Entre l’Arkea Ultim Challenge-Brest qui s’élance dimanche, la célébration des 25 ans du partenariat avec Thomas Coville, et le Vendée Globe, dont l’entreprise est partenaire majeur, l’année 2024 s’annonce bien remplie pour Sodebo. Tip & Shaft a échangé cette semaine avec sa co-présidente, Patricia Brochard, par ailleurs présidente de la classe Ultim.
▶︎ Que représente pour vous l’Arkea Ultim Challenge, un projet de longue date devenu aujourd’hui réalité ?
Quand on a créé la classe Ultim il a dix ans, c’était avec comme enjeu de pouvoir faire un jour un tour du monde en solitaire en course avec ces bateaux, donc ce projet, on le porte depuis dix ans. Ça devait au départ être plus rapide, il y a eu pas mal d’aléas, mais peu importe le temps qu’on y a mis, le plus important, c’est que cette vision qu’on avait, et particulièrement Thomas (Coville) qui a été très moteur dans la construction de cette course, se réalise aujourd’hui. L’objectif est atteint, donc c’est évidemment une vraie satisfaction de voir tous les bateaux alignés ici, à Brest, ça donne encore plus de puissance et d’enjeu à ce projet.
▶︎ Y avez-vous toujours cru ou avez-vous pensé à un moment que la course ne verrait pas le jour ?
Ça a été assez compliqué par moments, à plusieurs reprises d’ailleurs, mais finalement, on se rend compte que de tels projets ne se passent jamais comme on l’avait prévu. C’est d’ailleurs la même chose que se disent sans doute les marins avant de partir : ils savent que globalement, la course ne va pas se passer comme ils l’ont imaginé, mais malgré tout, ça va, j’espère, les conduire jusqu’à Brest au bout de 45 ou 50 jours. Ce qui compte, c’est d’avoir la détermination d’aller au bout, quel que soit le chemin. Dans un projet, il y a plusieurs paramètres : l’objectif que l’on se fixe, les délais, les coûts, mais le plus important, c’est que, malgré les aléas, il se réalise. Je pense particulièrement à Banque Populaire qui, à un moment, aurait pu jeter l’éponge et qui a eu cette énergie de continuer. Je ne suis pas à leur place, mais j’imagine que cet objectif du tour du monde a été un moteur pour relancer leur projet.
▶︎ La classe joue-t-elle son avenir sur cette course ou est-elle selon vous suffisamment solide pour résister à d’éventuels aléas ?
Je dirais que la classe a désormais avec cette course une marque puissante, importante. J’ai l’impression de revivre les débuts du Vendée Globe : on se demandait à l’époque si c’était possible et ce qui allait se passer après, on en est à cette étape avec cet Arkea Ultim Challenge. Je suis bien incapable de dire ce qui va se passer après, ça dépendra forcément des envies des uns et des autres, mais je pense que cette course va amener de la visibilité pour susciter encore plus d’intérêt pour la classe et peut-être aider certains à franchir le cap. On sait que des skippers sont intéressés, des organisateurs et des collectivités aussi, maintenant, il faut évidemment des médias pour s’intéresser à nos courses et nous aider à attirer des armateurs supplémentaires dans les prochaines années. En ce sens, on ne va pas cacher que c’est important qu’il y ait un maximum de bateaux à l’arrivée de l’Arkea Ultim Challenge.
“Avec Thomas, c’est presque un CDI”
▶︎ Vous avez nommé Stéphane Guilbaud secrétaire général de la classe Ultim en janvier 2023, quel est le bilan de son action au bout d’un an ?
Les deux missions principales qui lui avaient été confiées étaient la réintégration de l’équipe SVR Lazartigue dans la classe et un travail sur la jauge, il les a menées à bien, c’est pour ça qu’il arrête aujourd’hui, même s’il y a aussi des raisons personnelles qui l’ont conduit à ça. On le remercie pour le travail qui a été fait, la classe est désormais à la recherche d’un nouveau secrétaire général pour passer à l’étape suivante qui est d’étoffer le programme, plus un profil d’animateur et de coordinateur.
▶︎ Qu’en est-il de cette jauge et du programme 2024 ? Sera-t-il conforme à ce que vous aviez annoncé en avril dernier ?
La jauge et le programme seront dévoilés après l’Arkea Ultim Challenge, on avait tous envie de passer cette étape avant de présenter la suite, il y aura quelques petites modifications par rapport à ce qui avait été présenté.
▶︎ Vous fêtez cette année les 25 ans de partenariat avec Thomas Coville, auriez-vous imaginé en 1999 que l’histoire durerait aussi longtemps ?
Non, c’est sûr qu’on ne l’aurait pas écrite telle quelle, mais l’histoire est encore plus belle que ce qu’on aurait pu imaginer, parce qu’on s’est bien trouvés avec Thomas, autour des valeurs, du partage et de la façon de mener le projet. Ça a été un long chemin, pas forcément toujours simple pour les uns et les autres, mais ce qui nous caractérise, c’est la notion de fidélité et d’engagement.
▶︎ Quelle a été la croissance de Sodebo depuis 1999 et dans quelle mesure les partenariats voile (avec Thomas Coville et le Vendée Globe) y ont contribué ?
Nous étions évidemment beaucoup plus petits ! Aujourd’hui, nous sommes 2 900 pour un chiffre d’affaires d’un peu plus de 570 millions d’euros, contre 1350 et 175 millions en 1999. A l’époque, notre succès tenait à nos produits, en l’occurrence nos pizzas, mais l’entreprise était quasiment inconnue. Quand on a démarré dans la voile, on avait un taux de notoriété de 1%, il est aujourd’hui d’environ 50%, ces partenariats y ont évidemment contribué. On aurait pu s’appuyer sur des campagnes de pub, on en a fait quelques-unes, mais elles ne nous auraient pas permis de raconter notre histoire et nos valeurs, ce que la voile permet.
▶︎ En 25 ans, le partenariat avec Thomas Coville a-t-il été remis en cause ? Comment est-il reconduit ?
Au départ, on était partis sur un contrat de quatre ans qu’on renouvelait. Aujourd’hui, pour être tout à fait honnête, c’est presque un CDI. Même si, que ce soit Thomas ou Sodebo, on se demande régulièrement ce qu’on a envie de faire, on n’a pas besoin de contrat pour ça. La confiance qu’on a les uns envers les autres nous permet de fonctionner différemment de ce qui se fait par ailleurs.
“La voile, c’est 4 millions d’euros par an”
▶︎ Vous avez lancé Sodebo Ultim 3 en 2019 avec l’objectif d’avoir un bateau plus performant, force est de constater, au regard des résultats bruts, qu’il l’est pour l’instant moins que ses principaux rivaux, est-ce une déception ?
Quand on cherche à atteindre des objectifs et qu’on ne les atteint pas, on est forcément déçu, et ça vaut aussi pour l’entreprise quand elle lance un produit qui n’a pas le succès attendu. Pour autant, quand on regarde les différents projets qui sont ici à Brest, on s’aperçoit que tous ont connu des périodes plus ou moins longues pendant lesquelles les résultats n’étaient pas là. Ça s’explique par le fait que les engins sont longs à mettre au point – l’idée n’est pas de se dire qu’on va jeter le bateau mais au contraire de chercher à en améliorer la performance -, mais aussi parce qu’on a peu d’épreuves. Ce n’est pas comme le football où tu as un ou deux matchs par semaine et que tu peux te reprendre le match d’après si ça ne se passe pas bien. C’est aussi pour ça qu’on veut étoffer le programme.
▶︎ Un mot sur le Vendée Globe, quel est le regard du partenaire majeur sur l’évolution de cette course ?
C’est une course qui reste magique. Si on regarde la dernière édition, il s’est passé plein de choses, les histoires des hommes et des femmes qui y ont participé ont été passionnantes, avec à la fois de la performance sportive et des aventures humaines, et toujours plus de monde pour les suivre. Je trouve qu’on retrouve toujours l’âme du Vendée Globe aujourd’hui, il n’y a jamais rien d’écrit.
▶︎ Entre ce partenariat et celui avec Thomas Coville, combien coûte la voile à Sodebo ?
Sans compter la partie bateau, parce que c’est quelque chose qui s’amortit, donc c’est de l’investissement, ça revient à 4 millions d’euros par an.
Photo : Jean-Marie Liot / Alea