projet jusqu’au dernier Vendée Globe compris). Les discussions ont commencé en 2021 et petit à petit, elles se sont concrétisées, les planètes ont fini par s’aligner entre le souhait d’Advens et de Thomas de garder le deuxième bateau et de chercher un skipper compétent pour le prendre en main, et ma forte envie de me lancer. Ils m’ont trouvé compétent, donc tout ça mis bout à bout fait qu’on se retrouve là aujourd’hui, j’aurais difficilement pu rêver de meilleures conditions pour faire un premier Vendée Globe. D’autant que j’ai aussi eu la chance de disputer The Ocean Race avec Holcim-PRB, j’ai également déjà été dans le Sud en multicoque (avec Spindrift 2), ces expériences ont été hyper enrichissantes.

 

“J’arrive naturellement à trouver
les bons réglages moyens”

 

▶ Tu as récupéré un bateau qui a fait ses preuves, l’un des plus performants de la génération 2020, l’avez-vous fait évoluer depuis que tu en as pris la barre ?
Non, ce n’était pas l’idée. Comme on s’est lancés début 2023, on savait que c’était un peu tendu avec les histoires de qualification et de sélection, donc on a fait le choix de bâtir un projet sans risque. L’idée était plus d’exploiter au maximum l’outil qu’on avait que de tout révolutionner, on n’a jamais eu pour objectif de faire une nouvelle étrave, de nouveaux foils… On l’a quand même fait un peu évoluer parce que tu peux toujours progresser, mais dès le début, on s’est dit qu’on avait plus à gagner à apprendre à bien s’en servir, si bien que je pars plus ou moins avec le même bateau qu’avait Thomas sur la Jacques Vabre 2021.

▶ Au bout de deux ans, as-tu l’impression que tu sais justement bien t’en servir ?
Les Imoca sont tellement complexes que tu n’as jamais fini d’apprendre, tout évolue en permanence : la taille, la forme et les réglages des voiles, les ballasts, les foils, le matossage… Maintenant, je me sens très à l’aise sur le bateau, j’arrive naturellement à trouver les bons réglages moyens pour le faire avancer vite, je n’ai pas trop à chercher.

▶ Dans quelle mesure le démâtage que tu as subi en juin sur la New York Vendée a impacté ta préparation ?
Le fait d’être entouré par l’équipe TR Racing, aussi nombreuse et expérimentée, a fait que cet impact a finalement été négligeable. On a pu réagir très vite pour trouver un mât, en l’occurrence celui qui était destiné au nouveau bateau d’Armel Tripon. Il se trouve qu’en 2022, avant la Route du Rhum, avec notre équipe Ocean Fifty Leyton, on lui avait prêté notre mât de spare quand il avait démâté lors des 1000 Milles des Sables, donc c’était une sorte de retour de cadeau, même s’il n’avait bien sûr aucune obligation de le faire. On ne peut que le remercier de nous avoir donné ce coup de main. Du coup, l’équipe a pu très vite travailler pour remettre le bateau en état et remâter, on n’a pas perdu beaucoup de temps dans cette affaire.

 

“Tout est possible
sur le Vendée Globe”

 

▶ Quels sont les points forts et les points faibles de ton Vulnerable ?
Son point fort, c’est qu’il est très polyvalent, ce n’est pas forcément le plus rapide, mais jamais le plus lent, il n’a pas vraiment de trou. Son point faible, on l’a bien vu sur le dernier Vendée Globe, c’est son passage dans la mer : quand il commence à accélérer, il bute un peu dans les vagues. C’est pour ça que Thomas est reparti sur un bateau neuf, les nouvelles carènes ont clairement l’avantage quand la mer est assez formée. A bord, ce n’est pas forcément simple à vivre et je pense que ce sera surtout le cas dans les mers du Sud où tu peux endurer ces conditions de mer pendant des jours et des jours, voire des semaines. J’appréhende un peu, je sais que ce sera une partie de la course pas facile, mais petit à petit, j’ai quand même appris à me servir du bateau pour faire en sorte que le passage dans la mer soit le moins problématique possible.

▶ Quand on regarde tes résultats depuis deux ans, tu n’as signé quasiment que des troisièmes places, cela veut dire que c’est un objectif à ta portée sur le Vendée Globe ?
C’est sûr que jusque-là, ça s’est très bien passé, mais le Vendée Globe est un exercice différent, que je n’ai jamais fait, il y a quand même beaucoup d’inconnues pour moi : la solitude pendant trois mois, le fait de me lancer sur ce parcours avec un bateau pas facile physiquement… Il y a de l’appréhension, mais c’est de l’appréhension qui donne envie d’y aller. Je ne me mets pas cette pression du résultat, et, sur le papier, le bateau n’est pas à la troisième place : à chaque fois qu’on y est arrivés, c’est aussi parce que les autres ont eu des soucis. Maintenant, c’est sûr que si tu me mets sur une ligne de départ sur un bateau à voile, je n’y vais pas pour faire de la croisière, je ne me considère pas pour autant comme un des favoris. Pour moi, il y en a quatre, Thomas, Yoann (Richomme), Charlie (Dalin) et Jérémie (Beyou), à côté, on est une dizaine d’outsiders capables de les embêter, je pense en faire partie. Un des grands enjeux pour moi sera de trouver le bon endroit où mettre le curseur et d’éviter de trop m’emballer en me disant que comme j’ai fini troisième sur certaines courses, je peux faire pareil sur le tour du monde. C’est un vrai défi personnel car par le passé, il m’est arrivé de trop m’emballer.

▶ Un skipper britannique peut-il gagner le Vendée Globe cette année ?
Oui, carrément ! Tout est possible sur le Vendée Globe, on l’a bien vu il y a quatre ans, pas grand monde n’aurait dit que Yannick allait gagner et il l’a fait. Là, on est plusieurs à avoir des projets performants, je pense bien sûr à Sam (Davies) qui, pour moi, est capable de faire un podium, voire de gagner, ce ne serait pas une surprise.

▶ TR Racing ne repartira pas avec deux bateaux après ce Vendée Globe, sais-tu de quoi sera faite la suite pour toi ? Quelles sont tes envies ?
Aujourd’hui, je te mentirais si je te disais que je ne travaille pas à préparer l’avenir, il y a des réflexions, mais rien de calé. On verra déjà comment se passera ce Vendée Globe, mais ce qui est sûr, c’est que l’Imoca me plaît pour le côté compétition, le niveau moyen est pour moi le plus haut que tu puisses trouver aujourd’hui en course au large. Donc mon envie est de continuer de m’y challenger avec les meilleurs.

Photo : Pierre Bouras / TR Racing

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