Pour fêter les 20 ans de Karver, Tip & Shaft retrace l’histoire de cette entreprise d’accastillage 100 % française, de sa création, en 2003, à aujourd’hui, avec ses hauts et ses bas, ses succès et ses échecs, ses équipes, ses coureurs, ses produits, ses rachats, ses moments clés… Ce deuxième épisode raconte comment la marque est parvenue à se diversifier dès 2005, entre nouveaux produits et croissance externe.Nous sommes en 2005. Deux ans après sa création (voir notre article), la marque Karver, désormais implantée à Honfleur, est déjà réputée pour ses poulies et ses emmagasineurs. L’heure est à la diversification et au développement de nouveaux produits innovants. “Nous avons été consultés par les équipes des trimarans Orma qui avaient une problématique de hooker les voiles, raconte Marin Clausin, le fondateur de Karver. À l’époque, le crochet qui tenait la voile était complètement dissocié de l’émerillon. Quitte à faire des hooks, nous avons voulu intégrer l’émerillon dedans. Nous avons bien gambergé pour finalement aboutir à cette fameuse gamme de hooks émerillons, pour laquelle nous avons drastiquement réduit la longueur du système et aussi son poids, avec plusieurs kilos gagnés en tête de mât, donc un vrai gain en performance.”
De nombreux coureurs adoptent ce système qui devient vite un “must” à bord des machines de course au large. Dans la foulée, Karver fait une entrée remarquée dans l’univers de la Coupe de l’America, pour l’édition 2007 qui se dispute encore sur les Class America. La marque développe des poulies très haut de gamme (KBTi), 100 % accroche textile, pour Alinghi. “Notre poulie pesait 300g, contre 750 pour un modèle équivalent chez d’autres fabricants. Il y avait une trentaine de poulies à bord d’Alinghi, ce qui permettait un gain de poids notable. On arrivait à tenir des charges gigantesques sur de tout petits diamètres. À ce jour, ces poulies sont encore les plus légères du marché”, assure Marin Clausin.
En 2008-2009, Karver sort la gamme KBO, des poulies à manilles textiles en plastique (et non en titane comme les KBTi) davantage dédiées au grand public, avec des tarifs plus accessibles et toujours un encombrement moindre. L’imagination de Marin Clausin semble infinie. “Il a vraiment un génie pour créer des produits. C’est un inventeur, un passionné d’innovations, souligne François de Sivry, à l’époque chargé de l’aspect financier. Il fait beaucoup bouger les lignes sur le marché, ses innovations sont souvent reprises.”
La crise financière laisse des traces
Karver est omniprésent sur le Vendée Globe 2008-2009, en équipant plus de 80% de la flotte en hooks et plus de la moitié pour ce qui est des emmagasineurs. L’année 2008 est aussi celle de la crise financière qui met un net coup de frein en terme de chiffre d’affaires. “La période a été assez sévère, se remémore François de Sivry. Heureusement, l’entreprise était forte sur ses bases, ce qui lui a permis de traverser cette épreuve et de tenir le coup, notamment grâce à la confiance forte des clients.”
La crise a tout de même raison d’un projet de Marin Clausin, le K 650, un petit day boat de régate en équipage, conçu en collaboration avec l’architecte Juan Kouyoumdjian. “On voulait un bateau facile à mettre en place et hyper puissant. On a sorti le K 650 l’année de la crise et ça a été un flop. La série est née et s’est éteinte quasiment aussitôt, avec seulement six unités construites. On a joué de malchance, ce n’était pas le bon moment”, estime Marin Clausin.
L’année 2011 est marquée par le rachat de Grec Marine, une entreprise qui fabriquait des rails de mât et des chariots, notamment pour les Imoca et les Orma. Karver intègre les produits à son catalogue, en les faisant évoluer avec le temps. La marque sort également sa deuxième version d’emmagasineurs, encore plus petite et légère. Cette même année, Tanguy de Lamotte, qui occupait un poste de technico-commercial depuis les débuts, quitte l’entreprise pour préparer son premier Vendée Globe. “Notre but était de challenger les gros, comme Harken, et nous avons réussi, se remémore-t-il aujourd’hui, non sans une certaine nostalgie. Aujourd’hui encore, quand je vois du Karver sur un bateau, je ne peux pas m’empêcher de ressentir une fierté d’avoir participé au début de l’aventure.”
Photo : Karver