Alexia Barrier a présenté mardi au siège de l’Unesco, à Paris, les contours de son projet de Trophée Jules Verne 100% féminin à bord d’Idec Sport, soutenu par le CIC et le Groupe Idec. Tip & Shaft vous raconte comment la navigatrice est parvenue à monter ce Famous Project.
A la sortie du dernier Vendée Globe dont elle a pris la 24e place, Alexia Barrier se projette sur une deuxième participation avec l’idée d’acquérir un bateau plus compétitif. “Mon partenaire a décidé d’arrêter un peu soudainement, mais la perte de ce sponsor a été une chance, cela m’a permis de me réaligner sur ce que j’avais vraiment envie de faire : de l’Ultim“, raconte-t-elle à Tip & Shaft.
La navigatrice décide de lancer son projet de Trophée Jules Verne en janvier 2022 avec l’objectif de monter un équipage 100 % féminin. “Les opportunités de naviguer sur ce type de projet sont quasiment inexistantes pour les femmes. Le Jules Verne est encore plus élitiste que le Vendée Globe“, constate-t-elle. Seules quelques femmes ont en effet tenté l’aventure : Tracy Edwards avec un équipage entièrement féminin en 1998 sur Royal & Sun Alliance, Ellen MacArthur quatre ans plus tard sur Kingfisher 2, et Dona Bertarelli sur l’ex Spindrift 2, la seule à avoir bouclé le parcours à ce jour, sans toutefois battre le record du tour du monde.
Alexia Barrier contacte dans un premier temps Dee Caffari, Marie Tabarly ou encore Marie Riou, toutes se disent prêtes à rejoindre le projet qui, s’il se structure peu à peu au cours de l’année 2022, manque de partenaires pour le financer. “Dans un premier temps, je ne me suis pas lancée dans la recherche de sponsors à proprement parler, j’ai plutôt participé à des conférences durant lesquelles je rencontrais des entrepreneurs“, explique Alexia Barrier.
Le CIC séduit
C’est justement lors de l’une d’elles en avril 2022 à Montpellier, que dans l’auditoire, Daniel Baal, directeur général du CIC, est séduit par le projet. “Cela m’a immédiatement parlé. Quelques jours après la conférence, j’ai repris contact avec Alexia pour élaborer les bases d’un partenariat. Tout est allé très vite. J’ai apprécié sa personnalité, sa capacité à mobiliser, son charisme, son engagement”, raconte-t-il à Tip & Shaft.
Une brique de plus dans l’engagement de l’établissement bancaire dans la voile, lui qui est partenaire titre de la Transat CIC et de la CIC Normandy Channel Race, partenaire principal de la Route du Rhum, mais aussi via sa maison-mère, le Crédit Mutuel, sponsor titre de Ian Lipinski en Class40. “Ce nouvel engagement conforte notre place dans le monde de la voile, avec un positionnement différent, poursuit Daniel Baal. Nous voulons soutenir un projet sportif et sociétal, en forte résonance avec nos ambitions d’entreprise à mission. Alexia mène une vraie aventure entrepreneuriale et cela nous plaît.”
Idec met à disposition le trimaran
Forte du soutien du CIC, Alexia Barrier franchit une étape importante en louant dans un premier temps le MOD70 Mana, ce qui lui permet de commencer à naviguer. Elle poursuit parallèlement sa quête d’un Ultime et c’est ainsi qu’au départ de la dernière Route du Rhum, elle se renseigne sur la possibilité de louer ou d’acheter le trimaran Idec Sport de Francis Joyon.
Son projet plaît à Patrice Lafargue, le président du groupe Idec : “Rien n’était calculé, assure ce dernier. Cela est né de la rencontre avec Alexia, une femme passionnée. Et moi, les gens passionnés, ça me passionne ! Quand Alexia m’a proposé de racheter le bateau alors qu’il n’était pas à vendre et m’a présenté son défi, j’ai décidé de m’engager avec elle et son équipe, en mettant à disposition le maxi-trimaran Idec Sport pour trois ans.”
Pourquoi s’engager avec elle plutôt que de poursuivre avec Francis Joyon, que Patrice Lafargue soutenait depuis le début des années 2000 ? “Nous avons écrit avec Francis en un peu plus de vingt ans une des plus belles pages de la course au large. Par souci de cohérence au regard des dérives financières et écologiques, je ne souhaitais pas m’inscrire dans un projet de bateau neuf. Je me suis dit que le projet 100 % féminin d’Alexia pouvait donner un avenir à notre bateau.“
En plus du CIC, dont Daniel Baal ne souhaite pas dévoiler le montant de l’investissement dans le projet, et du Groupe Idec, un troisième partenaire sera annoncé en septembre. À ce jour, Alexia Barrier a réuni la moitié du financement global, qu’elle estime à 3 millions d’euros par an sur trois ans (jusqu’à fin 2025). Il lui reste donc 4,5 millions d’euros à trouver, le naming du bateau étant toujours disponible.
Début du stand-by en octobre 2025
En attendant, elle continue à étoffer son équipage avec un noyau dur très international, composé, outre de Dee Caffari (co-skipper), Marie Riou et Marie Tabarly, d’Helena Darvelid, de Sara Hastreiter, d’Elodie-Jane Mettraux et de Joan Mulloy. “Il y a de grandes chances qu’elles composent l’équipage final du Jules Verne”, souligne la skipper qui souhaite toutefois continuer à renforcer son équipe dans les mois à venir, notamment en détectant des jeunes talents. D’autant que le projet comprend désormais deux bateaux, le MOD70 Mana, finalement racheté à son propriétaire italien, et Idec Sport.
Comment va s’articuler le programme ? “Les deux trimarans navigueront en parallèle. Ils seront basés en Méditerranée, à La Grande Motte, même si on gardera un pied à terre à La Trinité-sur-Mer pour Idec Sport. Le MOD70 est plus facile à mettre en œuvre, moins coûteux à l’entretien, il permet de se confronter à des marins d’exception sur des « petits » parcours. Avec l’Ultime, nous serons davantage en mode longue distance, nous pourrons nous attaquer à des records comme Los Angeles-Honolulu.”
Pour encadrer les équipages et accélérer leur apprentissage du multicoque, Alexia Barrier a par ailleurs fait appel à l’expérience de deux marins britanniques jouant un rôle central dans le projet : Jonny Malbon, le directeur d’équipe, et Brian Thompson, le coach. Le début du stand-by pour le Trophée Jules Verne est quant à lui prévu en octobre 2025. “Le but est de battre le record absolu [40 jours 23 heures sur le même bateau, Idec Sport, NDLR] mais aussi d’établir un temps de référence féminin autour de la planète qui n’existe pas. On partira quoi qu’il arrive, même si la fenêtre météo n’est pas idéale”, assure Alexia Barrier. Qui voit déjà plus loin : “Après cette première tentative, j’aimerais en faire une nouvelle avec un équipage mixte et un bateau plus récent.”
Photo : Marie Cortial