Banque Populaire a annoncé vendredi 17 février son retrait du Vendée Globe 2024, conséquence de « l’affaire Clarisse Crémer ». Tip & Shaft a tenté d’en savoir plus sur les raisons de cette décision.
D’abord, le rappel des faits : le 2 février, Clarisse Crémer annonce sur ses réseaux sociaux que “Banque Populaire décide de me laisser à quai”, décision prise par son sponsor face au risque de voir la navigatrice, en retard dans la course aux milles, à cause de sa maternité, ne pas être sélectionnée pour le Vendée Globe 2024. Le groupe bancaire envoie aussitôt un communiqué de presse puis organise une conférence de presse téléphonique pour donner sa version des faits, regrettant notamment “l’inflexibilité” de la SAEM Vendée face à ses demandes de modifier les règles de sélection ou de promettre la wild card prévue dans l’avis de course à Clarisse Crémer, compte tenu de son cas particulier.
Ces explications ne suffisent pas à enrayer une machine médiatique qui s’emballe alors, occasionnant moult réactions, très majoritairement indignées, à l’encontre de la décision de Banque Populaire, qui avait sans doute mal mesuré la portée d’une telle annonce. Une véritable catastrophe en termes d’image pour « le sponsor de la voile », présent dans cet univers depuis plus de trente ans. Dans les heures et les jours qui suivent le post de Clarisse Crémer, les cellules de crise s’enchaînent au siège parisien de BPCE, au plus haut niveau, puisque c’est Nicolas Namias, président du directoire du groupe, qui s’empare du dossier en direct.
La Fédération Française de Voile, par la voix de son président Jean-Luc Denéchau se fait fort de réunir les différentes parties pour trouver une solution (voir notre article), mais selon nos informations, c’est surtout la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, qui mouille le maillot en appelant au téléphone les protagonistes, sponsor, skipper et organisateur du Vendée Globe.
Une double proposition
Très vite, l’hypothèse de rétropédaler s’impose aux dirigeants de Banque Populaire, seule manière pour eux de sortir de ce bourbier. Ce que nous confirme Alain Leboeuf, président de la SAEM Vendée, qui échange alors avec les deux parties : “J’ai d’abord eu Clarisse pour lui dire que, compte tenu de sa compétence et de son envie d’être sur la ligne de départ, j’étais persuadé qu’elle serait dans les quarante premiers [nombre limite d’inscrits], et qu’en cas de souci de dernière minute, je n’oublierais pas, bien évidemment, la spécificité de sa grossesse [pour l’éventuelle wild card prévue dans l’avis de course, NDLR]. Côté Banque Populaire, j’ai eu monsieur Namias en personne pour lui rappeler combien il était important à mes yeux que Banque Populaire soit au départ, il m’a répondu : « Ne vous inquiétez pas, je prends les choses en main et je vais réintégrer Clarisse. »“
C’est le sens, selon nos informations, des premiers échanges, d’abord téléphoniques, puis, de visu à Lorient, entre le groupe, qui dépêche sur place Benjamin Maitre, responsable sponsoring et mécénat, et Clarisse Crémer. A qui il est proposé de revenir, avec une ouverture vers un projet et un fonctionnement différents. Les deux parties conviennent de se revoir très vite et 48 heures plus tard, toujours à Lorient, c’est cette fois Laurent Buffard, directeur de la communication de Banque Populaire, qui rencontre la navigatrice. Sauf que cette fois, selon l’entourage de la navigatrice, la tonalité a changé et se résume à une réintégration pure et simple dans les mêmes conditions qu’avant le déclenchement de « l’affaire ».
Ce qui change la donne aux yeux de Clarisse Crémer, qui, d’après nos informations, estime que la relation de confiance avec une partie du Team Banque Populaire, mise à mal au cours des mois précédents, n’existe plus et refuse de revenir dans ces conditions. Banque Populaire en prend acte et choisit alors de renoncer au Vendée Globe, seule issue aux yeux du groupe, qui, au regard du contexte, sait que repartir avec un-e autre skipper serait de nouveau s’exposer à de violentes critiques. “Ils se sont dit qu’ils allaient continuer à se faire défoncer“, explique l’un des acteurs du dossier.
Clarisse Crémer veut continuer
“C’est un immense gâchis“, regrette-t-on au sein du Team Banque Populaire. Et si le groupe BPCE a réaffirmé dans son communiqué son intention de continuer à “accompagner partout en France les clubs, les écoles, les équipes de France de voile et son Team de course au large sur tous les océans du monde”, certains ne masquent pas leurs inquiétudes sur l’avenir. Surtout si l’Arkéa Ultim Challenge-Brest se passe mal dans un an pour Armel Le Cléac’h.
En attendant, le team Banque Populaire se retrouve avec un bateau sur les bras, l’ancien Apivia de Charlie Dalin racheté à la mutuelle d’assurances, qui va être soit loué, soit vendu, – y compris éventuellement à Clarisse Crémer -, la décision appartenant au sponsor. Quid de cette dernière ? Selon nos informations, la navigatrice, qui a fermé les écoutilles depuis le déclenchement de l’affaire, n’a pas renoncé à participer au prochain Vendée Globe, travaillant sur un nouveau montage.
Du côté du Vendée Globe enfin, Alain Leboeuf, se dit “vraiment déçu” d’une décision qu’il dit avoir apprise via le communiqué de presse. “J’aurai l’occasion de rappeler Banque Populaire et Clarisse, mais je lui avais dit lors de nos échanges que quoi qu’il arrive, même s’il y avait un autre sponsor qui s’intéressait à elle, je les recevrais, sans aucun souci.” Et le président de la Saem d’ajouter, à propos du règlement du Vendée Globe, qu’il a refusé de revoir : “Tout était prévu, c’est d’ailleurs ce que j’ai expliqué à madame la ministre. Je lui ai dit que quand j’avais souhaité qu’il n’y ait plus qu’une seule wild-card, la première hypothèse que j’avais imaginée était celle d’une femme enceinte ; j’avais aussi pensé au cas d’une personne en situation de handicap qui aurait pu avoir un problème de dernière minute. Il faudra peut-être que le règlement soit encore plus clair pour le Vendée Globe 2028, mais on ne peut pas dire que ce n’était pas prévu.”
Photo : Olivier Blanchet – Alea – BPCE