Team Edenred

Basile Bourgnon : « J’ai envie de plus grand, plus large, plus rapide »

Après le Mini 6.50, le Figaro (projet encore en cours cette saison) et le Class40, Edenred a annoncé cette semaine son engagement à partir de la saison 2025 sur le circuit Ocean Fifty, avec à la clé un nouveau bateau qui sera construit chez Neo Sailing Technologies (ex Lalou Multi). La barre en sera confiée aux deux skippers maison, Emmanuel Le Roch et Basile BourgnonTip & Shaft a échangé avec ce dernier.

► Commençons par le Figaro : tu sors d’une deuxième saison réussie (2e de la Solitaire du Figaro Paprec et du championnat de France Elite de course au large), si bien qu’on a l’impression que, pour cette troisième qui a débuté avec la Solo Guy Cotten (4e place), tu es déjà un cador du circuit, tu assumes ce statut ?
Ça me fait bien rire d’entendre parler de cador alors que je n’ai que 21 ans et que je navigue à côté d’Alexis (Loison) pour qui ce sera cette année la 18e Solitaire ! Cador, je ne sais pas, mais ce qui est sûr, c’est que j’ai énormément appris depuis que j’ai intégré le Pôle Finistère course au large, si bien que je pense faire partie de ceux qui se donnent des objectifs de victoire. Donc oui, j’assume ce statut qui ne m’angoisse pas plus que ça.

► Quels sont tes points forts et tes points faibles selon toi ?
Mes points forts, je dirais que c’est ma sérénité et ma capacité à me faire mal dans des moments où c’est dur et où on a n’a pas forcément envie. C’est souvent quand ça devient dur sur la longueur que j’arrive à me refaire. Pour ce qui est de mes points faibles, ils sont liés à une partie de mes points forts, c’est-à-dire que je n’ai pas peur d’oser. Ça m’a jusqu’ici plutôt souri, donc je ne compte pas changer cette façon de faire. Maintenant, l’audace est une qualité comme un défaut, ça peut aussi me mettre des croche-pattes de temps en temps et me conduire dans des situations où je vais perdre beaucoup de temps.

► Tu basculeras en 2025 en Ocean Fifty. Après trois ans en Figaro, tu auras l’impression d’avoir fait le tour de la question ?
Quand je me suis lancé, j’estimais que trois ans, c’était bien pour arriver avec beaucoup de compétences sur la dernière année et je pense que c’est le cas. Le Figaro a été le déclic de ma carrière, notamment grâce au pôle où j’ai découvert l’exigence de l’entraînement, de la préparation, mais aussi la vie de groupe, ça m’a fait énormément progresser sur plein de détails fins. J’ai un peu tendance à être artiste frivole, le fait de mettre de la rigueur dans tout ça m’a apporté beaucoup. J’ai tellement appris que je pense qu’au terme de cette saison, je serai prêt pour cet autre projet. Maintenant, peut-être que la monotypie me manquera et que j’y retournerai un jour.

 

“Le multicoque a toujours été
une évidence pour moi”

 

► Comment est né ce projet Ocean Fifty ?
Avec Manu (Le Roch, soutenu comme lui par Edenred, depuis 2018), ça fait depuis qu’on se connaît qu’on en parle. Les multicoques nous font rêver, lui a eu l’occasion par le passé de naviguer en Orma, et moi, j’ai l’impression que c’est un peu dans mes gênes (sourire). J’ai aussi trop vite grandi, si bien qu’à dix ans, l’Optimist, c’était fini pour moi et que j’ai vite basculé en Hobie Cat 16, le multicoque a toujours été une évidence pour moi. Avec Manu, on s’est dit que ça nous semblait le bon moment pour présenter ce projet au partenaire, avec lequel on a gravi les échelons. Edenred m’a laissé le temps de grandir et de performer sur des petits supports, aujourd’hui, j’ai envie de plus grand, plus large, plus rapide. Et le 50 pieds est une bonne transition, ça reste un projet accessible techniquement et en termes d’équipe, ce n’est pas comme si je me trouvais avec une grosse équipe Imoca à gérer à 21 ans.

► Edenred a dit oui facilement ?
On a la chance que, depuis le début, ils nous suivent sur les supports qu’on leur propose. Après, on fait ça intelligemment, on progresse par étapes, on ne s’enflamme pas. Bertrand Dumazy, le PDG d’Edenred, qui adore le bateau, commence à bien connaître le milieu, je pense que lui aussi a senti que c’était le bon moment, qu’on était prêts ; et après un temps de réflexion, ce qui est normal parce que ce sont des bateaux qui commencent à coûter de l’argent, notamment sur la construction, il nous a dit oui assez rapidement.

► La marche budgétaire est élevée ?
On passe de deux projets (Figaro et Class40, qui est à vendre) à un seul, donc on centre tout sur l’Ocean Fifty, après, c’est forcément un gap important pour Edenred qui, il y a cinq ans, n’avait jamais sponsorisé de projet dans la voile. Il y a trois coques et c’est presque trois fois le prix en termes de budget de fonctionnement par rapport au Class40, mais si c’est possible de le faire, c’est que l’entreprise, qui s’est aussi développée pendant ces années, va bien.

 

“Dès le début, on souhaitait
construire un bateau”

 

► Pourquoi le choix d’un nouveau bateau et du chantier Neo Sailing Technologies ?
Dès le début, on souhaitait construire un bateau. Mais on s’est rendu compte avec les règles de numerus clausus de la classe qu’on ne pouvait pas construire tant qu’il y avait des bateaux sur le marché. C’était forcément un peu frustrant, on avait commencé à se renseigner sur les bateaux à vendre, et au retour de la dernière Jacques Vabre, on s’est rendu compte que tous les Ocean Fifty étaient partis. C’était un mal pour un bien, parce que ça nous a ouvert une porte pour construire. La même règle stipulant que seuls ceux qui ont participé à la Route du Rhum 2022, en tant qu’armateurs, skippers ou sponsors, peuvent construire un nouveau bateau, on ne cochait aucune des cases, donc on s’est rapprochés d’un armateur, en l’occurrence Neo Sailing Technologies (ex Lalou Multi, qui était propriétaire en 2022 d’Arkema 4 de Quentin Vlamynck), qui va donc armer le bateau. C’est un chantier qui dispose en plus d’une solide expérience en matière de 50 pieds, puisqu’il en a construit deux, qui ont toujours bien marché et sont encore sur le circuit [les actuels Upwind by MerConcept et Solidaires en Peloton – ex Arkema 2 et 4, mis à l’eau en 2013 et 2020, NDLR], c’est une preuve de leur savoir-faire.

► A quoi ressemblera Edenred ?
On est partis sur un sistership de Solidaires en Peloton et Primonial 2 [l’actuel bateau de Sébastien Rogues, construit dans les mêmes moules, NDLR], en essayant de conserver tous les avantages et, si possible, pas les inconvénients des deux, avec d’un côté un bateau peut-être moins ergonomique au niveau de l’espace, mais plus aérodynamique et plus léger, et de l’autre, un plus protégé et typé offshore. Nous, cette notion de confort nous paraît assez importante car ce sont des bateaux sur lesquels tu te fais pas mal bouger, il va falloir trouver le bon compromis poids/aérodynamisme/espace en termes d’aménagement. Ensuite, on va travailler sur des petits détails, comme la position des foils, les voiles, le mât, pour essayer de faire un bateau un peu plus performant. On a la chance d’avoir chez NST Quentin Vlamynck qui va beaucoup nous aider pour travailler sur le projet.

 

“La copie est belle pour l’instant !”

 

► Mini 6.50, Figaro, Class40 et Ocean Fifty dans un an, on n’est pas loin de l’enchaînement idéal, non ?
C’est clair que la copie est belle pour l’instant ! Mais il faut aussi avoir la chance d’avoir un partenaire qui te suit. Je t’avoue que quand j’ai annoncé à Edenred que je voulais faire du Mini 6.50 après avoir fait la Jacques Vabre 2019 en Class40 avec Manu, ils ont un peu été étonnés, ce n’était pas forcément le support le plus médiatique pour eux, mais ils ont compris que c’était important pour moi de faire les choses dans l’ordre et de ne pas brûler les étapes. C’est une confiance énorme de leur part.

► Ce projet est prévu jusqu’à quand ?
On devrait aller jusqu’en 2028, cela fera alors dix ans qu’Edenred sera dans la voile, ce sera une belle histoire. On verra ce qu’on aura envie de faire par la suite, mais il y a d’ici là pas mal de belles courses au programme.

► La suite, ça pourrait être le Vendée Globe ?
Ce serait la continuité parfaite. Aujourd’hui, j’ai plus envie d’une transat en double ou en solitaire en mode sprint sur des bateaux très rapides et assez volages que d’un Vendée Globe, qui est un tout autre exercice sur des bateaux complexes, mais je l’ai dans un coin de ma tête, oui.

Photo : Jean-Marie Liot / Edenred

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