Cinq bateaux encore en course sur la Globe40, partie fin juin de Tanger, The Race Around 2023 annulée : lancées il y a un peu plus de trois ans avec l’ambition de réunir au moins 15 bateaux, les courses autour du monde en Class40 n’ont finalement pas eu le succès escompté par leurs organisateurs respectifs. Tentative d’explication.
La nouvelle a été annoncée cet été aux élus de La Rochelle : The Race Around, course autour du monde en quatre étapes, en solitaire ou double, réservée à la Class40, qui devait s’élancer le 10 septembre 2023, n’aura pas lieu. L’organisateur, Sam Holliday, a en effet dû se résoudre à jeter l’éponge, faute de concurrents inscrits. “Avec une flotte de 20 bateaux dans les deux catégories, la course aurait été un succès, au final, seules deux équipes se sont engagées financièrement. D’autres nous avaient assuré qu’elles seraient sur la ligne de départ, mais sans s’engager”, regrette l’Anglais.
Comment en est-on arrivé là pour une course que certains voyaient comme un « revival » du Boc Challenge ? Plusieurs raisons expliquent le manque d’empressement des skippers pour s’inscrire. D’abord, le contexte : “Quand nous avons répondu à l’appel d’offres de la classe – ce qui correspondait donc à une demande des coureurs – en 2019, le monde était complètement différent : il n’y avait pas eu le Covid, pas de guerre en Ukraine, pas d’inflation…”, constate Emmanuel Versace, qui secondait Sam Holliday en France sur The Race Around.
Président de la Class40, Halvard Mabire estime de son côté, “à titre personnel”, que le double format, double et solitaire, “a manqué de clarté et peut-être contribué à ce que les coureurs ne se bousculent pas.” Axel Tréhin, qui avait fait part de son intérêt pour la course, ajoute : “Entre la possibilité de la faire en double, en solo, en 2023 ou en 2027, chacun s’est éparpillé de son côté, on n’a pas réussi à se regrouper sur un projet commun.”
Des nouveaux bateaux
peu conçus pour le tour du monde
Autre élément qui a joué en défaveur de The Race Around, l’arrivée depuis 2019 d’une nouvelle génération de Class40 finalement peu conçus pour un tour du monde. “Le projet est arrivé en même temps qu’une évolution des bateaux qui les a rendus certes plus rapides, mais beaucoup plus durs et sollicités en structure, les gens se sont dit, une fois leur nouveau bateau à l’eau, qu’il n’était pas forcément adapté à un tour du monde. Quand on voit ceux qui font la Globe40 aujourd’hui, ce ne sont que des anciens bateaux“, confirme Halvard Mabire.
“Je pense qu’une des difficultés était l’histoire de catégorie OSR, estime Axel Tréhin. The Race Around nécessitait de passer les bateaux en catégorie 0 [la plupart sont aujourd’hui en catégorie 1, NDLR], ça impliquait des études de conception en amont et un vrai chantier, le coût n’était pas négligeable, avec en plus la question autour de notre capacité ensuite à remettre les bateaux en configuration performance optimale pour une transat. Beaucoup se sont posé des questions sur le sujet. Sur la Globe40, ils ont été assez malins en adaptant le parcours pour rester en catégorie 1.”
Sam Holliday ajoute : “Un bateau très en vue a subi une avarie lors d’une course dans le golfe de Gascogne, ce qui a conduit le skipper à se retirer de The Race Around, plusieurs autres équipes se sont également retirées à ce moment-là.” Le bateau en question ? Crédit Mutuel, dont la coque a été endommagée sur la 1000 Milles des Sables en avril dernier, une raison parmi d’autres, selon son skipper Ian Lipinski, qui l’a conduit à faire l’impasse sur The Race Around : “Cette avarie aurait pu être grave si je n’avais pas été près des côtes, je reconnais que ça m’a fait un peu peur. J’ai aussi discuté avec David Raison (l’architecte), je ne suis pas sûr que ce soit très raisonnable de lancer nos Class40 modernes sur un tour du monde, avec des marins qui vont forcément avoir envie de se tirer la bourre.”
Un manque de visibilité à long terme
Lalou Roucayrol, qui faisait partie des deux inscrits, n’est pas tout à fait d’accord : “C’est une vraie déception, je trouvais la course super intéressante et adaptée à nos bateaux. Pour moi, le vrai problème, c’est que beaucoup de projets s’appuient sur des partenaires franco-français qui ne voyaient pas l’intérêt de laisser partir le bateau pendant six mois et préféraient se projeter sur une Transat Jacques Vabre.” Et le Médocain, qui a choisi de se rabattre sur le Global Solo Challenge à bord d’un Swan 43, d’ajouter : “La Class40 est une classe dans laquelle les gens ne se projettent pas très loin.”
Emmanuel Versace ne dit pas autre chose : “Aucun team n’est capable de se projeter sur deux ans, c’est la vraie limite du modèle Class40. Ian (Lipinski) vient d’annoncer qu’il relançait un projet pour quatre ans, mais il y en a combien qui, avant le départ de la Route du Rhum, savent ce qu’ils vont faire l’année prochaine et à plus long terme ? Très peu. C’est aussi compliqué de sortir skippers et partenaires de leur zone de confort, Transat Jacques Vabre, Route du Rhum, Normandy Channel Race…” The Race Around n’aura donc jamais lieu – “Nous n’allons pas reporter à 2027 pour être confrontés à la même situation”, confirme Sam Holliday -, Emmanuel Versace évoquant de son côté “une solution de rechange proposée à La Rochelle”, soit un aller-retour vers Ushuaia en catégorie 1 à horizon septembre 2024.
Quid de la Globe40, dont la première édition s’est élancée fin juin avec sept concurrents (ils ne sont plus que cinq en course après deux étapes) ? Si son organisateur, Manfred Ramspacher, qui, au lancement du projet, espérait “20 à 30 bateaux” (voir notre article), n’a pas répondu aux sollcitations de Tip & Shaft, Halvard Mabire imagine un avenir à ce tour du monde en huit étapes : “Manfred a été obligé de décaler les dates à cause du Covid, ce qui l’a mis en confrontation avec la Route du Rhum qui est beaucoup plus facile à vendre à un sponsor. Ça n’empêche que le concept est vachement bien. Si la Globe40 se remet sur un calendrier plus compatible, je pense qu’elle va se développer, les gens auront envie d’autres horizons.”
Photo : Jean-Marie Liot