A 39 ans, Camille Lecointre s’apprête à disputer ses quatrièmes Jeux olympiques en 470, passé pour Paris 2024 en format mixte. Avec Jéréme Mion, celle qui a terminé 4e en 2012 (avec Mathilde Géron), médaillée de bronze en 2016 et 2021 (avec Hélène Defrance puis Aloïse Retornaz) vise un nouveau podium, avant de tourner la page de la voile olympique.
▶︎ Vous avez effectivement réussi à être performants rapidement, avec une médaille de bronze aux Mondiaux en octobre 2022, puis une victoire l’an dernier au test event de Marseille, comment l’expliques-tu ?
Déjà, on ne repartait pas de zéro, on arrivait avec notre bagage technique et notre expérience. On avait quand même quelques points communs, on a été à la même école, on a eu les mêmes entraîneurs, c’était plus facile d’avoir la même vision sur le projet. Et humainement, je savais sur qui j’allais tomber, je savais que ça allait très bien se passer, il n’y avait aucun problème à craindre sur le côté relationnel. Ça a rendu cette préparation agréable, ce qui est quand même important sur de tels projets.
“Je ne m’enflamme pas”
▶︎ On vous sent sereins avant d’attaquer ces Jeux, est-ce le cas ?
Oui, on sent que le travail a été fait. Maintenant, avant chaque grande épreuve, j’aime bien quand même avoir ce petit doute qui permet de rester vigilant et bien concentré. Etre trop serein, ce n’est pas bon non plus.
▶︎ Tu disputes tes quatrièmes Jeux avec un quatrième partenaire différent, est-ce le fruit du hasard ou une volonté de ta part ?
C’est plus lié aux circonstances, avec les projets personnels de mes coéquipières qui ont pris des chemins différents. Ça avait été le cas pour Mathilde (Géron), qui avait envie de terminer sa formation, puis avec Hélène (Defrance) qui voulait passer à autre chose. Ensuite, il y a eu ce passage au format mixte. Maintenant, je trouve que le fait de recréer un équipage à chaque fois amène de la fraîcheur et de la nouveauté, et on apprend à chaque fois de son nouveau binôme, ça permet de s’enrichir.
▶︎ Quand tu as décidé de repartir pour tes quatrièmes Jeux, après Tokyo, c’était pour faire mieux ?
Oui, clairement, il me manque quand même dans mon sac une petite médaille d’or olympique, donc l’idée était d’aller chercher mieux que le bronze. De son côté, Jérémie restait sur une note un peu amère après ses Jeux de Tokyo (11e avec Kevin Peponnet), il avait envie de gommer ça, donc on s’est bien retrouvés sur cet objectif. Maintenant, je sais tellement que ça ne se joue à rien entre une quatrième place et un podium que je ne m’enflamme pas. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait une équipe qui domine complètement la série, on est plusieurs à viser ce podium. Et là-dessus, notre entraîneur, Gildas (Philippe) joue un rôle très important, il nous permet de rester bien focus sur les bonnes choses et de rester les pieds sur terre malgré l’importance de l’événement.
▶︎ Justement, après Londres, Rio et Tokyo, as-tu l’impression que ce que tu vis en ce moment est différent ?
Oui, on ressent beaucoup plus le soutien de nos proches, des voisins, de la famille, tous les gens qu’on croise dans la rue tous les jours… Tous ces témoignages nous ramènent au fait que ces JO sont particuliers. Maintenant, c’est marrant, mais je sens moins que c’est les Jeux, du fait que ça se passe chez moi, à la maison, que ce soit si familier, je ne me sens pas encore rattrapée par l’ambiance et la grandeur des Jeux. Je ne m’attendais pas à ça, peut-être que ça va m’aider à rester davantage concentrée sur l’essentiel.
“Le rêve olympique
est né en 2004″
▶︎ Beaucoup d’observateurs disent que l’équipe de France de voile n’a jamais été aussi forte que cette année, as-tu ce sentiment ?
Quand les « boss » disent qu’on a dix potentiels de médailles, j’ai aussi ce sentiment. Tout le monde a été capable au cours de cette olympiade de faire un podium international au moins une fois. De là à dire qu’on va tous le refaire, il y a une marge, mais c’est la preuve que le potentiel est là.
▶︎ Peux-tu nous rappeler quand le rêve olympique est né pour toi ?
Les premières images des Jeux pour moi, c’est ceux de Sydney (2000) que je regardais à la télé, j’avais 15 ans. De là, à en faire un rêve, ce n’était pas encore le cas. Par contre, quatre ans plus tard, l’année où Faustine Merret remporte l’or, je venais d’intégrer le pôle de Brest, je commençais donc à côtoyer les membres de l’équipe de France, Faustine, mais aussi Nico Le Berre, Gildas Philippe, Félix Pruvot, qui préparaient les Jeux. C’est vraiment à ce moment-là que j’ai commencé à me dire que j’aimerais bien moi aussi y participer et à me rapprocher de cet objectif.
▶︎ Et quand tu te retournes sur ton parcours, quel est ton sentiment ?
Il y a forcément un peu de fierté. Si je reviens vingt ans en arrière, je n’imaginais pas que j’allais avoir une carrière aussi longue et que j’allais arriver à en vivre. Et puis, il y a eu une deuxième phase avec mon choix d’avoir des enfants (deux) pendant cette carrière, je suis aussi super fière d’avoir montré qu’on pouvait revenir au plus haut niveau après une maternité.
▶︎ Est-ce qu’il y aura des cinquièmes Jeux ?
Plutôt non ! Aujourd’hui, ce n’est pas du tout l’idée, j’ai quand même envie de m’arrêter là et de tourner la page, même si je n’ai pour l’instant rien décidé de ce que sera la suite, je me laisse toutes les portes ouvertes.
Photo : Sailing Energy