Après une longue carrière chez OC Sport Pen Duick qu’il a quitté en septembre 2019, Mathieu Sarrot a fondé il y a un an, avec son cousin Emmanuel Bachellerie, la société Ultim Sailing. Ils ont organisé le Trophée Banque Populaire Grand Ouest en mai et lancent la Finistère Atlantique-Challenge Action Enfance, course réservée à la classe Ultim dont le départ est prévu vendredi 1er juillet de Concarneau. L’occasion pour Tip & Shaft d’échanger avec lui.
► Cela fait presque trois ans que tu as quitté OC Sport Pen Duick, comment as-tu vécu ton départ ?
J’ai été très heureux et très fier d’être directeur des événements là-bas. Quand tu accroches à ton palmarès d’organisateur quatre Routes Du Rhum, sept Transats Jacques Vabre, neuf Solitaires du Figaro, huit Transats AG2R, cinq Trophées BPE, c’est assez joli. Après, il y a des choix qui ont été faits, je les regrette, le départ a été difficile, c’est toujours violent quand ça arrive. Mais comme disait (Roland) Tresca (directeur général adjoint du Groupe Télégramme), on était “d’accord sur nos désaccords” ! Nous n’avions plus du tout la même philosophie, ni les mêmes désirs d’organisation.
► Qu’as-tu fait après ce départ ?
Ma priorité a d’abord été de digérer, car j’ai quand même fini à genoux. Puis j’ai dépensé beaucoup d’énergie pour postuler à un poste d’event directordes JO pour la voile à Marseille. J’ai passé sept entretiens, pour que la finale avec une compétitrice en face de moi ne se joue pas, parce que tout était décalé d’un an. Ça a été dur, une vraie frustration. J’ai alors commencé à réfléchir à des concepts de courses et notamment à celui de la Route des îles du Ponant. Et un jour avec Emmanuel, on s’est dit qu’il y avait peut-être quelque chose à faire en alliant nos compétences, nous avons alors lancé Ultim Sailing.
► Vous avez eu des rapports parfois tendus lorsque tu étais chez OC Sport Pen Duick et lui à la classe Ultim 32/23, comment vous êtes-vous rapprochés ?
Oui, on était un peu comme Bernie Ecclestone avec les écuries de Formule 1 ! Mais le fait d’être ensuite libéré de la chape OC Sport a fait que, naturellement, les choses se sont remises dans l’ordre.
“François nous a demandé
s’il pouvait courir”
► Ultim Sailing dispose d’un trimaran, l’ancien Actual, sur le point d’être remis à l’eau pour Arthur Le Vaillant, peux-tu en dire plus ?
Arthur est effectivement le skipper du bateau, qui est inscrit à la Route du Rhum-Destination Guadeloupe et sera mis à l’eau le 4 ou le 5 juillet à Lorient. Nous avons un groupement de partenaires qui sera annoncé dans moins d’une semaine.
► Pour vous, l’ambition est avant tout de créer des événements ?
Notre première volonté est effectivement de créer plutôt que de racheter des courses, en répondant aux attentes des classes. Ce qui a été le cas pour le Trophée Banque Populaire Grand Ouest : il y avait une forte demande de la classe Figaro de créer une académie alors qu’on souhaitait au départ faire partie du championnat de France (Elite de course au large). Et on est hyper fiers d’avoir organisé cette course dans une logique de transmission, je suis très content d’avoir vu certains binômes se créer, Violette Dorange avec Erwan Tabarly, Basile Bourgnon avec Yann Eliès… On voit d’ailleurs notre partenaire prochainement, parce que l’objectif est d’inscrire l’événement dans le temps.
► Vous enchaînez avec la Finistère Atlantique-Challenge Action Enfance : quatre bateaux au départ, est-ce satisfaisant ?
On était à deux doigts d’en avoir cinq, puisque François (Gabart) nous a demandé s’il pouvait courir. On a fait le job pour essayer d’ouvrir les portes au niveau de la classe, mais on nous a dit que c’était compliqué. On a dû l’expliquer aux collectivités, ce qui n’a pas été facile, parce qu’on donne un départ de Concarneau qui est le port d’attache de François. C’est dommage, j’aurais aimé un consensus, des compromis, on n’a malheureusement ni l’un ni l’autre.
“On a des demandes fortes
de certains marins”
► Quel regard portes-tu sur ce litige à titre plus personnel ?
(Hésitation). Je ne suis pas un expert technique et dans cette affaire, ce n’est qu’un problème d’interprétation. Quand j’écoute Ronan Lucas (directeur du Team Banque Populaire), j’ai l’impression que ce qu’il dit est assez limpide, quand j’écoute certains marins, j’ai l’impression qu’ils ne font pas ça pour foutre la m…, on sait tous qu’on n’a pas besoin de se tirer une balle dans le pied quand on n’est que sept bateaux. J’ai le sentiment qu’il y a eu des ouvertures de la classe pour François, je ne suis pas sûr qu’il y ait eu le même dialogue de l’autre côté. Mais je peux comprendre que c’est compliqué aussi, quand tu développes un bateau, qu’on te dise, une fois qu’il est abouti, qu’il faut changer pas mal de choses.
► Quelles sont vos ambitions futures ?
On a un troisième événement prévu cet automnequi sera annoncé prochainement. Et on continue à travailler avec la classe Figaro sur une course à partir de l’année prochaine. Avec la classe Ocean Fifty aussi, on est à l’écoute, il n’est pas exclu qu’on annonce certaines choses dans les prochains mois.
► Avez-vous vocation à armer d’autres bateaux ?
Ce bateau (l’ancien Actual) était un peu dans la corbeille de la mariée, je n’ai pas craché dessus car c’est un très joli canot, surtout en vue d’un programme Route du Rhum et du tour du monde en solitaire, probablement pour un autre skipper qu’Arthur. Mais avant de nous occuper de bateaux, on a des demandes fortes de certains marins pour les aider, c’est plus dans ce sens-là qu’on souhaite prendre les dossiers. Quand le 30 mars, Emmanuel et moi, alors qu’on n’avait pas le début d’un sou pour la Route du Rhum, on a fait l’ordre de virement de 96 000 euros [le montant des frais d’inscription, NDLR]sur le compte d’OC Sport, j’ai fait un gros gloups. Aujourd’hui, le pari est gagné, mais c’était chaud !
Photo : Jean-Marie Liot
